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    Polémique autour d’un lot ex-Sicogi à Adjamé : riverains contre acquéreur s’expliquent 

    Polémique autour d’un lot ex-Sicogi à Adjamé : riverains contre acquéreur s’expliquent 
    Publié le
    Par
    Dasse Claude
    Lecture 8 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    Un lot de terrain situé à Adjamé, dans le quartier Extension, anciennement propriété de la Société ivoirienne de construction et de gestion immobilière (Sicogi), aujourd’hui géré par l’Agence nationale de l’habitat (Anah), est au cœur d’une polémique. Cédé légalement à un acquéreur, la mise en valeur de ce terrain suscite l’opposition des riverains, tandis que l’acheteur réclame son droit à la propriété et à la mise en valeur du site. Le ministère de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme, la mairie d’Adjamé et l’Anah sont interpellés pour trancher ce conflit qui oppose les parties prenantes.

    Une acquisition en toute légalité

    Les faits remontent à 2015. Cette années-là, Djè Bi Djè Lucien, alors employé à la Sicogi prépare son départ à la retraite. Il songe alors à se mettre ainsi que sa famille à l’abri du besoin durant ses vieux jours. Il décide d’acheter un lot auprès de sa société qui a entrepris depuis des années déjà, une politique de cession des habitations aux locataires en règle des modalités de paiement des loyers, tout comme la vente des lots et des locaux servant autrefois de bureau de paiement.

    Djè Bi Djè Lucien saute sur une occasion, en faisant une demande d’acquisition de terrain. Une requête jugée favorable par sa hiérarchie. Au terme d’un accord assez favorable, le site abritant le bureau de caisse de la Sicogi d’Adjamé, en plus du terrain d’une superficie de 200 m2, juste à côté, circonscrits au cœur du quartier Extension de la commune lui sont cédés. Une bonne opération pour le futur retraité ! Dans l’urgence, il a besoin de liquidité pour faire face à son nouveau statut. Il cherche un preneur pour le site acquis à son nom. C’est là qu’il tombe sur Salou Hamidou, commerçant de son état, intéressé par l’offre. Le grossiste veut en faire un domaine d’habitation de R+1. L’affaire est conclue entre les deux hommes. Allou, le premier responsable du Foncier de la Sicogi est informé à la minute près, de la transaction.

    Pour faire les choses dans les règles de l’art, la vente est faite devant notaire quelques jours après, soit le 17 juin 2015. D’ailleurs dans le cadre de la transmission de certificat de mutation de propriété foncière, Maître Coulibaly Awa écrit ceci à Salou Hamidou, dans son rapport. « J’ai l’honneur de vous informer que le certificat de la mutation de propriété foncière à votre nom relativement au terrain urbain non bâti sis à Abidjan-Adjamé, formant le lot numéro 144 bis et faisant l’objet du titre foncier numéro 7306 de la circonscription foncière de Bingerville a été obtenu ».

    Une année plus tard, soit le 15 juin 2016, ce sera au tour du Ministère auprès du Premier-ministre chargé du Budget de confirmer cette transmutation en délivrant un certificat de mutation de propriété foncière (ordonnance n°2013-481 du 02 juillet 2013 Article 9) à l’acheteur. «(…) Monsieur Salou Hamidou, commerçant demeurant à Abidjan-Adjamé a acquis de la Sicogi suivant acte de vente rédigé par Maitre Coulibaly Awa, les 08 juillet 2015 et 03 août 2015, publié au titre foncier à la date du 20 mai 2016, au BA2, l’immeuble titre foncier N°200378 d’Adjamé ».

    Décrivant par ailleurs, la nature et consistance comme étant « un terrain urbain formant le lot 144 Bis. Avec pour contenance 280 m2, situé à Abidjan Adjamé-extension », comme indiqué par la notaire.

    Mieux, dans son certificat d’urbanisme n°201600032246/MCU/CAB/GUPC/KB/SK du 20 octobre 2016, le ministère de la Construction, du logement et de l’urbanisme indiquera à Salou Hamidou les servitudes particulières à prendre avant de poser la première brique sur le site : « faire appel à un architecte agréé figurant sur le tableau de l’ordre en cours de validation si le projet compte au moins 120 M2 H.O. ou si son coût dépasse 30.000.000 Fcfa ». Puis dans ses observations, la tutelle de conclure « prévoir des parkings conformément aux prescriptions aux versus du CU »

    L’opposition des riverains

    Après avoir réuni toute la paperasse, Salou Hamidou songe à passer à l’étape principale qui est la construction de sa bâtisse.Avant le début des travaux, il se rend au domicile du patriarche Bakayoko, afin d’informer à travers le doyen du quartier, tous les riverains de son projet de construction. Il sera alors confronté au refus catégorique des populations de réaliser son rêve. Les raisons de ce rejet seront évoquées par Franck Mathieu N’na N’sha, président du Syndicat des copropriétaires de l’habitat extension (SCHE) Adjamé.

    « C’est une surface du domaine public. Et surtout un air de jeu et de repos pour tout le quartier. S’il construit son bâtiment entre les immeubles Bandama et Cavally, comment est-ce que les autres riverains pourront-ils avoir de l’air. Une fois M. Salou est venu au quartier avec des cargos de police pour faire appliquer sa décision. Mais ils ont fait face à la détermination des jeunes du quartier. Et je crois que pour éviter le trouble à l’ordre public, les policiers ont été rappelés par leur hiérarchie. Ils ont retroussé le chemin », a-t-il dit. 

    Dès lors, depuis près d’une dizaine années, c’est le bras de fer entre l’acquéreur du site et les riverains.  Le 05 février 2025, un courrier signé du président du SCHE est adressé au maire de la commune pour protester contre la « vente d’une surface du domaine public dénommé les 15 arbres à Adjamé quartier extension ». Une correspondance accompagnée d’une pétition de plus de 300 signataires qui s’opposent au projet.

    « Nous avons interpellé le maire puisque nous avons rencontré M. Brahima Traoré, le DG de l’ANAH qui, après analyse de l’affaire, nous a avoué que le dossier le dépasse et qu’il va adresser un courrier au ministre de la Construction pour demander la démarche à suivre. Tout en nous conseillant d’adresser aussi un courrier au cabinet du ministre pour expliquer la situation à laquelle nous sommes confrontés. Nous l’avons fait et on attend. Et c’est pendant cette attente que nous avons adressé une correspondance au maire, en plus d’une pétition. Parce que nous voulons vraiment comprendre ce qui a motivé la vente d’un tel terrain par la Sicogi. »

    Le lot litigieux. © AfrikiPresse

    J’avais un projet sur ce terrain. Celui de baptisé le site Espace Hamed Bakayoko 

    Face à cette situation , le maire d’Adjamé a  produit un communiqué dans lequel il a dénoncé cette cession qui selon lui, va à l’encontre des intérêts des populations. Il a interpellé les autorités compétentes, notamment le ministre de la Construction et le directeur général de l’Anah, afin d’obtenir des clarifications et de stopper toutes activités sur le site litigieux. Il a aussi exprimé son total soutien aux populations qui se mobilisent, selon lui, pour préserver leur espace de vie. Et de prendre l’engagement de suivre de près ce dossier et d’user de tous les moyens légaux pour défendre le droit des résidents. Aussi, le premier magistrat de la commune nous a-t-il informé de l’ouverture d’une enquête administrative afin de faire la lumière sur les conditions de cette cession.  

    Il a aussi annoncé avoir adressé un courrier au ministre de la Construction, du logement et de l’urbanisme dans ce sens. Accusé par certains internautes de s’être rangé du côté des riverains parce qu’acculé sur les réseaux sociaux, alors que Salou Hamidou possède tous les papiers, le maire Soumahoro Farikou qui nous recevait le mardi 11 février 2025 a donné la réponse suivante : « D’ailleurs, je n’étais même pas au courant de cette affaire. C’est le quartier où a vécu le ministre Hamed Bakayoko. Ce terrain litigieux est même en face de sa cour familiale. Je ne peux pas accepter cela. Son oncle y habitait encore. Paix à son âme ! D’ailleurs, j’avais un projet sur ce terrain. Celui de baptiser le site Espace Hamed Bakayoko, lorsque j’ai appris cette affaire. Et quand j’ai été informé, j’attendais que les plaignants m’adressent un courrier pour réagir et c’est ce que j’ai fait. »

    Analysant l’article 15 de l’arrêté N°-17-0595/MCU/GUPC, accordant le permis de construire à M. Salou Hamidou pour la construction d’un immeuble R+1, à usage d’habitation (…), le maire informe que ce permis est désormais désuet.

    « Le permis de construire est caduc si la construction de l’immeuble R+1 à usage d’habitation, sur la parcelle de terrain formant le lot n°144 Bis d’une superficie de 280 m2, sise à Habitat Extension dans la commune d’Adjamé (TF n°200 378 d’Adjamé) ; n’est pas entreprise dans le délai d’un an à compter de sa date de livraison. Il en est de même si les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année », mentionne ledit arrêté signé par son prédécesseur, le 10 mars 2017. Mais néanmoins , Sali Hamidou garde espoir quant au dénouement heureux de cette affaire. « Depuis plus d’une dizaine d’années jusqu’à présent où je vous parle, je paie toujours mes impôts. J’attendais à avoir suffisamment de moyens financiers avant de construire » a confié le commerçant approché dans l’après-midi du 13 février 2025, au guichet unique de la Construction à Abidjan Deux-plateaux.

    Claude DASSÉ

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