À Abidjan, la célébration de la Journée Internationale de la liberté de la presse, le 3 mai 2017 a été marquée le même jour par une marche pour la liberté et par des allocutions. La célébration se poursuit jeudi 4 mai 2017, à 9H30, à la Maison de la Presse avec deux conférences. La première porte sur : « La Liberté de la presse et ses limites » ; elle est animée par le Procureur de la République, Adou Richard. La deuxième a comme thème « Liberté de la presse et cohésion sociale », et est l’affaire de Namizata Sangaré, présidence de la Commission Nationale des Droits de l’Homme de Côte d’Ivoire (CNDHCI). En marge de la marche du 3 mai, Afrikipresse a interrogé des responsables d’organisations de la presse et leaders syndicaux, face au projet de la nouvelle loi sur le régime juridique de la presse en Côte d’Ivoire.
Cissé Sindou (Président du Conseil d’administration de la Mutuelle sociale des Médias) : «voilà le message que nous lançons aux députés»
«Comme son nom l’indique, c’est un projet de loi. Ça veut dire qu’il sera soumis à l’appréciation des députés. Le message que nous lançons aux députés est de faire en sorte qu’il n’y ait pas d’entrave à la liberté de la presse en Côte d’Ivoire. Que ce soient les autorités ou les journalistes que nous sommes, nous avons le même objectif ; faire en sorte qu’il y ait en Côte d’Ivoire une presse professionnelle au service de la population, et je pense que cela va prévaloir pendant l’examen de ce projet de loi»
Guillaume Gbato (Sg du Synappci) : «Ces deux projets de loi sont dangereux »
«Je pense que les deux projets de loi ; celui concernant la communication audiovisuelle notamment, et celui relatif au régime juridique sur la presse qui ont été déposés par le gouvernement, sur la table des députés, sont dangereux. Ils sont dangereux parce qu’ils comportent des articles gravement attentatoires à la liberté de presse. Pour vous donner des cas précis ; l’article 90 du projet de loi sur le régime juridique de la presse préconise une peine d’emprisonnement de 1 à 5 ans de prison pour des délits commis par voie de presse. C’est un grave recul par rapport à nos acquis de la loi de 2004 qui interdisait pleinement les peines privatives de liberté. Dans cette nouvelle loi en cours, la lettre d’engagement que le Directeur de publication signait pour marquer sa volonté de payer à la convention collective son journaliste a été rayée des critères de création de journal. Sur la Communication audiovisuelle aussi, même si on affirme une certaine liberté, il y a une kyrielle de rescriptions qui font qu’aucun professionnel des médias ne peut exercer correctement au sein de cet espace. Cela fait que nous sommes inquiets et tenons à le dire clairement. Ces projets de loi sont dangereux pour les médias, et il faut que les professionnels des médias se mobilisent avec les députés pour les amener à faire des amendements qui aillent dans le bon sens. Puisque la volonté affichée à travers ce projet de loi, c’est de restreinte gravement la liberté de presse, et ce n’est pas bon pour notre pays ».
Glodé Francelin (Sg du Saappci et1er vice-président de l’Intersyndicale des médias de Côte d’Ivoire syndicat autonome des agents de la presse privée de Côte d’Ivoire) : «Ce projet de loi dans son ensemble est bon »
«Le projet de loi dans son ensemble est bon mais il y a des articles qui sont un frein pour la liberté de presse en Côte d’Ivoire, notamment les articles 90 et 91 qui créent un lien entre cette loi et le code pénal. Ces articles préconisent la privation de liberté du journaliste dans l’exercice de ses fonctions. Aujourd’hui en 2017, nous n’avons pas besoin d’une telle disposition. Il y a aussi l’article 6 de la même loi, en son paragramme 7 qui a fait disparaitre l’obligation du promoteur d’une entreprise de presse de s’engager auprès du procureur de la République, pour payer les journalistes à la convention. Alors qu’un journaliste qui n’est pas payé décemment ne peut pas faire correctement son travail et cette presse ne peut pas être libre en Côte d’Ivoire. Nous demandons donc aux députés de faire en sorte que l’article de la disposition relative à l’article 6, paragraphe 7 de l’ancienne loi revienne dans la nouvelle loi. Et que les articles 90 et 91 soient purement et simplement biffés. Et tout au moins, si un journaliste dans l’exercice de sa profession commet une erreur supposée, qu’une peine pécuniaire soit infligée à son entreprise»
Moussa Touré (Président de l’Unjci) : «C’est un recul ! »
«Il faut reconnaître que chaque jour, il y a une liberté à conquérir. Vous voyez que cette année, la Côte d’Ivoire a gagné 5 places dans le classement de Reporters sans frontières (Rsf) mais au-delà, on retient que cette même année, il y a 6 journalistes qui ont été mis aux arrêts pendant une certaine période et ça, c’est pour nous, un recul démocratique; plus grave, la loi sur la presse qui est en cours de rédaction, contient beaucoup d’insuffisances. Notamment le chapitre concernant la création d’un journal où par exemple, le promoteur n’est plus obligé de payer les journalistes à la convention. Nous pensons que ça, c’est un recul ! L’article 90 qui punit d’un à cinq ans de prison, tout journaliste qui se rend coupable d’incitation à la haine, au tribalisme, de la violence,…doit être purement et simplement retiré de ce projet de loi. En tout cas, nous nous engageons à travailler avec les autorités pour que de part et d’autre, nous débouchions sur un texte consensuel et acceptable. Et nous pensons que le texte qui sera adopté au sein de l’hémicycle sera apprécié par l’ensemble de la corporation».
Claude Dassé