Au début de cette année, la plupart des Nigérians étaient optimistes et espéraient que le soi-disant «Budget de Changement» de l’administration Buhari allait apporter des modifications positives substantielles au Nigéria. Malheureusement, le pays connaît actuellement une croissance négative (récession économique), un affaiblissement de la monnaie et une hyperinflation qui se sont traduits par de fortes hausses de prix. Les tarifs de nombreux produits de base ont doublé depuis 2015. Selon le Bureau national des statistiques (NBS), le taux de chômage du pays est passé de 13,3%, au 2e trimestre, à 13,9% au 3e trimestre de 2016.
En réponse à la crise, le gouvernement s’oriente vers des politique protectionnistes. Mais qu’est-ce que le protectionnisme concrètement ? Selon Investopedia, c’est des «actions et politiques gouvernementales qui restreignent ou freinent le commerce international, souvent dans le but de protéger les entreprises et les emplois locaux contre la concurrence étrangère. Le protectionnisme s’exerce essentiellement sur les droits de douane, les quotas sur les importations et les subventions ou les réductions d’impôts accordées aux entreprises locales ».
Le gouvernement nigérian a eu recours, ces derniers temps, à ces politiques. Ainsi, la valeur réelle du Naira (monnaie nigériane) est inconnue car le gouvernement continue de fixer administrativement le taux de change. Pas moins de 41 produits figurent sur la liste des interdictions de la Banque centrale, ce qui empêche de nombreux marchands et commerçants d’accéder au marché nigérian du change. Cela a conduit les entreprises à chercher des devises étrangères sur le marché noir où le taux de change est beaucoup plus élevé, ce qui contribue à l’instabilité du marché financier et à la volatilité de l’inflation. Une batterie, par exemple, qui se vendait autour de 55.000 Naira en janvier est désormais vendue à 115.000 Nairas.
On remarque dans l’histoire, qu’en cas de crises, les gouvernements ont tendance à développer le «syndrome de l’homme fort», croyant qu’il est indispensable d’avoir un homme fort ou un groupe d’hommes forts capables de prendre les choses en main en entraînant les autres derrière eux. Cela a contribué à la mise en place de politiques protectionnistes.
Nombre de personnes pensent qu’il est nécessaire de réduire les importations de produits tels que les voitures, le riz, les vêtements ou les jus de fruits afin de soutenir la production locale et créer des «emplois locaux». Pourtant aucun pays n’est en mesure de produire tout ce qu’il consomme. Le Nigéria lui-même exporte beaucoup de choses telles que les cultures de rente, le pétrole brut et les ressources minérales, entre autres. Si l’on veut exporter chez les autres, il faut d’évidence accepter la réciprocité et importer leurs produits.
Notons que pour produire localement, il faut que les produits locaux présentent une qualité suffisante pour rivaliser avec les produits venus ailleurs. Cela ne sera possible que si les producteurs locaux ont les bonnes incitations pour produire mieux et moins cher.
Malheureusement, l’environnement des affaires ne facilite pas la vie des entrepreneurs. Par exemple, plusieurs Nigérians ayant besoin de faire des publicités sur Internet ou d’acheter des choses en ligne sont confrontés à d’énormes problèmes en raison des nombreuses restrictions imposées sur les transactions en ligne dans le pays. On ne peut qu’être choqué par le fait que l’Agence nationale pour l’administration et le contrôle des aliments et des médicaments (NAFDAC) attaque des supermarchés et détruise les jus de fruits importés au nom de l’aide à la production locale. Les Nigérians devraient avoir la liberté de choisir quel jus ou boisson consommer, qu’il soit produit dans l’Etat de Benue au Nigéria, riche en orangers, ou dans l’Île de Sardaigne en Italie, riche en raisin.
Au Nigéria, il est difficile de faire des affaires en raison des nombreuses lourdeurs administratives, de la sur-réglementation et de la taxation excessive par le gouvernement. Le Nigeria est classé 169ème sur 190 pays au classement 2016 Doing Business publié par la Banque mondiale. C’est un secret de polichinelle de dire que l’une des principales tâches du gouvernement est de créer un environnement favorable à la prospérité des entreprises. Cela doit se faire sous la forme de politiques de libre-échange qui facilitent le commerce et la création de richesses, ce qui se traduit par un accroissement des emplois et une croissance économique positive.
La mise en œuvre de bonnes politiques de marché, notamment la réduction des taxes et des prélèvements, la liberté d’importer et d’exporter des biens selon les besoins du marché, la fixation des prix des produits selon la loi de l’offre et de la demande, la simplification des procédures administratives, etc., est la voie à suivre pour aider le Nigéria à décoller économiquement. Mais surtout pas la mentalité protectionniste en train de se propager qui ne fera qu’aggraver les choses et tirer l’économie Nigériane vers le bas.
Stephen K. Oyedemi est directeur des Students For Liberty (région de l’Afrique de l’Ouest).
Article publié en collaboration avec Libre Afrique.