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    Smart Africa, Hamadoun Traoré : “c’est de là que viendra le salut …”(Interview)

    Smart Africa, Hamadoun Traoré : “c’est de là que viendra le salut …”(Interview)
    Publié le
    Par
    Charles Kouassi
    Lecture 7 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

     Docteur Hamadoun Touré, le Directeur Exécutif de Smart Africa (Institution créée en 2013 par les Chefs d’Etats pour développer le continent par les Tic), ex-Secrétaire Général de l’Union internationale des télécommunications (UIT) -de 2007 à 2014-, était de passage à Abidjan le 11 avril 2017  pour des signatures de partenariats et rendez-vous d’affaire. Afrikipresse l’a interrogé sur les actions menées par sa structure pour le développement effectif du continent et la création de l’emploie pour la jeunesse.

     
     Pouvez-vous expliquer aux Africains, ce que c’est que Smart Africa ?

     Smart Africa est une plateforme mise en place par les Chefs d’États Africains en 2013 pour pouvoir développer ensemble, les Techniques de l’Information et de la Communication (Tic)  sur le continent, mettre ce outil au centre du développement de nos pays, mettre en place une stratégie commune pour ce développement-là et emmener le secteur privé à travailler avec nous et enfin, s’aligner avec les objectifs du développement durable. Ce sont les 5 piliers du manifeste de Smart Africa. Nous déployons notre stratégie à travers des partenariats forts avec des partenaires publics et privés du continent d’ailleurs. C’est une stratégie très simple qui permet d’utiliser les efforts de chacun des pays pour nous développer ensemble.
     
     Est-ce que vous sentez que le continent est partant pour réaliser ce grand rêve ?

     Absolument ! C’est une industrie qui a besoin de cerveaux humains pour se développer. Les pays tels que la Corée du Sud, le Luxembourg, qui l’ont fait avant nous , n’ont aucune autre ressource naturelle que les cerveaux humains. Ils ont mis en place une stratégie et l’ont gagnée. Nous pouvons faire la même chose. Ces pays-là travaillent avec nous. Nous allons-nous inspirer de leurs expériences pour ne pas réinventer ce qui existe déjà , ou alors commettre les mêmes erreurs qui ont été déjà commises. Donc, nous avons la capacité d’aller vite. Nous allons collaborer avec entreprises étrangères au continent. L’objectif, c’est d’attirer 300 milliards de dollars (environ 150000 milliards F CFA) d’investissement dans les années à venir.  
     
     Aujourd’hui, le gros mal de l’Afrique c’est le chômage des jeunes. Ce qui les pousse à tenter la traversée périlleuse de la méditerranée pour se rendre clandestinement en Europe. Comment est-ce que ce développement par le Tic peut aider à les maintenir sur le continent ?

     C’est une très belle question. Car, par les Tic, l’objectif final reste la création de l’emploi. Les Tic peuvent créer de l’emploi dans les autres secteurs en y emmenant des solutions. Je veux parler de l’éducation en ligne, la santé, que ce soit le commerce, l’énergie, le transport. Bref, tous les autres secteurs d’activité, même au niveau du gouvernement. Cela va nous permettre de créer de centaines de milliers de contenus qui seront conçus, développés et maintenus par des jeunes qui vont travailler dans ce domaine. Les Tic permettent aussi de créer de l’emploi pour soi-même. De chez lui ou n’importe où, le jeune peut développer des applications, des logiciels qui peuvent être vendus dans le monde entier et lui rapporter des profits. Nous voulons donc que les jeunes commencent à créer des richesses. C’est l’unique opportunité sur ce secteur-là. Ce secteur cré beaucoup plus d’emploi que n’importe autre secteur dans le monde. Donc, l’Afrique ne sera pas aussi en arrière dans ce domaine-là.  C’est seulement en amenant une stratégie commune que nous pourrons gagner ce pari.
     
     Vu la richesse du sous-sol du continent, on comprend aisément que cette politique va surtout aider au niveau des équipements informatiques, vu leur cout actuel qui décourage plus d’un …

     Absolument ! Vous faites bien de souligner cet aspect de la chose. Car, l’Afrique est immensément riche au niveau de son sous-sol. Si nous mettons en forme une stratégie qui permettrait pour le milliard d’habitants que nous sommes, de consommer nos productions , on ferait un miracle économique. La Chine et l’Inde ont su profiter de ce milliard d’habitants pour être là où ils sont aujourd’hui. Fabriquer un ordinateur qui pourra être vendu sur place en Afrique, tout en comptant sur l’avantage de nos groupements sous régionaux, ça serait formidable. Et c’est ce vers quoi nous allons. On fabriquera des ordinateurs dans un pays, on fabriquera des smartphones dans un autres pays, des réfrigérateurs dans un autre, des téléviseurs quelque part d’autre, ainsi de suite. Ça sera en fonction des richesses naturelles de ces pays. Et Dieu sait combien nos pays sont riches. On devra alors trouver un mécanisme pour que la commercialisation sur le continent soit fluide. La Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) en est un exemple parfait. Si vous fabriquez en Côte d’Ivoire, vous pouvez exporter au Ghana, au Mali, au Togo, au Sénégal, etc. Pourquoi ne pas aussi ouvrir cet espace aux autres pays africains membres du Smart Africa ? Cela fait partie des barrières  à  lever. L’Afrique, c’est 54 pays. Il y a plus de 54 mille industries différentes qui pourraient chacune avoir quelque chose. Si-bien que chaque pays pourra se spécialiser dans un domaine bien donné et vendre aux autres. Et il y a autres choses.
     
     Lesquelles ?

     Il y a une panoplie d’applications qui restent à inventer. Elles ne l’ont jamais été car, elles attendent d’être inventées par des Africains pour résoudre les problèmes propres au continent. Les jeunes des pays occidentaux  ne pourrons pas le faire à notre place, car, il ne savent rien de nos problèmes à nous.
     
     À vous entendre, on dirait vous êtes un apôtre du commerce  intra africain …

     C’est de là que viendra le salut de l’Afrique. Nous sommes perçus comme un  continent consommateur. Alors, produisons pour nous-même. Tout ce qui ce qui arrive en Afrique comme produit fini est parti d’ici sous forme de matière première. Ces produits sont souvent-même transformés dans des navires aux larges de nos côtes. Et ils nous reviennent 100 fois plus chers. Il faut d’abord qu’on parvienne à sauter les barrières entre nous pays africains. Aujourd’hui, le téléphone portable est devenu un outil indispensable dans le monde des affaires. Mais, si  je dois faire le roaming à un cout élevé en Afrique lorsque je passe dans un autre pays du continent, cela devient compliqué. La solution est de  prendre une sim locale ou utiliser d’autres réseaux sociaux.  Si je suis un homme d’affaires , cela signifie que je deviens injoignable par les partenaires à qui je n’ai pu  passer ce nouveau numéro. Et ça, je dois le faire chaque fois que je passe d’un pays à un autre. Mon business va rouler au ralenti.  Alors, nous allons simplement créer un roaming commun entre les Etats africains. Un certain nombre de pays sont déjà d’accord. Nous sommes en pleine étude de faisabilité. Nous n’allons pas nous arrêter là. Le data roaming est aussi concerné. Car, de nos jours,  il y a plus de données qui passent nos frontières par jour que de biens ou de personnes. Il faudra aussi y arriver. Ensuite, il faudra positionner le continent de sorte que, quand nous faisons le roaming en dehors du continent africain,  nous soyons respecté par ces opérateurs-là. Qu’on donne à nos abonnés, un coût de roaming assez raisonnable, sinon, on leur fait la réciprocité. C’est seulement dans l’unité qu’on peut être fort.
     
     À quel pourcentage s’élèvent aujourd’hui les échanges économiques entre les pays africains ?

     Malheureusement, nous avons pour habitude de faire les affaires avec les pays occidentaux qu’entre nous-mêmes. Le commerce intra africain présente moins  10e du commerce que nous faisons avec les pays des autres continents. Ce n’est pas normal ! Du café produit en Côte d’Ivoire, par exemple, va être consommé dans un pays voisin sous le label d’un pays occidental, malheureusement. Et, si nous avons le roaming disponible, nos hommes d’affaire vont commencer à beaucoup plus voyager en Afrique et prendront leur temps, par ce qu’ils continueront à faire leurs business pendant leur voyage. Cela va beaucoup stimuler le commerce intra-africain. Nous pourrons enfin produire et consommer.  
     
     Comment  les Tic peuvent-ils être un moteur de croissance dans une Afrique où l’on est habitué à l’énergie traditionnelle ?

     C’est une très bonne question parc ce que les deux thèmes sont liés. Il ne peut pas y avoir de Tic sans énergie. Et l’énergie sans les Tic sera improductive. Les deux vont la main dans la main. On a vu en Afrique, dans les zones rurales surtout, comment le téléphone portable a emmené l’énergie. Parce que, vous avez besoin de ça pour pouvoir communiquer. Et le besoin de communiquer est une caractéristique de l’homme. À partir du moment on est sur terre, l’homme commence à communiquer jusqu’à son dernier jour. Les stratégies de développement de l’énergie iront de pair avec celle du développement des Tic.
     
     Jean-H Koffo

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