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    William Bourdon (l’un des avocats français de Soro) à propos des passeports de Laurent Gbagbo : un choix sélectif, tactique et des signaux d’apaisement… (Côte d’Ivoire)

    William Bourdon (l’un des avocats français de Soro) à propos des passeports de Laurent Gbagbo : un choix sélectif, tactique et des signaux d’apaisement… (Côte d’Ivoire)
    Publié le
    Par
    Philippe Kouhon
    Lecture 4 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    Interrogé par Afrikipresse sur la portée de l’acte  posé par les autorités ivoiriennes concernant les passeports de Laurent Gbagbo,  l’un des avocats français de Soro Guillaume,  Me William Bourdon a qualifié cela  de « choix sélectif et tactique de Ouattara qui se trouve dans l’obligation d’envoyer des  signaux d’apaisement comme les institutions internationales ont pu lui exhorter ».

    Quel est votre avis après l’octroi des 2 passeports à l’ex président Laurent Gbagbo,  par les autorités ivoiriennes.

    William Bourdon : Laurent Gbagbo a salué un acte allant dans le sens de l’apaisement. La chronologie de la délivrance de ces passeports est intéressante et mérite d’être questionnée: cette demande a été formalisée par Laurent Gbagbo depuis de nombreux mois et a toujours été refusée par les autorités ivoiriennes. Aujourd’hui, les élections ont eu lieu, elles ont été et sont légitimement remises en cause sur le fondement d’une analyse juridique fondée et très étayée puisqu’elles se sont déroulées en violation des règles constitutionnelles les plus élémentaires.

    De nombreuses voix se sont élevées, cela a abouti à des violences postélectorales et une répression inquiétante : 85 personnes ont été tuées, plus de 200 blessés sont à déplorer, et plusieurs dizaines de leaders de l’opposition ont été brutalement arrêtés, détenus au secret et privés de leurs droits.  

    Les partis d’opposition ont créé un « Conseil national de transition » en vue de former un « gouvernement de transition ». Laurent Gbagbo, qui était au premier rang lors des violences liées aux élections de 2010 qui a conduit à un conflit armé au cours duquel plus de 3000 personne ont perdues la vie – puisqu’il refusait de quitter ses fonctions et reconnaître la victoire de M. OUATTARA – s’est aujourd’hui montré défavorable à ce gouvernement de transition. On peut s’interroger sur le caractère opportuniste de cette position.

    Ces passeports lui permettent aujourd’hui d’avoir la possibilité de rentrer en Côte d’Ivoire s’il le souhaite, reste à voir dans quelles conditions son retour sera organisé étant rappelé que Laurent Gbagbo fait toujours l’objet d’une condamnation à vingt ans d’emprisonnement par la justice ivoirienne dans le dossier du « braquage » de la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest lors de la crise de 2010-2011. En définitive, ce calendrier démontre le choix sélectif et tactique de Ouattara qui se trouve dans l’obligation d’envoyer des « signaux d’apaisement » comme les institutions internationales ont pu lui exhorter. De toute évidence cela est totalement insuffisant pour tenter d’approcher une réconciliation effective en Côte d’Ivoire.

    Que faut-il d’autre pour une réconciliation effective en Côte d’ivoire

    Le préalable c’est la libération immédiate de toutes les personnes arrêtées arbitrairement, qu’il s’agisse des arrestations récentes en lien avec la répression postélectorale mais également de toutes celles qui se sont déroulées au mépris des droits les plus élémentaires depuis de plusieurs années déjà. En effet, les persécutions politiques contre les opposants ne datent pas d’hier, comme l’illustrent celles initiées à l’encontre de Monsieur Guillaume SORO opposant politique et des membres de son mouvement Générations et Peuples Solidaires (GPS). La remise en liberté de ces personnes arbitrairement détenues a été demandée par la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) dans le cadre de sa décision du 22 avril 2020. Le comité des droits de l’homme des parlementaires de l’Union Interparlementaire a estimé aux termes d’un avis très motivé, que les procédures menées contre les députés proches du GPS s’inscrivaient dans la continuité du harcèlement politico-judiciaire dont ils sont victimes depuis 2019 et a d’ailleurs appelé à la libération immédiate du député Monsieur Alain LOBOGNON.

    Evidemment, dans le prolongement de ces libérations qui sont un prérequis à toute recherche d’une réconciliation et favoriseraient un retour à un climat de paix sociale, il devrait également être mis fin aux poursuites judiciaires qui sont d’évidence des procédures baillons visant à museler et neutraliser toute forme d’opposition. Madame Michelle BACHELET, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droit de l’homme a exhorté en novembre dernier toutes les parties en Côté d’Ivoire à engager un dialogue constructif pour résoudre la situation difficile à la suite de l’élection présidentielle. Cette position est très juste et importante, et rappelle la nécessité de la pluralité des voix qui doivent pouvoir se faire entendre.

    En l’absence d’une reconnaissance effective de la légitimité de l’opposition et de la fin de toute persécution, une réconciliation effective en Côte d’Ivoire restera une chimère.

     Le débat sur le  nouveau mandat de Ouattara est-il encore d’actualité ?

    Oui car c’est la légitimité et la légalité mêmes du processus électoral qui a été remis en cause compte tenu des violations flagrantes aux règles constitutionnelles et à la mise en place minutieuse en amont de procédures s’apparentant ni plus ni moins à des persécutions politiques visant à neutraliser l’opposition. Néanmoins, en pratique, le 3ème mandat de Ouattara a déjà débuté et a été reconnu par la communauté internationale et notamment par la France, le Président Macron a d’ailleurs tenu à le féliciter et à lui transmettre ses vœux de succès. Ainsi, si les conditions évoquées ci-dessus ne sont pas remplies, il est très difficile d’espérer malheureusement un retour à la réconciliation et la paix sociale.

    Propos recueillis par Philippe Kouhon 

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