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    Militaires ivoiriens détenus au Mali : des intellectuels dont Tiburce Koffi prennent position  

    Militaires ivoiriens détenus au Mali : des intellectuels dont Tiburce Koffi prennent position  
    Publié le
    Par
    Yaya Kanté
    Lecture 8 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    Des intellectuels et intellectuelles de Côte d’Ivoire prennent position dans l’affaire des militaires ivoiriens incarcérés au Mali, depuis le mois de Juillet 2022.

    Comme depuis le début de leur arrestation, les militaires ivoiriens détenus au Mali ne sont pas seuls. Pour preuve, après le soutien du gouvernement, de la classe politique, d’acteurs de la société civile, ils viennent de recevoir le soutien de plusieurs intellectuels (intellectuelles) ivoiriens (ivoiriennes). Ci-dessous la déclaration intégrale. 

    Affaire des soldats ivoiriens incarcérés au Mali : Des intellectuels ivoiriens prennent position.

    Depuis cinq mois, l’affaire des soldats ivoiriens (49, puis 46) détenus au Mali déchaîne des prises de position aussi variées, antagoniques, que passionnées. Après analyse de ces points de vue souvent tranchés, il nous est apparu opportun, nous collectif d’intellectuels ivoiriens, de livrer notre appréciation de la situation en nous gardant d’aviver les tensions ou d’alimenter toute polémique autour d’une affaire dont le sérieux et la délicatesse ne souffrent aucun doute. 

    D’entrée, signalons que c’est une réaction libre, sans aucune pression de quelque chef politique que ce soit, sans aucune instruction administrative. Ce texte n’est donc rien d’autre que la réaction, normale, de membres de la société intelligente ivoirienne. C’est une somme de réflexions d’intellectuels qui ont estimé nécessaire de donner, eux aussi, leur lecture d’une situation qui ne pouvait ne pas les interpeller : il s’agit, après tout, de notre pays et du destin relationnel de deux pays frontaliers d’Afrique (la Côte d’Ivoire et le Mali) dont nous aurions assurément tort de fermer les yeux sur les difficultés et impasses conjoncturelles qu’ils traversent. Voici notre déclaration.

    DE LA GESTION DE CETTE CRISE

    Sur la question précise des démarches diplomatiques entreprises en vue de la résolution de cette crise, nous n’hésitons pas à saluer la sagesse des Autorités de nos deux pays qui ont su contenir ce problème dans les strictes sphères politique et diplomatique, en évitant de part et d’autre que la rue s’empare de ce différend ; ce qui aurait eu, sans aucun doute, des conséquences dommageables aux deux camps. Nous avons relevé l’esprit de fraternité et de  coopération qui a prévalu dans les agirs politiques de nos dirigeants, tout au long de cette crise. Ici, lucidité, sobre médiatisation du conflit, langage mesuré (surtout du côté ivoirien), gestion habile du ressenti populaire, ont été de mise.

    Il n’est pas superflu de noter que, malgré la détention de soldats ivoiriens au Mali depuis le mois de juillet 2022, des officiers de l’armée malienne venus pour les cours d’état-Major en Côte d’ivoire, sont repartis, libres, dans leur pays, au mois d’août dernier, après avoir achevé leur formation. Pouvons-nous nous autoriser à passer sous silence cet acte administratif d’une élégance remarquable, doublé d’un sens aigu de la responsabilité d’échelle étatique ?

    C’est dans ce climat de gestion apaisée de ce différend que des artistes maliens ont pu donner des concerts à Abidjan et à Bouaké, sans aucun empêchement, et avec le soutien médiatique de voix d’artistes de notoriété de notre pays. Nous présumons qu’il en a été de même au Mali où des artistes ivoiriens ont pu se produire sans aucune pesanteur. On le voit : non, le Mali, terre du Rassemblement Démocratique Africain (RDA), historique pacte de la solidarité des peuples africains et fer de lance de la révolution indépendantiste des années  1946 à 1960, ne saurait servir à son histoire une fracture entre peuples frères du Mali et de la Côte d’Ivoire.

    Pouvons-nous passer sous silence la qualité de tous ces actes civilisés, que nous avons cités ? Pouvons-nous, de même, ignorer le sens de cette fraternité sauvegardée jusque-là, entre les communautés ivoiriennes et maliennes, aussi bien en Côte d’Ivoire qu’au Mali, durant cette crise ? Sous d’autres régimes (ivoiriens ou maliens), cet actuel inconfort diplomatique se serait converti en actes de belligérance et aurait, sans doute, débouché sur des tensions incontrôlables entre les communautés maliennes et ivoiriennes, aussi bien à Bamako qu’à Abidjan. Respect et hommage soient donc rendus aux chefs d’État de la Côte d’Ivoire et du Mali.

    Ces exemples de conduite maîtrisée de cette crise témoignent outre la maturité et la sagesse des dirigeants des deux pays, la solidité des rapports d’amitié et de fraternité entre la Côte d’Ivoire et le Mali ; liens que ni les activistes de la division, ni les chercheurs d’éléphants en eaux douces, ni les chasseurs d’aigles dans des buissons enflammés ne sauraient brouiller. Cela est ainsi parce que la Côte d’Ivoire et le Mali forment un bloc d’alliances historiques et événementielles indestructibles, sous le socle d’un espace culturel immense : le Manding, berceau d’actes épiques qui ont influencé l’imaginaire et la conscience de toute l’Afrique en dessous du Sahara.

    RESTER UNIS : UN IMPÉRATIF

    Les pays n’ont pas d’amis, mais des intérêts, a-t-on coutume d’entendre. Si nous admettons cette maxime,  alors nous sommes en droit de nous poser la question de savoir qui gagne à ce que le Mali et la Côte d’ivoire soient en mésentente ? En d’autres termes, puisqu’en l’espèce c’est la Côte d’Ivoire qui est accusée de vouloir déstabiliser le Mali, que gagnerait vraiment notre pays d’un Mali instable, déstructuré, tourmenté et économiquement affaibli par les ravages d’une peu probable guerre ivoiro-malienne ?

    Suivant, il y a peu, les explications du ministre malien des Affaires étrangères sur les raisons de l’instabilité actuelle dans les pays du sahel, celui-ci a pointé du doigt la désorganisation de la Libye, par la faute de certains pays occidentaux. En restant dans cette même logique, nous pouvons affirmer que la déstabilisation du Mali aurait des conséquences imparables sur ses voisins immédiats, dont la Côte d’Ivoire. Que gagnerait, en une telle occurrence, notre pays ? Rien. Rien d’autre que l’insécurité environnante, l’afflux massif de réfugiés maliens sur le sol ivoirien et alentour, l’accroissement des problèmes sociaux. En somme, le Mali déstabilisé, la Côte d’Ivoire, singulièrement, reculerait vers l’abîme dont elle est en train de sortir pour le bonheur de nos concitoyens. Croit-on nos dirigeants frappés de cécité au point de ne pas percevoir et lire un tel tableau apocalyptique ?

    Nous pensons, quant à nous, que des officines, qui restent à être identifiées, travaillent afin que cette affaire perdure et nous détourne des vrais enjeux de l’intégration sous régionale et interafricaine. C’est pourquoi, nous, membres de l’Intelligentsia ivoirienne, lançons à l’endroit de tous les Ivoiriens et de tous les Maliens d’ici et d’ailleurs, l’appel suivant :

    Il est temps, grand temps que la sagesse de nos pères des indépendances que sont les Présidents Félix Houphouët-Boigny et Modibo Kéita qui ont bâti une grande chaîne de solidarité englobant tous nos petits États, reprenne le dessus afin de nous amener à nous consacrer aux questions essentielles qui sont : l’avenir de nos jeunesses, le bien-être de nos populations, la sécurité intérieure et extérieure, l’intégration de nos économies, gage de victoire sur la pauvreté.

    Cinq mois que dure cette crise. Si ce n’est pas assez pour les uns, c’est trop pour le peuple ivoirien qui ne peut se résoudre à abandonner une quarantaine de ses enfants tenus en captivité dans un pays frère. C’est, de même, trop pour le peuple malien qui ne peut se réjouir de savoir en captivité sur son sol, des enfants de la Côte d’Ivoire, ce pays qui est la seconde patrie de nombre de Maliens.

    C’est pourquoi, sans prise de position partisane, sans exhibition d’un patriotisme farouche, exalté et inutilement perturbateur, nous demandons aux Autorités maliennes d’assouplir leur position sur cette question ; et ce, quels que soient leurs griefs contre l’administration ivoirienne. L’Histoire, l’actualité et l’avenir du relationnel entre la Côte d’Ivoire et le Mali suffisent à plaider en faveur de la libération des soldats ivoiriens. Et c’est la paix et la fraternité entre nos deux pays qui y gagneraient.

    Dans quelques semaines, le Monde basculera dans la célébration d’une année nouvelle que nos réflexes superstitieux chargeront, comme de tradition, de mille espérances. Colonel président Assimi Goïta, avoir défié la France suffit à votre héroïsme ; il n’est nullement besoin, pour votre gloire, d’occasionner davantage tristesse et larmes dans le cœur de familles ivoiriennes moralement usées par ce long supplice à elles infligées par la captivité de leurs enfants. Pour le bonheur de tous, et pour l’avenir des relations Côte d’Ivoire-Mali, ouvrez l’horizon de leur libération à l’aube de l’année nouvelle qui s’annonce. Et que, des bords historiques du Djoliba et du Niger, jusqu’à la Corniche de Cocody et au troisième pont d’Abidjan, retentissent les harmoniques bienfaisantes de la fin de cette crise qui n’aura que trop duré.     

    Abidjan, le 10 décembre 2022.

    Par un collectif d’intellectuels ivoiriens sur l’initiative de Tiburce Koffi.

    Noms et adresses des signataires

    1.   Ganin Bertin, Prof. de philosophie. ganinber@yahoo.fr

    2.   Adoubou Traoré, Director executif African advocacy Network. Sans Franscico (Californie. USA). aboudou@yahoo.fr

    3.Clémence Odjohou, Prof de philosophie, féministe. clemenceodjohou@gmail.com

    4. Guy Charles Wayoro, administrateur civil.wayoroguycharles@gmail.com

    5. Jean-Marc Fohé, écrivain. marcfohe01@yahoo.fr

    6. Hélène Soungalo, plasticienne, écrivaine. Helenesoungalo@gmail.com

    7. Sally Compaoré, enseignante, Prof agrégée. Koffisally@yahoo.fr

    8. Fétigué Ouattara, Enseignant. fetiguebess@gmail.com

    9. Jules Dégny, enseignant. Lettres. Julesdekpanda@gmail.com

    10. Marie-Joseph Akpa. Présidente nationale WOA-RCI. majoakpafr@yahoo.fr

    11. Sylvain Takoué. Écrivain. sylvaintakoue@yahoo.fr

    12. Marie Flore Bégou. Consultante, prévention des violences. fleurlotus2022&gmail.com

    13. Dr Henri Kossonou. Université FH.-B. kosluc@gmail.com

    14. Monique Agnéro. Centre féminin pour la démocratie et les droits humains en Côte d’Ivoire. olgamoniqueagnero@gmail.com

    15. Tiburce Koffi, écrivain, chercheur. gnametkoffi@gmail.com

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