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    Mali et Burkina Faso : putsch contre la démocratie après des putschs pour la démocratie

    Mali et Burkina Faso : putsch contre la démocratie après des putschs pour la démocratie
    Publié le
    Par
    Wakili Alafé
    Lecture 6 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    J’avais déjà fait un éditorial il y’a quelques jours sur les putschistes qui deviennent des héros en Afrique, face à cette séquence de notre histoire récente qui voit  le retour en Afrique des coups d’État militaires réussis, ou des tentatives avortées de putsch. 

    Je reviens sur la question avec ce qui s’est passé hier au Burkina Faso, et généralement ce qui s’y passe depuis quelques semaines, car cette séquence offre l’occasion de poursuivre la réflexion sur la prise de pouvoir par les militaires et sur la disparition de l’ordre constitutionnel dans les pays du continent. 

    En effet je m’interroge : comment une partie d’une armée, celle disposant en général de la force du feu et de frappe au détriment du gros des troupes , peut-elle décider, malgré les risques, de passer à l’action ? Elle décide sans référendum, sans consultation préalable des autres ni aucun débat de prendre le pouvoir grâce à la force pour imposer au nom de tous et de toutes une gouvernance anti constitutionnelle, alors que l’armée devait été le garant du respect et de la sauvegarde des institutions légitimes, dans le respect des droits et des libertés des populations.

    [ On sait que ce n’est pas bon, mais on fait quand même le coup d’État, Adama on peut faire ça ] 

    En clair, tout le monde sait d’emblée que c’est un acte condamné par la constitution, que c’est un acte qui ne sera pas accepté, pourtant il se trouve que malgré cela, un coup d’État reste toujours planifié, tenté, exécuté et réussi ou non !

    Personne n’oublie les manifestations de la rue qui, au Mali, en Guinée, au Burkina, au Sénégal, ont exprimé la colère du peuple. Bien sûr, les gouvernements civils n’ont pas toujours réussi la bonne gouvernance qu’ils promettaient, ni créé les conditions d’une croissance inclusive et durable. Toutefois, comme déjà dit, la solution ce n’est pas un coup d’État ! La grève générale dans un pays, les grèves des corps constitués et des forces vives, peuvent souvent être des baromètres plus efficace que l’irruption des militaires, qui n’est plus acceptable que la répression des populations qui manifestent librement. Des alternatives autres que le recours insurrectionnel, la lutte armée, ou le coup d’État peuvent exister face à la torture, à la violence politique et aux abus dans une gouvernance d’élus ou de dirigeants civils ! Le coup d’État n’est pas la meilleure option.

    [ Il y’a huit ans au Burkina Faso ] 

    Il y a  8 ans, au Burkina Faso, une partie du peuple (pas tout le peuple) réclamait la démocratie sans s’interroger sur les questions de sécurité. Comme à l’époque la menace terroriste n’était pas encore si prégnante comme aujourd’hui, personne ne voulait alors voir que c’était au crédit du régime Compaoré, cette situation de stabilité dans le pays. Ce qui intéressait à cette époque c’était de bouter hors du pouvoir Blaise Compaoré. Une partie de la population disait vouloir la démocratie, la vérité sur Sankara, et la fin d’un système de gouvernance pas acceptable à ses yeux. La rue ne réclamait alors pas la sécurité qu’elle semble réclamer désormais aujourd’hui, sans jamais accepter d’assumer clairement le regret d’avoir fait hier, ce qu’elle fait encore aujourd’hui : prendre la rue pour chasser un régime élu malgré tout, et installer des dirigeants non élus avec le soutien de l’armée. 

    Opposé à l’époque à une nouvelle candidature du Président Blaise Compaoré après 27 ans au pouvoir, je n’ai cependant pas apprécié l’incapacité des acteurs socio politiques (opposition pouvoir, forces sociales, religieuses et militaires) à arrêter la colère de la rue, après le retrait du projet de modification de la constitution en 2014. La protestation qui visait à réclamer des réformes dans la gouvernance et le refus d’un autre mandat, s’est muée en prise de pouvoir par l’armée au nom du peuple et de la rue, en dépit des engagements de dernière minute du Président Blaise Compaoré ! 

    [Aujourd’hui, des populations reprochent au gouvernement de Kaboré son incapacité présumée et sans doute  involontaire à assurer la sécurité dans le pays ] 

    Hier, des populations voulaient plus de démocratie après 27 ans de règne de Compaoré, aujourd’hui, des populations à travers encore la rue et des militaires réclament une meilleure gouvernance de la situation sécuritaire, surtout plus de sécurité dans le pays des hommes intègres. Des militaires tentent de jouer  sur cette demande de sécurité, pour porter des revendications à même de conduire à une prise de pouvoir non constitutionnelle. Au Burkina Faso, des acteurs socio politiques déjà favorables à des coups d’État ailleurs pourraient avancer la comptabilité macabre imposée par les terroristes au pays pour expliquer, comprendre ou même justifier un possible coup d’État ! 

    Chez le voisin malien, la question de la sécurité est venue en soutien à un coup d’État des militaires alors que c’est d’abord une crise politique, une crise de gouvernance qui avait créé la situation ayant conduit au coup d’État. 

    [ Hier, on voulait la démocratie par la rue ; aujourd’hui, la rue chasse la démocratie et les démocrates, au nom de la sécurité en installant des militaires ] 

    Dans ce contexte, le peuple est sommé de se ranger derrière les militaires. Ou plutôt l’on dit que les militaires n’ont fait que se ranger derrière le peuple, que telle est la volonté du peuple. Mais, qui peut parler au nom du peuple ?  La question est de savoir qui est exactement le PEUPLE. Il n’est pas sûr que les manifestations au Mali, dont on sait qu’elles sont instrumentalisées, expriment la volonté de tout le peuple malien, pour ne pas dire de la majorité.

    [ Et pourtant la sécurité et la démocratie vont bien ensemble … ] 

    Finalement, les leçons de l’Histoire sont toujours les mêmes : gouvernement civil ou prise de pouvoir par les militaires, au bout du compte, ce sont les populations qui ont à souffrir de la faiblesse de l’État, de la faillite de la démocratie, de l’échec du développement, de l’incapacité à assurer la sécurité et de l’absence de l’État sur certains territoires. Cela dit, il ne faut jamais oublier ceci : la démocratie est le meilleur des systèmes à l’inclusion de tous ! 

    Car au Mali, en Guinée, si après 5 ans, ou même après  100 ans, le peuple affirme qu’il veut revenir à des élections et à la démocratie, espérant avoir bien refondé l’État et le pays pour le mettre à l’abri d’autres coups d’État, c’est bien parce que la meilleure des choses, reste bel et bien  la démocratie ! Autrement la tentative de discrédit actuel sur les élections ne devrait pas être transitoire, mais éternelle et définitive. Or personne au Mali, eu Guinée n’a envie de tourner le dos de façon définitive à l’élection.

    Condamner la démocratie au profit des coups d’État, pour espérer revenir mieux servir la démocratie, et mettre fin définitivement aux coups d’État, est un discours populiste, visant à confisquer uniquement le pouvoir. En vérité, il n’est pas pertinent d’opposer démocratie et sécurité, et il n’est pas non plus pertinent de croire que sans une adhésion libre et démocratique au choix des décisions prises par des gouvernants élus ou choisis démocratiquement sans la force de la ruse et de la rue, la sécurité et la stabilité seront mieux assurées dans un pays. 

    Wakili Alafé

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