Six patrons de presse et journalistes ont été placés en détention depuis le 12 février dans la caserne de gendarmerie dénommé Agban située dans le quartier de Williamsville à Abidjan. Une mesure qui inquiète Reporters sans frontières (RSF) alors que les délits de presse sont dépénalisés en Côte d’Ivoire.
C’est avec surprise et consternation que RSF a appris le placement en détention préventive le 12 février dans les cellules de la caserne de gendarmerie d’Agban de Coulibaly Vamara, directeur de publication des quotidiens Soir Info et l’Inter, de Yacouba Gbané, directeur de publication de Le Temps, de Bamba Franck Mamadou, directeur de publication de Notre Voie, de Hamadou Ziao, rédacteur en chef de l’Inter, de Ferdinand Bailly, journaliste à Le Temps et de Jean Bédel Gnago, correspondant de Soir Info à Aboisso (Sud-Est).
Tous sont accusés de “diffusion de fausses nouvelles” et d’« incitation de militaires à l’insoumission et à la rébellion ». Ces arrestations font suite à la publication, les 10 et 11 février d’articles relatant des paiements de primes aux forces spéciales de l’armée ivoirienne basées dans la ville d’Adiaké (Sud-Est) après une mutinerie les 7 et 8 février 2017. Le gouvernement avait publié un communiqué pour démentir ces informations.
“Nous demandons aux autorités ivoiriennes de respecter leurs propres lois et de procéder à la libération immédiate de ces six patrons de presse, déclare Virginie Dangles, rédactrice en chef de RSF. Les délits de presse sont dépénalisés en Côte d’Ivoire, un journaliste n’a donc pas à être jeté en prison quels que soient les propos de ses articles. Si ses publications sont considérées comme outrancières ou diffamatoires, des recours légaux sont possibles. »
Le 11 février, Yacouba Gbané et Ferdinand Bailly avaient été entendus pendant plus de huit heures à la Brigade de recherche de la gendarmerie sur saisine du procureur de la République Richard Christophe Adou. Il lui a été demandé de révéler ses sources au sein des forces spéciales et du ministère de la Défense. Le lendemain 12 février, les autres hommes de médias ont été convoqués à leur tour. S’ils sont reconnus coupables, les journalistes risquent une peine d’emprisonnement de un à cinq ans et une amende de 300 000 à 3 millions de francs CFA.
RSF rappelle que la loi ivoirienne sur la presse stipule que « la peine d’emprisonnement est exclue pour les délits de presse” (article 68).
C’est le Conseil national de la presse (CNP), organe de régulation et de gestion de la presse, qui est la seule autorité à sanctionner les journalistes en cas d’infraction.
Depuis l’accession au pouvoir du président Alassane Ouattara au pouvoir, c’est la troisième fois que des journalistes sont privés de liberté de façon abusive pour des délits de presse. En novembre 2011, des journalistes de Notre Voie César Etou, directeur de publication, Didier Dépri, le secrétaire général de la rédaction et Boga Sivori, chef du service politique, avaient été emprisonnés pendant 13 jours avant d’être jugés et déclarés non coupables.