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    Reportage sur une traque contre le travail des enfants dans une zone cacaoyère

    Reportage sur une traque contre le travail des enfants dans une zone cacaoyère
    Publié le
    Par
    Philippe Kouhon
    Lecture 7 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    Une opération de police,  dénommée ‘’Nawa 2’’ s’est déroulée les 6 et 7 mai 2021 dans la zone cacaoyère de Soubré dans la région de la Nawa ( Sud-ouest) en Côte d’Ivoire. 

    Elle a été menée conjointement par une sous direction de la lutte contre la Traite des enfants et de la délinquance juvénile (DPC/SDLTEDJ), une sous direction de la police criminelle.

    Ces entités ont agi sous la supervision du comité national de surveillance de la traite,  l’exploitation et le travail des enfants ( CNS), avec la participation de plusieurs unités de sécurité dont  l’unité de lutte contre la criminalité transfrontalière (UCT), la police nationale, la gendarmerie nationale,  les eaux et forêts, Interpol et des personnes civiles. 

    Cette opération avait pour mission de traquer les trafiquants et les exploitants d’enfants dans les plantations de cacao, les orpaillages et autres activités dangereuses pour les enfants. Elle s’inscrit dans la volonté de la Première Dame Dominique Ouattara,  par ailleurs présidente du CNS, de réduire dans les proportions raisonnables , sinon d’éradiquer, le travail des enfants dans les zones cacaoyères en Côte d’ivoire. 

    Nawa 2 intervient après les opérations similaires de ‘’BIA 1  à Aboisso en 2009, Nawa 1  à Soubré en 2014, Akoma à  San pedro 

    en 2016, BIA 3 à Aboisso en 2020’’.

    Elle s’est soldée par la prise en charge de 68 enfants victimes dans le centre d’accueil pour enfants de Soubré et par  l’interpellation de 24 adultes. Une vingtaine de journalistes nationaux et internationaux ont pris part à l’opération. Notre reportage. 

    Soubré . Jeudi 6 mai 2021

    7h, un premier rassemblement des journalistes venus d’Abidjan a lieu à l’hôtel. Ils sont répartis dans trois groupes ( A, B, C).

    7h40. Nous nous rendons ensuite au commissariat de police où nous intégrons les patrouilles mixtes ( police,   gendarmerie, eaux et forêts,  police criminelle, Interpol, CNS…), elles aussi  réparties en trois groupes ( A, B, C) avec 18 éléments de la force mixte par groupe. 

    Le groupe A est affecté dans la zone cacaoyère de Meagui. Le groupe B, dans la zone de Oupoyo et le groupe C sur l’axe Yabayo. 

    Chaque groupe est sous la  responsabilité d’un lieutenant de la sous direction de la lutte contre la Traite des enfants et de la délinquance juvénile (DPC/ SDLTEDJ), à savoir Guy Marius  Tagoueli, Nguessan Jérôme  et Tiecoura Anga Casimir.

    Les consignes de départ 

    «  Respectez les droits des enfants et des adultes.  Travaillez avec professionnalisme, ne faites usage des armes qu’en cas de légitime défense. En cas de difficultés remonter l’information à la cellule de coordination mise en place dans l’enceinte du commissariat », conseillent  avant  le départ des patrouilles,  le préfet de police de San pedro Kouame Amani Joëlet le Commissaire de la DPC/ SDLTEDJ, Zaka  Luc.

    À leur suite, Brahima Coulibaly,  directeur communication de la Première Dame Dominique Ouattara salue l’engouement des uns et des autres.

    « Cette opération s’inscrit dans la volonté de madame la Première Dame de réduire dans des proportions raisonnables la lutte contre le travail des enfants dans les zones cacaoyères.  Pendant des années elle a participé à la sensibilisation continue,  elle estime qu’il est temps de réprimer.  C’est donc le temps de la tolérance zéro », assure le collaborateur de Mme Dominique Ouattara.

    La traque dans les cacao cultures

    Il est 10h lorsque les différentes délégations composées des forces mixtes de sécurité et de journalistes prennent la direction de leurs zones respectives. 

    Après 20km de route, notre patrouille arrive à Oupoyo.

    Sur place dans la ville,  un enfant de 10 ans environ est pris entrain de travailler dans un atelier de peinture et de soudure. Il s’agit d’un travail considéré comme dangereux pour enfant.

    Le vieux Bébané Yacouba, employeur et le petit Alassane Sogodogo sont sommés de rester au poste de détachement de la DPC/ SDLTEDJ, à  Oupoyo en attendant la fin de la patrouille pour être conduits au commissariat de Soubré.

    Avant de quitter la ville de Oupoyo pour ses plantations cacaoyères, notre groupe (B )est scindé en deux. La partie B1 toujours composée d’éléments mixtes  de sécurité nous devance. 

    À quelque encablure de là,  exactement à Gnipi-Carrière, Kanté  Arouna 15 ans et son patron sont interpellés dans un garage de mécanique et soudure. Ils feront le reste de l’opération à bord d’un des cinq véhicules de la patrouille B2, de notre détachement. 

     Axe Gobekro-Pokougui- Krakangakro-Takoragui

    À  Krakangakro, un enfant de 10 ans en route pour l’écabossage de cacao prend la fuite à notre vue. Impossible de le rattraper dans la broussaille malgré le nombre impressionnant des agents de sécurité et leurs imposantes corpulences. Le cadreur de la chaîne de télé NCI s’en tire bien avec une belle séquence de la fuite du gamin.

    Approché,  un homme en civil renseigne sur la présence d’un groupe de personnes en activité d’ecabossage dans le village que nous venions de passer.

    À Broukouassikro, le  vieux Siandou Lebié est avec 12 autres personnes autour d’un tas de cabosses de cacao. On trouve des Baoulé et des burkinabè.  Ils travaillent tous pour un ressortissant burkinabè,  Sory Aldou ( absent). Ils sont tous des adultes sauf un dont la taille attire l’attention des agents de sécurité de la patrouille.  Mais, le vieux Siandou lui attribue 18 ans. 

    Le lieutenant Nguessan Jérôme,  chef de patrouille profite pour expliquer pourquoi lui ses hommes sont là avant de les sensibiliser à ne pas faire travailler les enfants tout en rappelant que les contrevenants encourent plusieurs peines d’emprisonnement. 

    A 500 mètres de là Nguessan Kouassi est avec deux enfants dont l’âge varie entre 2 et 10 ans. 

    «  Ils m’ont été confiés par ma fille qui réside à Daloa. Celui de 10 ans sera scolarisé l’année prochaine » raconte-t-il. 

    Après un interrogatoire serré de la police criminelle,  l’homme va se dédire et annoncer que seul l’enfant de 2 ans lui appartient.  

    Kouakou Kouame Parfait 10 ans lui-même avouera qu’il est déjà scolarisé à Krakangakro en classe de CM2. Il aide son tuteur à ses temps perdus et aujourd’hui du fait de l’absence de son instituteur. 

    Les quelques élèves trouvés sur place dans l’établissement confirmeront. Le vieux Nguessan Kouassi bénéficiera toutefois de la clémence du lieutenant Nguessan Jérôme qui, là encore a convoqué quelques habitants du village en vue de les sensibiliser.

    Il est 14h30 lorsque nous atteignons Takoragui ( petit Bouaké) la dernière localité de notre programme d’investigation du jour.

    Hypolite Yobouet et Kouadio Kouadio ( 18 ans non scolarisés) sont avec leurs cadets,  Akatchi Kouadio Seraphin et Akatchi Kouame Enoc, tous les deux en classe de 6ème au collège Assemblée de Dieu à Soubré.

    Les quatre adolescents sont avec leur frère aîné Akatchi Famien dans la plantation de cacao de leur père. Ils ne feront  pas l’objet d’interpellation mais de sensibilisation.

    Résultat,  la patrouille B2 s’en sortira à la fin de l’opération pour cette première journée avec trois interpellations dont 2 enfants victimes et un adulte mis en cause.

    La patrouille B1 reviendra avec 10 interpellations dont  5 adultes et 5 enfants.

    L’on notera que sur les 13 personnes,  seulement 2 enfants et leurs accompagnateurs étaient dans les plantations de cacao. Le reste des interpellations concerne les travaux dangereux et pénibles dans les ateliers de mécanique,  et une fille qui portait une charge lourde.

    Jour 2. Vendredi 7 mai

    Les trois patrouilles de la veille sont revues légèrement avec l’intégration de nouveaux visages. Cette fois ce sont les localités autour de Soubré, Meagui et Okrouyo qui sont visitées. 

    Notre équipe reste à Soubré , dans les localités de petit Tiemé, Johin et Sarakadji en direction du parc national de Taï.

    Il est 10h lorsque nous

    arrivons au village de Djekouamekro. Sur une parcelle aménagée, le jeune Franck, âgé d’une dizaine d’années et originaire du Bénin, est englouti dans un gros trou. Il y assemble la terre servant de fabrique de  briques pour la construction de plusieurs maisons. 

    Interrogé,  Kouassi Vié Benjamin,  l’adulte avec qui il travaille informe que l’enfant lui a été confié par son père,  chauffeur de taxi moto entre les localités de Gnamadji et Petit Tiemé.

    Ils seront interpellés.

    Sur la route, pendant leur embarquement dans les véhicules, deux mini cars de transport sont stoppés et passés aux fouilles  à la recherche d’enfants non accompagnés ou d’enfants apprentis  chauffeurs. 

    Le petit Kouamé  Anderson est dans un car en route pour Soubré.  Il n’a aucun document d’identité sur lui.

    Renseignement pris, un  voyageur adulte le reconnaît.  Ils partagent le même campement.  Mission lui est confiée de suivre le gamin et appeler son contact une fois à Soubré . 

    Dans le petit village de Djekouamekro, deux garçons de 15 ans environ promènent des bœufs.  C’est une pratique courante dans la zone en dehors du travail dans les plantations de cacao. Les bouviers utilisent les enfants qui promènent les bêtes sur parfois de longues distances. Le plus petit,  Issouf en classe de CM1 dans une école coranique est embarqué. 

    Malgré une fouille minutieuse dans les plantations de cacao longeant notre parcours, point de trace de travail des enfants. Il faudra atteindre Sarakadji pour voir deux enfants sur un gros camion en train de charger des sacs de 100kg de cacao.

    Dans un atelier de mécanique,  Alassane Zokouri et Ouedraogo Issouf sont retirés. 

    Ils seront interpellés avec leurs patrons  et conduits à Soubré  comme toutes les victimes ( enfants) et mis en causes ( adultes, employeurs et trafiquants).

    Bilan : 68 enfants sauvés des pires formes de travail et 24 adultes aux mains de la justice 

    Le bilan des deux jours de traque est de 68 enfants  victimes pris immédiatement en charge par le centre d’accueil pour enfants de Soubré, et de 24 adultes mis à la disposition du commissariat de Soubré .

    «  Nous continuons la lutte.  C’est déjà un départ.  Et seule l’enquête déterminera le motif de la détention et situera la responsabilité pénale de chaque adulte appréhendé », a dit Koné Alexandre,  procureur substitut résident près la section détachée de Soubré, après une visite du centre mis à disposition par la Fondation Children of africa de la Première Dame Dominique Ouattara

    « L’opération Nawa 2 s’est bien passée. Il faut noter que les populations ont été largement sensibilisées surtout en langue vernaculaire.  Avec le travail des médias que vous êtes,  et bientôt la caravane Wara tour des artistes,  nous osons espérer que le phénomène connaîtra bientôt un recul considérable. Enfin,  cette opération qui s’inscrit dans la phase de la répression va continuer» a dit le commissaire Zaka Luc de la sous direction de la lutte contre la Traite des enfants et de la délinquance juvénile (DPC/ SDLTEDJ). Il en a profité pour annoncer la prochaine opération en juin 2021 sans préciser la région. 

    Philippe Kouhon,  envoyé spécial dans la Nawa

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