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    Présidentielle du 11 Octobre 2015 au Burkina : le SG du parti de Roch Kaboré dit tout (Interview)

    Présidentielle du 11 Octobre 2015 au Burkina : le SG du parti de Roch Kaboré dit tout (Interview)
    Publié le
    Par
    Charles Kouassi
    Lecture 12 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    Le 4 janvier 2014, coup de tonnerre au Burkina Faso! Roch Marc Christian Kaboré, président du Congrès pour la démocratie et le progrès, le parti de Blaise Compaoré, démissionne en cosignant une lettre ouverte avec deux autres piliers du parti, Salif Diallo et Simon Compaoré. Ils y dénoncent une pratique interne d’exclusion et fustigent l’entêtement de Blaise Compaoré à modifier l’article 37 de la Constitution en vue de briguer un troisième mandat. Ils annoncent la création d’un parti politique, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) et prennent place aux côtés de la société civile et des autres partis d’opposition dans les contestations de rue. Dès lors, les jours de Blaise Compaoré sont comptés au palais de Kosyam, la résidence officielle du chef de l’État.

    Nous avons rencontré Monsieur Clément Pengwendé Sawadogo, le secrétaire général de cette formation politique qui tient le haut du pavé au Burkina Faso, à un mois du scrutin présidentiel fixé au 11 octobre. Entretien.

    Quelle est la place du MPP au Burkina Faso ?

    Le MPP, dans le microcosme politique Burkinabè, est l’un des derniers nés. Nous n’existons que depuis le 25 janvier 2014. Mais, c’est un parti qui est né dans des conditions qui ne sont semblables à aucun autre parti depuis l’indépendance de notre pays. Il est né sous fond de contestations, lesquelles ont donné lieu à des dissensions internes au CDP qui était le parti de Blaise Compaoré. Et donc, en réaction à ce que nos camarades, Roch en tête (NDLR : Roch Marc Christian Kaboré, président du MPP), Salif Diallo et Simon Compaoré, ont considéré comme une imposture -c’est-à-dire, la révision de l’article 37 de la Constitution en vue d’un troisième mandat pour Blaise Compaoré- nous avons choisi de créer notre parti qui est le MPP. Nous refusions ainsi la volonté inique du président du Faso, Blaise Compaoré, d’imposer un régime à vie ou à défaut, d’être remplacé par son petit frère.
    Résultat, depuis notre naissance, nous avons été au centre de la mobilisation populaire.

    Ou situez-vous idéologiquement le MPP ?

    Nous sommes de la social-démocratie. Nous croyons que cette position est le juste milieu, du fait qu’il faut tenir compte des exigences du marché, de l’économie de marché et la nécessité de faire face aux préoccupations sociales du peuple. Il faut reconnaitre que dans nos pays africains, l’on ne peut appliquer les lois du capitalisme pur et dur au risque d’écraser une large majorité démunie, au profit de grands possesseurs de capitaux. Le réalisme nous commande de placer les préoccupations sociales de cette grande majorité au cœur des politiques de développement. Nous sommes convaincus que la social-démocratie permettra de réduire les inégalités sociales.

    Ne partez-vous pas un peu affaiblis du fait de votre passé récent ? Vous sortez tout de même des entrailles du CDP de Blaise Compaoré et donc comptables de sa gestion.

    Des gens nous le reprochent et ils ont certainement raison, car nous ne pouvons occulter avoir été dans ce parti au moins pendant deux décennies. Ce n’est pas rien. Mais, ce qui pourrait paraitre comme une source d’affaiblissement pour nous, parce qu’on entend des gens nous associer à des erreurs commises par le président Blaise Compaoré pendant un certain temps avant de sortir, est aussi une grande force qui réside en notre formidable expérience du pouvoir. De la gestion du pouvoir d’État. Ce qui manque cruellement à nos adversaires qui n’ont aucune connaissance dans ce domaine. Nous savons aujourd’hui clairement les erreurs commises, des pièges et nous savons comment les éviter. A cela, il faut ajouter notre large expérience de la gestion des questions sociales au contraire des gens qui n’ont jamais géré un seul jour. Il faut reconnaitre que c’est un capital acquis lors des 25 années que nous avons été avec Blaise Compaoré, avant les deux dernières années d’égarement. Nous avons chacun à notre niveau, apporté sa contribution à l’édification de la nation, malgré la complexité du régime dans lequel nous étions. Bien entendu, il y avait à l’intérieur de ce régime, il y avait certaines personnes mêlées à des pratiques comme les assassinats, nous n’allons pas le nier, mais l’on ne va tout de même pas mêler aussi tout le monde à ces pratiques nébuleuses.

    Oui, mais si vous revendiquez des actifs de votre passage au CDP, vous devrez aussi en assumer les passifs.

    On peut le dire. Mais prenons l’exemple de l’assassinat de Norbert Zongo. Nous avons mené une campagne pour l’élection du candidat du CDP. Avant même qu’il soit installé dans ses fonctions après la victoire -il devait prêter serment- des individus trouvent le moyen d’envoyer une expédition pour éliminer Norbert Zongo. Bon, qu’est-ce que le militant lambda a à voir dans une telle énormité? Il est clair qu’une partie politico-militaire que nous ne maitrisions pas, qui exécutait des mots d’ordre qui étaient aux antipodes de ce que la majorité des militants professait. Franchement, je ne vois pas en quoi, moi en tant que militant, je dois être mêlé à ça…Maintenant, si l’on avait pu désigner un coupable à l’intérieur du régime, ce dernier devait être dénoncé, mais de l’intérieur. Malheureusement, aucun coupable n’a été désigné. Vous savez, en ce moment-là, vous êtes militant, si vous n’êtes pas d’accord, vous le viviez et le ressentiez dans la chair, même si certains se démarquent politiquement.

    Si le MPP accédait au pouvoir, serait-il prêt à booster ce dossier de sorte à faire éclater la vérité?

    Ce dossier est ouvert. Le seul obstacle est d’ordre judiciaire. C’est au niveau de la justice. Sinon, je peux vous dire que le gouvernement lui-même n’a aucune raison d’entraver la recherche de la vérité. Je suis convaincu que dans la société burkinabè, personne n’a en esprit que Roch Kaboré et ses camarades aient une quelconque main dans cette affaire malheureuse.

    Parlons de la campagne pour la présidentielle. Pensez-vous que le MPP a une réelle implantation nationale?

    Nous n’avons aucune crainte dans ce sens. Nous sommes implantés dans la quasi-totalité des villages. Nous avons des délégués partout. Et sachez qu’au Burkina Faso, nous avons plus de 9 000 villages. Nous avons mené une vraie bataille pour y être implanté parce que nous savons que notre efficacité sur le terrain en dépend. C’est là que la différence se fera. Les choses vont être pliées à partir de l’implantation du parti.

    Pensez-vous avoir eu suffisamment de temps pour le faire, pour un parti qui n’est né que le 25 janvier 2014? Et vous n’êtes qu’à un mois des élections aujourd’hui.

    Nous avons réussi ce pari et je peux vous dire que notre implantation est totale. Nous en sommes satisfaits. Nous sommes à pied d’œuvre et à fond depuis 3 à 4 mois.

    En Afrique on a l’habitude de voir des partis qui ont des assises ethniques. Peut-on en dire autant du MPP?

    Non, on ne peut pas en dire autant de notre parti. Nous sommes un parti national, avec toutes les représentations ethniques et toutes les couches sociales et professionnelles. Nous sommes aussi forts dans une région que dans une autre. Un bon équilibrage. Nous avons été acceptés partout. Pourquoi? Parce que le Burkinabè se dit : ‘’voici ceux qui nous ont apporté la solution politique à l’espoir du changement et de l’alternance’’. Donc, que ce soit au nord, au sud, à l’est, à l’ouest ou au centre, nous avons connu une adhésion réelle. Nous avons pu le constater lors des visites de notre candidat Roch Marc Christian Kaboré dans les localités, partout où il est passé cela a été une fête populaire. Ceci est un bon baromètre.

    Oh, vous savez, en Afrique, tous les leaders sont reçus en grande pompe partout où ils vont. Les politologues disent que cela est dû au sens de l’hospitalité des populations rurales. Je ne pense donc pas qu’on puisse considérer ceci comme un bon baromètre.

    Au Burkina Faso, les choses se passent différemment. Quand les gens sortent massivement, cela est clair que celui qu’ils attendent est là. C’est vrai que dans un souci d’hospitalité, les notables et les responsables accueillent tout le monde, mais l’adhésion populaire est spontanée pour ceux qui sont réellement le choix du peuple.
    N’oubliez pas que le président Roch Kaboré est sorti du CDP avec l’essentiel des militants de ce parti. Malheureusement pour ceux qui faisaient l’apologie de la toute-puissance de Blaise Compaoré, ils ont oublié qu’il n’était pas tout puissant par le ciel, mais qu’il était tout puissant parce qu’il avait des hommes de valeur avec lui.

    Il avait un socle sur lequel il s’appuyait en en réalité…

    Absolument. Lui Blaise, plus les trois qui formaient le directoire du CDP -je veux parler de Roch Marc Christian Kaboré, Salif Dialo et Simon Compaoré- formaient le pilier du parti. Quand les trois autres sont partis, à lui tout seul, il ne représentait plus grand-chose. En fait, ceux qui tenaient les acteurs du parti sur le terrain sont ceux-là qui se sont retrouvés au MPP et qui ont été suivis par les acteurs locaux et le peuple.

    Avez-vous des rapports privilégiés avec d’autres partis, des alliés en somme?

    Oui, nous avons des rapports privilégiés avec un certain nombre de partis. Par exemple, des formations qui ont choisi de soutenir le MPP dès le premier tour. On peut citer, le Rassemblement pour la démocratie et le socialisme (RDS) un parti issu de la formation de Joseph Ki-Zerbo; le Nouveau temps pour la démocratie (NTD), un nouveau parti; le Front des forces sociales (FFS), un vieux parti d’opposition sankariste, parmi les plus radicaux; Burkina Yirwa, le parti du professeur Etienne Traoré; le Rassemblement pour le renouveau (RPR); le Parti pour la démocratie et le socialisme; parti des bâtisseurs (PDS/METBA), de feu Arba Diallo, un vieil opposant; la Coalition pour la république-parti progressiste (CORP); l’Alliance des forces progressistes (AFP); le Parti pour la démocratie et le progrès-parti socialiste (PDP/PS), une autre branche du parti de Ki-Zerbo.

    Comme vous pouvez le constater, nous ne sommes pas isolés et ne nous sentons pas mal dans notre peau. Mieux, des opposants historiques nous soutiennent. Et notre objectif est donc de marcher dans le sens des aspirations du peuple burkinabè.

    Parlez-nous de votre candidat, Roch Marc Christian Kaboré, président du MPP.

    Sur la scène politique burkinabè, c’est à mon avis une loi de la nature, il est le mieux placé en termes de qualité et de gestion du pouvoir.

    Il est relativement jeune, 58 ans…Il a commencé tôt!

    Comme tous les gens de sa génération. C’est en gros la génération de Blaise Compaoré qui a porté Thomas Sankara au pouvoir. Nous constituons une classe politique de cette génération dont je fais aussi partie. Les plus âgés à l’avènement de Sankara au pouvoir avaient autour de 30 ans. Nous tournions tous entre 25, 27 et 30 ans. Ce qui nous permet de totaliser avant l’âge de 60 ans, une expérience de plus de 25 ans d’activités politiques au plus haut niveau. Au Burkina Faso, c’est une particularité, notre classe politique la mieux outillée et la plus expérimentée est encore jeune.

    Je vous donne mon exemple parmi tant d’autres. A 30 ans, j’étais Directeur général de la Radiodiffusion télévision burkinabè (RTB). J’avais comme interlocuteurs au plan régional, des ainés comme Mme Danielle Boni Claverie ou comme M. Aly Coulibaly, un peu plus tard, en Côte d’Ivoire. A 37 ans j’étais député, puis directeur de cabinet du premier ministre, secrétaire général du gouvernement et du conseil des ministres, avant d’être nommé ministre de l’administration territoriale en 2006. J’ai aujourd’hui 54 ans et j’ai plus de 25 ans de responsabilité politiques. Nous avons l’équipe qu’il faut, mais aussi, le chef qu’il faut. Parce que la force d’un chef, ce n’est pas seulement d’avoir des hommes de qualité, mais surtout de pouvoir en tirer le meilleur.

    Que pensent le MPP et son président du panafricanisme?

    Il existe au plan régional et africain, les mécanismes adéquats du panafricanisme. Il faut les mettre en œuvre. Le MPP est un parti social-démocrate et en tant que tel, il est obligé de s’ouvrir aux autres par la création d’un marché régional et sous régional. Nous sommes sensibles à toute politique d’intégration et cela fait partie de notre programme.

    Au plan économique, vous prévoyez quoi pour votre pays?

    Nous voulons faire en sorte que les ressources soient gérées en toute transparence et combattre la corruption, l’une des plaies en Afrique, notamment au Burkina Faso. Assainir le secteur minier en pleine croissance et créer des conditions favorables pour l’agriculture qui emploie plus de 80% de nos populations, travailler à équilibrer les questions de pluviométrie qui compromettent les saisons.

    Qu’est-ce que le MPP envisage faire pour la réforme de l’armée, surtout en ce qui concerne le régiment de la sécurité présidentielle (RSP), qui fait débat?

    Une réforme de l’armée est inévitable. Le régime qui va venir après les élections ne peut continuer comme cela se passait auparavant au risque de se saborder. Ce que nous allons faire, c’est d’engager tout de suite une réforme. Bien sûr, avec les chefs militaires et tous ceux dont la voix compte. Il s’agit de replacer chaque organe militaire dans ses fonctions. En principe, dans nos pays de tradition francophone, c’est quand même la gendarmerie et la police qui assure la sécurité et qui occupent la rue. Mais ici, du fait que l’ancien président étant issu de l’armée a gardé une certaine logique de gouvernance. Il faut dire que l’armée ayant a été à l’origine du régime, elle a gardé une sorte de pouvoir militaro-politique, une sorte de hydre, dont il ne faut pas rendre forcement responsable le régiment de la sécurité présidentielle ou un autre corps quelconque, mais, redéfinir clairement les rôles en fonction de l’expertise accumulée. Ce qu’il faut retenir, c’est que la réforme se fera avec l’armée et non sans l’armée, pour le bonheur du peuple burkinabè.

    Yvon Jonathan K.
    Envoyé spécial à Ouagadougou

     

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