L’homme d’affaires et opposant Omar Hamidou Tchiana est-il l’objet de mesures de rétorsion de la part du chef de l’État nigérien, dans le cadre du processus de renouvellement d’un contrat de la Société d’exploitation des eaux du Niger (SEEN) ? Un dossier qui fait suite à des sanctions déjà prises à l’encontre d’un responsable d’une administration qui avait organisé une activité dans un établissement hôtelier appartement à l’opposant.
En effet, selon le confrère Africa Intelligence, la présence de l’ex ministre Omar Hamidou Tchiana dans le pool des actionnaires privés de la (SEEN) pose problème aux autorités de Niamey, sans oublier Veolia. Pour le média , cette situation rend difficile le renouvellement de la convention entre l’entreprise et l’État nigérien. Cette situation alimente des soupçons de règlement de comptes et de représailles, à l’égard d’un opposant dont l’entourage déplore un mauvais signal pour la vie démocratique au Niger.
Colère autour Omar Tchiana
«Vous imaginez que c’est une manière d’ouvrir une boîte de Pandore. Ce type de pression n’est pas acceptable. Monsieur Omar Hamidou Tchiana a le malheur d’être opposant au Président Bazoum. Ce qu’il a été déjà sous le Président Issoufou sans que des mesures de représailles ou de règlement de comptes de cette nature , aient été exercées à l’encontre de ses autres activités. Cette situation n’est pas acceptable. De plus Monsieur Tchiana a un hôtel à Niamey. Un responsable d’une administration qui a eu le malheur d’y avoir organisé une activité, a même été sanctionné pour cela. Bazoum ne supporte pas la contradiction. Et il pose un dangereux précédent pour l’avenir», a confié à Afrikipresse un proche de l’homme politique nigérien après la publication de Africa Intelligence.
En effet, faisant état des négociations entre Veolia et Mohamed Bazoum sur le renouvellement
du contrat de la Société d’exploitation des eaux du Niger, Africa Intelligence annonce que le géant français Veolia mène depuis plusieurs mois des discussions avec l’État nigérien concernant la poursuite de ses activités dans le pays.
«Le point focal des tractations : une demande de Niamey qui souhaite voir partir un groupe d’actionnaires privés de la société d’exploitation locale, représentés par l’homme d’affaires et opposant Omar Hamidou Tchiana. (…) Veolia l’opère via une joint-venture créée en 2000 : la Société d’exploitation des eaux du Niger (SEEN). Récemment repoussé en raison d’arriérés de paiement de l’Etat, son mandat était censé expirer au mois de mai 2022. Si le groupe dirigé par Estelle Brachlianoff détient 51 % de la SEEN, la part du Niger, plus modeste, s’élève à 5 %. Outre les salariés de l’entreprise (10 %), les 34 % restants du capital de la société appartiennent à un pool d’actionnaires privés, dont le gouvernement souhaite se séparer», fait savoir Africa Intelligence.
Un ancien ministre et opposant dans le viseur
Le confrère poursuit avec ces précisions : «L’un des deux administrateurs représentant leurs intérêts n’est autre qu’Omar Hamidou Tchiana, un des membres les plus influents de l’opposition. Ministre des mines puis des transports sous l’ancien président Mahamadou Issoufou (2011-2021), cet héritier de l’une des familles les plus fortunées du pays s’était présenté à la présidentielle de 2020-2021. Eliminé dès le premier tour, il avait alors rallié l’ex-président Mahamane Ousmane, avant que celui-ci ne soit finalement battu par l’actuel chef de l’Etat, Mohamed Bazoum.
Elu entre-temps député, Tchiana a ensuite continué à s’opposer à Bazoum. Il a par exemple activement soutenu Ousmane dans ces efforts visant à faire invalider les résultats du second tour de la présidentielle auprès de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (AI du 19/01/22). L’ancien ministre s’est plus tard illustré comme l’un des plus véhéments pourfendeurs du gouvernement lors des événements de Téra en décembre 2021, reprochant à l’exécutif de refuser de faire la lumière sur les faits.
Deux options sur la table
Afin de renouveler leur contrat tout en évinçant les actionnaires privés de la SEEN, Veolia et les autorités nigériennes étudient actuellement deux approches. La première consiste à renouveler le contrat avec la même société. Une solution qui offre l’avantage d’éviter un ensemble de contraintes (modification entière des statuts, transfert d’actifs et de personnel, etc.), mais qui ne permettrait cependant ni à l’Etat ni à son partenaire français de remodeler le capital de la SEEN de manière unilatérale. L’exclusion des actionnaires privés ne serait alors possible qu’à la condition qu’ils consentent à vendre leurs parts.
La seconde approche envisagée prévoit la conclusion d’un nouveau contrat, avec une nouvelle société d’exploitation. Bien qu’elle permette d’écarter définitivement les actionnaires privés – qui perdront leurs droits lors de l’expiration du premier contrat d’affermage -, une telle option, conformément à la loi de 2018 portant sur les partenariats public-privé (PPP), ouvrirait la voie à un appel d’offres international que Veolia pourrait perdre.
Un obstacle que la note interne propose néanmoins de contourner au moyen d’une dérogation législative, qui autoriserait une négociation de gré à gré entre l’Etat nigérien et le géant français. Celle-ci pourrait notamment être obtenue à travers une loi évaluant la gestion hydraulique dans le pays et proposant une meilleure régulation du secteur. Un scénario qui semble à la portée du camp présidentiel, qui détient une importante majorité au sein de l’Assemblée nationale (127 des 171 députés lui sont acquis).” ( fin de citation).
Ce que compte faire Omar Hamidou Tchiana
Selon nos informations, Omar Hamidou Tchiana ne compte pas se laisser intimider. Son entourage rapporte qu’au cours d’un conseil d’administration, il a demandé un audit général sur l’exécution de la convention. Les administrateurs représentant Veolia n’ont pas soutenu cette requête visant à faire montre de transparence, et à faciliter les discussions. S’agissant de la sortie de l’ex ministre et opposant de la société en sa qualité d’actionnaire et d’administrateur , son entourage ne ferme pas la porte, tout en déplorant les intentions des autorités de Niamey.
«En réalité, il n’est pas demandeur à priori, mais c’est un homme d’affaires. Et s’il reçoit une proposition sérieuse pour la cession de ses parts, il avisera. Nous sommes d’ailleurs étonnés que Veolia ne l’ait jamais contacté à cet effet, ni informé de ce qui se passe. Ce que nous apprenons, c’est que le Président Mohamed Bazoum veut le dépouiller totalement, et l’exproprier , c’est à dire le sortir de la société sans lui donner un seul centime . Mais comment cela est-il possible ?», a confié à Afrikipresse un proche de Oumar Tchiana. Un responsable de SEEN à Niamey et des responsables gouvernementaux du Niger, ont été contactés par Afrikipresse pour leur version dans le cadre de la rédaction de cet article. Au moment de la publication, ils n’avaient pas encore réagi.
Wakili Alafé