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    Chronique du lundi- décryptage de la feuille de route du gouvernement pour 2023

    Chronique du lundi- décryptage de la feuille de route du gouvernement pour 2023
    Publié le
    Par
    Yaya Kanté
    Lecture 7 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    Ce samedi 12 novembre 2022, à l’ouverture du séminaire gouvernemental sur le bilan 2022, le Premier Ministre, Patrick Achi, a présenté, à Yamoussoukro, les priorités de la feuille de route du gouvernement pour 2023. Une dizaine de priorités structurent l’action gouvernementale : « L’objectif visé est de disposer, dès décembre, d’un programme d’activités structuré et cohérent, qui permette d’optimiser l’exécution des projets durant l’année et de se concentrer sur la dizaine de priorités de notre action gouvernementale », a précisé le Premier ministre à l’attention des membres du gouvernement.

    Priorité 1 : le social avec PSGOUV2, le deuxième Programme social du gouvernement. Depuis l’accession au pouvoir d’Alassane Ouattara en 2011, tous les observateurs s’accordent à reconnaître que la Côte d’Ivoire, qui a connu une croissance forte et soutenue jusqu’à la crise sanitaire de la Covid 19, est redevenue le fer de lance de l’économie de l’Afrique de l’Ouest. Pour Ilyes Zouari, Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le Monde), dont les analyses font autorité,  les statistiques récemment publiées par la Banque mondiale montrent que la Côte d’Ivoire, avec un PIB par habitant qui s’établit à 2 286 dollars fin 2019, niveau désormais supérieur à ceux du Kenya (1816 dollars), du Ghana (2 202 dollars) et du Nigeria (2 230 dollars), est considérée comme le pays le plus riche de l’Afrique de l’Ouest. De telles statistiques, particulièrement flatteuses, ne doivent pas conduire à masquer la réalité sociale du pays. Parmi les projets sociaux, figurent l’accès à la santé, à l’électricité, à l’eau potable, la généralisation de la CMU.  Patrick Achi a tenu à réaffirmer la solidarité de la Nation vis-à-vis des populations les plus fragiles en particulier dans les zones frontalières confrontées à l’insécurité avec la montée du terrorisme. Face à la succession des crises et des menaces, comme tous les pays, en particulier les pays en développement, la Côte d’Ivoire est à l’épreuve du social.

    Priorité 2 : la poursuite et l’accélération des grands chantiers d’infrastructures en cours. Les grandes orientations des politiques publiques ont fait, dès 2011, de la construction des infrastructures économiques une priorité absolue. De profondes réformes d’inspiration néolibérales ont été mises en œuvre afin d’améliorer le climat des affaires et sécuriser les investissements : un nouveau code des investissements en 2012, un guichet unique de création d’entreprises, une plateforme d’échanges pour centraliser les appuis des partenaires au développement de l’environnement des affaires, une faible pression fiscale de l’ordre de 14 % du PIB au total pour l’année 2019, cotisations de sécurité sociale incluses. Ces orientations, qui ont permis la réalisation de nombreux chantiers importants à travers le pays, nous renvoient à la priorité 1, le social. Les réformes, si elles ont permis de construire des ponts, des échangeurs et des routes, elles doivent s’accompagner de réformes pour les assiettes des Ivoiriens.

    Priorité 3 : l’amélioration de la productivité. Dans tous les secteurs d’activité (industrie, services, agriculture, administrations…), les gains de productivité sont nécessaires, afin d’accroître la performance des organisations. Patrick Achi a particulièrement insisté sur le secteur agricole, trop longtemps sacrifié sur l’autel de l’industrialisation. Si la Côte d’Ivoire veut assurer sa sécurité et sa souveraineté alimentaires, l’agriculture doit redevenir un secteur prioritaire. Un mot d’ordre : faire de la Côte d’Ivoire le grenier de la sous-région.

    Priorité 4 : la transformation locale des matières premières. Le commerce extérieur  africain se réduit le plus souvent à l’exportation de matières premières brutes. Il est urgent de « booster » la transformation locale des matières premières, afin de créer des emplois, de la valeur ajoutée sur l’ensemble des chaînes de valeurs, lutter contre la pauvreté et améliorer les conditions de vie des Ivoiriens. Justin Koffi N’Goran, le Directeur général de l’ARRE, insiste sur ce point, rappelant que « la Côte d’Ivoire a mis en place un régime incitatif pour transformer localement l’anacarde. Nous avions prévu d’atteindre un objectif de 52 % de transformation en Côte d’Ivoire des noix de cajou d’ici 2022. Malgré la crise sanitaire, la progression du segment de la transformation reste bonne avec 9 milliards Fcfa octroyés aux industriels du secteur pour soutenir la transformation pendant la Covid 19. La filière de l’anacarde, avec ses 400 000 producteurs, représente la 3ème source de devises du secteur agricole après le cacao et le caoutchouc naturel. C’est un exemple parfait de la création de valeur ajoutée dans la chaîne des valeurs. »

    Priorité 5 : l’amélioration du capital humain. Rien n’est possible sans un système éducatif performant. Le Premier ministre a insisté sur le nécessaire renforcement de la complémentarité entre l’enseignement général et l’enseignement supérieur, sur l’importance  de l’enseignement professionnel et de la formation continue. Dans une Chronique du Lundi parue dans L’Intelligent d’Abidjan, j’avais insisté sur le rôle essentiel du ministre de l’Enseignement technique, de la Formation professionnelle et de l’Apprentissage, M. Koffi N’Guessan, pour soutenir le développement socio-économique et contribuer à l’émergence rapide de la Côte d’Ivoire. L’« Ecole de la 2e chance » (E2C) s’inscrit dans la phase 2 du Programme Social du Gouvernement (PSGOUV 2) ; elle a pour objectif de lutter contre le décrochage scolaire et le chômage des jeunes par le biais de la formation.

    Priorité 6 : l’accélération du développement du secteur privé. La forte croissance de l’économie de la Côte d’Ivoire s’explique par l’importance des investissements publics depuis 2011. L’investissement public n’est pas suffisant pour créer des emplois, diversifier l’économie et assurer une croissance forte et durable. Le secteur privé permet d’aller vers une économie plus compétitive et inclusive. La création d’un réseau dense de PME et de PMI permet de générer plus d’emplois et de revenus décents.

    Priorité 7 : la production de logements sociaux. Il existe toujours, dans les pays en développement, une distorsion entre la croissance économique et la croissance démographique, ce qui entraîne une distorsion entre l’offre de logements sociaux et les besoins des populations. Le Gouvernement ivoirien a mis en place, dès 2012, un programme présidentiel de logements sociaux. De nombreux blocages liés au foncier et coût de la construction ont rendu difficile la réalisation de ce programme, les couches défavorisées de la population ne pouvant ne pouvant avoir accès au logement.

    Priorité 8 : l’accélération du processus de digitalisation de l’économie et de modernisation de l’administration publique. La Côte d’Ivoire ne peut pas prendre de retard dans la mise en œuvre de la révolution digitale qui est au coeur au cœur du quotidien, car elle « impacte » tous les domaines (les modes de vie, les modes de gouvernances et les entreprises). Si l’on prend le seul exemple de l’E-gouvernement, son indice de développement (IDEG) montre que les services publics en ligne se démocratisent, l’efficacité de la fonction publique se renforce.

    Priorité 9 : l’identification des populations et des entreprises, avec l’attribution d’un numéro d’identifiant unique à chacun.

    Priorité 10 : la lutte contre la corruption, le renforcement de la gouvernance et la promotion de la culture du résultat.

    Patrick Achi a rappelé que « L’année 2023 constitue une année charnière, (…) qui doit nous amener à achever des projets stratégiques pour accueillir des grands évènements internationaux, comme la Foire commerciale Intra-Africaine et la CAN 2023 en janvier 2024 ». On pourrait évidemment ajouter d’autres priorités comme le renforcement de la stabilité politique avec une politique de réconciliation, de cohésion nationale et sociale plus ambitieuse. Parmi les urgences nouvelles, figurent la réponse à la demande de performance environnementale (lutte contre le réchauffement climatique, la désertification, la dégradation des terres et la sécheresse, la protection de la biodiversité),  le besoin de sécurité (lutte contre le terrorisme , la criminalité organisée et la désinformation qui sature les réseaux sociaux), la place de la Côte d’Ivoire dans le système des relations internationales avec l’émergence d’un monde multipolaire où se dessine une nouvelle « Guerre froide » entre l’Occident et un bloc anti-occidental. Il appartient à la Côte d’Ivoire de mener une diplomatie active, avec tous les Etats africains, pour que le continent n’ait pas à nouveau à porter le fardeau de l’Histoire.

    Christian GAMBOTTI –  Agrégé de l’Université – Président du think tank Afrique & Partage –  Président du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches du l’Afrique de Demain) – Directeur général de l’Université de l’Atlantique – Chroniqueur, essayiste, politologue. Contact : cg@afriquepartage.org

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