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    Sahel : La liberté d’expression en danger

    Sahel : La liberté d’expression en danger
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    La Rédaction
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    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    Au Mali et au Faso, pas facile pour les citoyens d’être bien informés, pas facile pour les journalistes de bien faire leur travail, dans les médias traditionnels comme sur les réseaux sociaux. Oui, la liberté d’expression dans la région est en danger. Et ça risque de ne pas changer de sitôt. 

    « La démocratie vient après la sécurité », a proclamé Choguel Maïga, le Premier ministre à la tête du gouvernement malien, sur le site Abakako.com. Stop, arrêtons-nous tout de suite sur cette phrase : en fait, la liberté d’expression commence dès les premières lignes de n’importe quel article et par la définition des mots. Si vous êtes fidèle au pouvoir en place à Bamako, vous parlerez d’un « gouvernement de transition » et d’un président courageux, le colonel Assimi Goïta. Si vous êtes indépendant et libre d’esprit, vous appellerez les choses par leur nom : le gouvernement n’a pas de légitimité démocratique, la junte militaire de Goïta étant arrivée au pouvoir suite à deux coups d’État, en août 2020 et mai 2021. Son autorité est donc tout sauf l’expression de la volonté du peuple malien. En tout état de cause, les propos du Premier ministre Maïga sont clairs pour tout le monde : la sécurité balaye tout, à commencer par la liberté d’expression. Qui peut vraiment s’en réjouir ? 

    Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire 

    Car sans liberté d’expression, sans élections libres également, point de démocratie. Les exécutifs du Sahel – Mali et Burkina Faso en tête – ont fait un choix : brider les oppositions et faire taire les voix dissonantes, qu’elles se trouvent dans les pays en question ou à l’étranger. Car saper l’autorité et la « légitimité » d’hommes tels que le colonel Assimi Goïta n’est pas bien vu. Forcément. La dernière à en avoir fait les frais n’est autre qu’Aminata Dicko, vice-présidente de l’association de défense des droits humains Kisal. Depuis janvier dernier et son passage devant le Conseil de sécurité des Nations unies, sa vie est devenue un enfer. Elle est désormais la cible des nouveaux « panafricanistes » et de médias inféodés au pouvoir de Bamako. Ses crimes ? Avoir dénoncé le piètre bilan de la junte en termes de sécurité, et avoir pointé du doigt le chef de la diplomatie malienne Abdoulaye Diop, alors présent aux Nations unies à New York. Pourtant, tout ce qu’elle met en avant est exact. Mais comme elle s’oppose au nouveau pouvoir, elle est désormais cataloguée comme traître et suppôt de la France. La simplification est l’autre nom du mensonge… 

    Lire aussi » Presse : des journalistes malgaches dénoncent les entraves à la liberté d’expression au Tchad et dans leur pays

    Pourtant, n’en déplaise à Bamako et à ses trolls sur Internet, la situation sécuritaire ne fait que se détériorer dans toutes les régions du Mali. Selon un rapport de l’ONU, les exactions auraient même plus que doublé (+118%) entre 2021 et 2022, avec 2001 civils victimes d’actes de violences, dont 1277 tués, 352 blessés et 372 personnes kidnappées ou disparues, dont plus de la moitié par la main des terroristes de l’hydre jihadiste. Triste bilan pour les hommes « forts » de la junte ! Mais ce qui dérange le plus ces derniers, ce sont les « 694 violations des droits de l’homme, soient 35% du nombre total de violations, qui sont imputables aux éléments des Forces de défense et de sécurité (FDS), quelquefois accompagnés par du personnel militaire étranger ». Les Russes de Wagner pour ne pas les nommer. Non, toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire au Mali ! 

    Contrariez la junte et vous aurez des ennuis 

    À Bamako malheureusement, tous les médias, imprimés ou en ligne, suivent maintenant la ligne officielle du pouvoir. Dans l’espace de liberté que représentent les réseaux sociaux, les voix discordantes sont systématiquement attaquées par des internautes qui ne jurent que par leur super-héros Goïta, voire par la « justice » du pays. Évidemment, les journalistes et les activistes sont les premières victimes du pouvoir. Au Mali, nous sommes toujours sans nouvelles du chroniqueur Ras Bath, arrêté en mars et emprisonné parce qu’il avait osé dire que l’ex-Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga n’était pas « mort mais avait été assassiné » en 2022. Dans la foulée, le directeur du journal Le DémocrateAliou Touré, qui a réclamé haut et fort sa libération début avril, est depuis introuvable. Où sont passés ces deux héraults de la liberté d’expression ? Espérons les revoir bientôt, comme nous avons pu voir le journaliste sénégalais Mamadou Sylla sortir de la prison de Bamako en novembre dernier, après trois mois d’enfermement. Sylla avait été accusé de collusion avec les jihadistes, alors qu’il faisait son travail au plus près des populations civiles : « L’armée commet des bavures à l’endroit des populations qui sont soupçonnées de collaborer avec des djihadistes, a-t-il souligné après sa libération. L’armée malienne commet des excès. Le problème du Mali, c’est qu’il est vaste. L’État n’a pas tous les moyens pour assurer la sécurité du pays surtout au niveau des frontières. » 

    En fait, les cas d’emprisonnement arbitraires ne font que s’enchaîner. En mars également, le célèbre influenceuse Rokia Doumbia, aussi connue sous les surnoms de « Rose vie chère » et « Tantie Rose poivrons », a été arrêtée pour une vidéo postée sur les réseaux sociaux où elle critique – à juste titre – le gouvernement de transition pour ses échecs à lutter contre l’insécurité et l’inflation galopante : « Sous votre gouvernance, ça ne va pas. Cette transition est un échec avec un bilan de 0%, dit-elle. Aucun Malien ne vit en paix ! Pendant mes directs, les gens réagissent en dénonçant la flambée des prix du riz, du gasoil, de l’huile et du sucre. » Y a-t-il un mensonge là-dedans ? Absolument pas. Mais à croire le ministère de la Justice, Rokia Doumbia a dépassé les bornes, et a été accusée de « trouble à l’ordre public », d’« incitation à la révolte » et d’« outrage et violences envers le chef de l’État ». Que faudra-t-il donc pour que le peuple réagisse ? 

    Lire aussi » Civis-Ci appelle à «L’exercice légitime et pacifique du droit à la liberté de réunion»

    En s’octroyant les pleins pouvoirs, Assimi Goïta a lancé une nouvelle mode. Chez nos voisins du Burkina Faso, la situation des droits de l’Homme et de la liberté d’expression n’est guère plus reluisante. Arrivé au pouvoir suite au coup d’État de septembre 2022 – drôle de coïncidence avec Goïta ! –, le capitaine Ibrahim Traoré est lui aussi en train de mettre un tour de vis à la liberté de la presse dans son pays. Son coup d’éclat principal : avoir suspendu les émissions de France 24, la chaîne d’informations française étant dénoncée comme l’organe de propagande de Paris. Le ministre de la Communication du Burkina Faso, Rimtalba Jean Emmanuel Ouédraogo, a justifié cette décision à cause de la diffusion d’une interview du chef de AQMI (Al-Qaïda au Maghreb Islamique), accusant Paris de savoir où le terroriste se cache. À croire que le ministre ne sait pas ce que c’est que le métier de journaliste ! Non, nous ne sommes pas obligés de demander la permission au pouvoir pour faire notre travail et dénicher des scoops ! 

    L’association Amnesty International – qui ne se gêne pas pour taper sur la France quand bon lui semble – a d’ailleurs aussitôt réagi : « La lutte contre les groupes armés et l’insécurité ne sauraient être un prétexte pour restreindre les libertés de la presse et les droits des citoyens d’accès à l’information, a déploré Samira Daoud, directrice régionale pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre à Amnesty International. L’expulsion de correspondants de journaux et la suspension de chaîne de télévision marquent un tournant inquiétant de violation du droit à la liberté d’expression par les autorités. » Cette histoire de « tournant inquiétant » est un euphémisme ! 

    Ces campagnes de désinformation « made in Moscow » 

    Brider les figures de la société civile et les médias non conformes à la ligne officielle est une chose. Mais noyer les faits dans le bruit des milliers de fake news et d’analyses fumeuses est aussi, pour les juntes militaires et pour leur sponsor russe, une stratégie de contre-attaque. Et les moyens à disposition sont nombreux : de nombreux Maliens et Burkinabé anonymes se sont emparés des réseaux sociaux – avec de vrais ou de faux profils –, des figures médiatiques comme « l’influenceuse du Kremlin » Nathalie Yamb ou le militant controversé Kémi Séba – faisant lui aussi la promotion de l’influence russe – sont toujours très présents dans les médias. Leur objectif commun est simple : brouiller les cartes et empêcher les citoyens de s’y retrouver et de faire la part entre le vrai et le faux. Mais chut, il ne faut pas surtout pas que ça se sache…

     Brahim Ouedraogo BrahimOued@proton.me

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