Le président de la CAF a écopé, lundi 23 novembre 2020, d’une suspension de cinq ans, rendue par la Commission d’Éthique de la FIFA. Des journalistes africains ont accepté de se prononcer sur cette lourde sanction.
Hugues Zunon Zinsou (Bénin) «Ahmad Ahmad ne peut que s’en prendre à lui-même»
Ahmad Ahmad a géré la CAF comme la plupart des présidents de fédérations oubliant que la FIFA colonialiste ne lui ferait aucun cadeau à la moindre erreur. Ahmad Ahmad a commis des erreurs, dont le peut favoritisme flagrant dans l’affaire Tactical Steel. Il y a également, son interpellation à Paris. Mais il me semble que” le chef colonialiste” Infantino ne lui a jamais pardonné l’éjection de Fatma et le refus d’organiser la CAN tous les 4 ans. En clair, Infantino a le guidon et le frein en main sur la gestion du football africain. Il a chassé Hayatou et a installé Ahmad Ahmad. On peut dire que l’administration Infantino malmène clairement la CAF. Ahmad Ahmad ne peut que s’en prendre à lui même. Qui lui a demandé de mettre l’administration sous tutelle? La succession de Ahmad Ahmad est ouverte. Va t-il faire un recours au TAS ou quittera-t-il la scène footballistique sans réagir ? Qui pour lui succéder ? Une nouvelle marionnette de Infantino ou enfin les présidents des 54 associations vont voter pour un programme et non pour un homme imposé par la FIFA ? Autant d’interrogations qui trouveront réponses dans les tout prochains jours.
Zaki Boussadia (Algérie) «La suspension de Ahmad fera du bien au football africain»
Cette suspension n’est pas une surprise vu que monsieur Ahmed Ahmed a déjà été arrêté à Paris en juin 2019. Cette dernière sonction n’est plus douteuse puisque c’est la décision de la Commission d’Éthique de la FIFA, une commission qui prend des décisions sur des preuves indiscutables. La suspension de Ahmed Ahmed fera du bien au football africain, tout le monde a remarqué la large différence entre sa gestion et celle de Issa Hayatou. Même en dehors de cette sonction, des fédérations préparaient un coup contre le Malgache. Le président de la Fédération Algérienne de Football, Kheir Eddine Zetchi a confirmé dernièrement que la gestion de la CAF n’est pas bonne et qu’il fallait revoir beaucoup de choses lors des prochaines élections. En tous cas Ahmad Ahmad n’a jamais fait preuve qu’il travaille pour le bien du football africain, aucun projet n’a été dévoilé ou appliqué. La Commission d’Éthique de la FIFA a donc confirmé indirectement à travers sa décision que Ahmad Ahmad est venu pour son intérêt personnel.
Richard Naha (Cameroun) « C’est un règlement de comptes»
Le président de la CAF est victime d’un complot de la FIFA qui lui reproche d’avoir offert des cadeaux à ses membres. C’est un règlement de comptes parce que depuis que le président de la CAF a refusé d’accéder à la demande du président de la FIFA pour la reconduction de Fatma Samoura, il a décidé d’avoir sa peau. C’est le nœud du problème. Pour le président de la FIFA, c’est une exigence pour Ahmad Ahmad du qu’il l’ai soutenu lors des élections contre Issa Hayatou. Il faut que nous Africains, comprenions que l’enjeu du problème c’est la colonisation du football africain. Les gens veulent que nous Africains soyions d’éternels assujettis à des gens qui pensent qu’ils sont supérieurs à nous. Gianni Infantino lui-même est coupable de nombreux délits. On lui reproche de s’être fait rembourser par la FIFA des frais de voyage qu’il a effectué à Rome avec ses propres moyens et en son nom propre. Il ne peut pas faire croire aux gens qu’il est l’homme le plus propre. Il est temps qu’on fasse des révélations parce qu’il y a des gens à la FIFA qui pensent qu’ils sont blancs comme neige. La Commission d’Éthique ne peut pas nous faire croire autre chose. Comment épargner le président de la FIFA pour les mêmes délits reprochés à Ahmad Ahmad ? Cela montre clairement que la Commission d’Éthique est au service de Gianni Infantino et non au service de la FIFA.
Élisée Hounkpatin (Bénin) «Cette suspension doit déclencher une révolution à la CAF»
Je pense que cette suspension est la conséquence directe du mauvais management du football africain. Il faut que les africains se prennent au sérieux. Il faut des hommes rigoureux et intègres à la CAF qui ont de vraies ambitions pour le football africain qui continue de sombrer .
Cette suspension est un signal fort adressé aux prochains dirigeants de cette instance. Il faut revoir la qualité des hommes que nous portons à la tête de nos fédérations. Le professionalisme, l’intégrité et l’ouverture d’esprit devraient être les valeurs qui devraient guider nos choix. Il y a des problèmes dans le football en Afrique. Nous sommes la seule confédération qui depuis la nuit des temps bat le record des scandales. Les autres travaillent et innovent et nous trainons le pas. Je souhaite vivement que cette suspension soit l’élément qui va déclencher la révolution au niveau de la CAF parce que nous avons tous pensé que l’arrivée d’Ahmad Ahmad et le départ de Issa Hayatou allait changer les choses. Mais hélas.
Paul Bahini (Côte d’Ivoire) « Un avertissement pour son successeur»
Il y a eu trop de légèretés de la part du président Ahmad. En réalité, je ne suis pas surpris par ce qui arrive au président Ahmad puisque tôt ou tard, cela devait arriver. Dans des articles de presse en avril et mai 2019, on évoquait déjà les dérives du président, accusé de corruption et de harcèlement sexuel avec des témoignages diffusés sur des sites internet. Le directeur financier de l’institution avait été relevé de ses fonctions au prétexte qu’il aurait refusé de se rendre à Rabat, au Maroc, avec toute la comptabilité de la CAF pour analyse par le président de la Commission des Finances qui est également 3e vice-président de l’institution. Une démarche non prévue dans les statuts. Bref, ça ne sentait pas bon depuis plus d’un an pour le président de la CAF qui se voit frappé d’une interdiction de toutes activités liées au fonctionnement de la CAF. Il ne se passait pas un jour sans que les médias européens et africains, ne fassent des révélations sur la gestion de la CAF. Une institution présentée comme un bateau en pleine tempête dont le commandant de bord conduit son équipage sur les récifs. Soixante-deux ans après sa création, la CAF voyait sa réputation et sa crédibilité fortement entachées suite à ces graves dysfonctionnements. Mais que doit-on retenir du passage à la tête de la CAF d’Ahmad ? Logiquement, les règles d’organisation des compétions africaines devraient être revues, notamment celles régissant la Coupe d’Afrique des nations. Puisque c’est après son élection, en 2017 qu’il a fait changer ces règles. La sanction d’Ahmad est un avertissement pour son successeur.
Antoine Battiono (Burkina Faso) « Le football africain a besoin d’une nouvelle gouvernance»
La sentence de la FIFA était attendue mais il s’agissait de savoir la date qu’elle devait tomber dans la mesure où le Malgache, Ahmad, était dans le viseur du président de la FIFA, Gianni Infantino. Ce dernier semblait avoir perdu la main mise qu’il avait sur le président de la CAF depuis que certaines de ses propositions ne passaient plus. Il y a surtout la proposition d’une CAN tous les quatre ans et proposée en février 2020 lors d’un séminaire de la CAF au Maroc et qui n’a pas eu l’assentiment de l’instance du football continental. Naturellement que cela a quelque peu fâché le patron du football mondial qui a quitté le Maroc en pleine réunion. Pour avoir soutenu la candidature du Malgache face au Camerounais Issa Hayatou en 2017, le Suisse et président de la FIFA se disait avoir toutes les cartes en mains pour faire passer haut les mains certaines de ses décisions. Et il ne semble pas avoir digéré le séminaire du Maroc et il fallait, selon des indiscrétions, trouver la faille qui puisse mettre en difficulté Ahmad. Ce n’est pas pour autant qu’on doit l’absoudre des insuffisances qui ont été relevées dans sa gouvernance parce que son mandat a tout de même connu des soubresauts sur les aspects des finances, de passation de marchés dont le cas avec l’équipementier Tactical steel qui a fait tant de bruit. Cela signifie aussi qu’on n’en serait pas là si Ahmad avait accepté d’être une véritable marionnette de Gianni Infantino qui tenait l’épée de Damoclès. Notre football a besoin d’une nouvelle gouvernance parce qu’elle ne saurait être une véritable caverne d’Ali Baba où les dirigeants peuvent se servir comme ils veulent sans jamais rendre compte et même être inquiétés. Il faut avouer que ce ne sont pas des affaires qui ont vu le jour sous Ahmad puisque l’opinion de façon générale en parlait depuis des années et l’exemple a été vécu avec la FIFA sous Sepp Blatter suspendu pour corruption. Il y a trop d’affaires sales dans ce milieu.
Propos recueillis par Adou Mel