La panique et la précipitation n’arrangent pas en politique. De nombreux observateurs se demandent déjà pourquoi l’opposition guinéenne se précipite pour crier à la fraude, alors que les résultats ne sont pas encore proclamés. N’est-ce pas une attitude de mauvais perdants, au déla du symbole d’un manque de confiance dans les institutions ?
Autrement il est bien simple de se calmer , de réunir le maximum de preuves de fraudes, en laissant la commission électorale faire son travail. Au Togo, l’opposition avait crié à la fraude et avait affirmé disposer de solides preuves. Pourtant lorsque les observateurs lui ont demandé les preuves de la fraude et de la manipulation des procès verbaux, il a été difficile à Jean-Pierre Fabre de se montrer convaincant. Il est évident qu’en Guinée, le président Alpha Condé n’est pas blanc comme neige, n’a pas vite lâché du lest et surtout n’a pas mesuré le degré des ressentiments de ses adversaires. N’empêche que des efforts décisifs ont été faits vers la fin, pour que le peuple aille au vote dans des conditions apaisées. Le fait que l’élection du dimanche 11 octobre 2015, se soit déroulée sans violences majeures, contrairement à ce que les violences ayant émaillé la fin de la campagne laissaient croire, constitue un élément défavorable dans les revendications de l’opposition. Cela dit, des anomalies ont été constatées et l’élection n’a pas été parfaite. Il y a 5 ans déjà la Guinée, presqu’au même moment que la Côte d’Ivoire, avait connu une petite crise postélectorale. Une petite crise oui , parce qu’elle a fait moins de victimes qu’en Côte d’Ivoire. Dallen Diallo, qui s’était alors senti lésé de sa victoire et n’entend pas à nouveau se faire voler ce qu’il a considéré comme sa victoire, avant même que la commission en charge des élections ne proclame les résultats. Le fait qui trouble cependant est que les résultats sont tout simplement rejetés par les adversaires. Ce fait est troublant, car au lieu de revendiquer la victoire, les 7 candidats se contentent de rejeter les résultats et de demander l’annulation du scrutin. En clair, tout en récusant d’avance la victoire d’Alpha Condé, les opposants guinéens se gardent de revendiquer leur propre victoire. Sont-ils trop démocrates pour refuser de revendiquer leur victoire et pour se contenter seulement de demander la reprise de l’élection ? Les opposants guinéens ont un comportement de mauvais perdants. Leur précipitation est suspecte et n’est pas de nature à rassurer sur la crédibilité et la sincérité de leurs griefs contre l’élection. La Côte d’Ivoire a déjà connu ce type de situation, aussi bien en l’an 2000 (élection calamiteuse selon le vainqueur d’alors) qu’en l’an 2010 (une violente crise postélectorale). Parce que certains acteurs politiques hésitent encore à jouer franchement le jeu démocratique et à rendre toute sa force au suffrage du peuple, il est à craindre que le processus électoral ivoirien connaisse à nouveau des turbulences identiques au scenario qui est en train de se dessiner en Guinée. Il est vrai qu’il n’y a jamais deux sans trois (2000, 2010 et donc 2015), il est aussi vrai que les mêmes causes peuvent produire les mêmes effets, mais l’adage dit aussi qu’un homme (un peuple) avertit en vaut deux, et aussi que c’est 2ème gaou qui est gnata. À Abidjan comme à Conakry, chacun reste donc sur ses gardes, pour des dénouements non tragiques des processus électoraux en cours.
Charles Kouassi.