L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis change-t-elle la nature des relations entre ce pays et l’Afrique ? Les représentants de la société civile africaine semblent s’inquiéter de l’élection de Trump, qui incarne, à leurs yeux , le courant populiste, xénophobe et raciste de l’Amérique profonde. En revanche , des Chefs d’États africains qui applaudissent à l’élection de Trump. Comment expliquer ce paradoxe ?
[ Rappel des relations entre les États-Unis et l’Afrique ]
Au cours des huit années de la présidence Obama , l’aide au développement accordée par les États-Unis au continent africain a augmenté de 70 %, passant de 5 milliards de dollars en 2007 à 8,5 milliards de dollars par an en moyenne par la suite. Les États-Unis ne veulent pas rater ce grand marché émergent. Mais, cette aide, qui traduit la volonté de renforcer les positions des entreprises américaines dans les économies africaines les plus prometteuses, reste inférieure à celle de la Chine. L’aide de la Chine est dix fois, vingt fois supérieure à celle des États-Unis.
Barack Obama a d’abord voulu poursuivre la coopération économique avec l’Afrique dans le cadre de l’AGOA (African Growth and Opportunies Act) signé par Bill Clinton en 2000. Il est allé plus loin en lançant, en 2013, le Power Africa, un programme de lutte contre le changement climatique à travers la promotion d’énergies renouvelables et l’amélioration de l’accès à l’électricité pour 600 millions d’Africains qui en sont privés. Il a organisé, à Washington, en 2014, le premier sommet des leaders américains et africains, un sommet historique.
Que deviendront ces programmes avec l’accession de Donald Trump à la Maison Blanche ?
Nous avons demandé à deux universitaires , Augustin KONGATOUA KOSSONZO et Christian Gambotti , en leur posant les mêmes questions, d’analyser ce que signifie pour l’Afrique l’arrivée de Donald Trump à la Maison blanche.
Le Prof. Augustin KONGATOUA KOSSONZO est le doyen de la Faculté des Sciences Juridique et Politique de Bangui.
Christian Gambotti est le directeur général de l’Institut Choiseul, qui vient d’ouvrir une antenne à Abidjan, en Côte d’Ivoire.
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Prof. Augustin KONGATOUA KOSSONZO, doyen de la Faculté des Sciences Juridique et Politique de Bangui :« L’Afrique devrait arrêter de rêver et de croire que la victoire de Trump serait bénéfique »
Titulaire d’un doctorat de l’université de Paris I, Panthéon-Sorbonne en France , Professeur à l’université de Bangui, doyen de la faculté des sciences juridique et politique, directeur de l’école doctorale des sciences juridique et politique, directeur du centre de recherches en droits humains et gouvernance démocratique, ancien membre de la cour constitutionnelle de la république Centrafricaine , Augustin Kongatoua Kossonzo, livre son analyse sur l’avenir de l’Afrique après les élections US du 8 novembre dernier.
Entretien réalisé à Paris par Youcef MAALLEMI
Donald Trump est le nouveau locataire de la maison blanche, quelle analyse faites-vous de sa victoire ? Est-ce une surprise ?
Les élections donnent aux citoyens une voix dans la gestion des affaires gouvernementales de la façon la plus fondamentale, en leur permettant de décider qui va gouverner. À ce titre , elles contribuent à la passation pacifique et organisée du pouvoir, qui s’effectue des citoyens à leurs représentants élus et des élus à leurs successeurs. Le système électoral américain s’est beaucoup amélioré au fil du temps. Pour l’histoire, G. Washington, premier Président des Etats-Unis, avait été élu en 1789, à l’époque avec 6 % des voix seulement de la population pouvant voter, car dans la plupart des treize États d’origine, le droit de vote était réservé aux hommes qui possédaient des terres et qui étaient âgés de plus de 21 ans. Cette année, les élections américaines ont été plus ouvertes et plus âprement disputées comme en témoigne la violence des affrontements entre Donald Trump et Hillary Clinton lors de la campagne électorale. Évidemment, tous les sondages donnaient Donald Trump perdant. C’était sans compter sur l’homme, qui a su mobiliser au-delà des Républicains. Véritable populiste, il a le talent d’orateur qui a convaincu les américains, qui, jusque-là, étaient indécis, ainsi que les Démocrates déçus par Barack Obama. Ce qui a surpris tous les observateurs et, en premier lieu, Hillary Clinton elle-même.
Quelles seront les contraintes et les enjeux de la politique américaine en Afrique ?
Lors de sa campagne électorale, D. Trump a fait, pêle-mêle, des promesses aux américains. Pourra-t-il ternir ces promesses ? Cette question reste un mystère qui ne pourra trouver une réponse que dans les premiers instants de l’exercice du pouvoir. Il y a les discours électoraux, toujours excessifs, et la réalité du pouvoir, qui demande plus de pragmatisme. En ce qui concerne la politique américaine vis-à-vis de l’Afrique, les États-Unis pourraient-ils vraiment tourner le dos à l’Afrique et se tourner vers l’Europe de l’Est ? Que pouvons-nous attendre du rapprochement des États-Unis avec la Russie ? La réponse à toutes ces questions sont, aujourd’hui, prématurées. Seul l’avenir nous dira.
Selon vous, est ce que, vraiment, les États-Unis croient à l’Afrique ?
Le continent africain présente beaucoup d’intérêts pour les Américains. Il est difficile de croire que les États-Unis pourraient tourner le dos à l’Afrique. L’attitude de nos Chefs d’États sera aussi déterminante dans la relation entre l’Afrique et les États-Unis. Ces derniers sont une vieille démocratie, alors que nos États africains peinent encore à s’engager dans la voie de la démocratie. Ce qui peut entraîner chez nos partenaires américains une réticence et une méfiance envers nous.
Quel sera le sort de la diaspora africaine aux États-Unis ?
Trump a réveillé chez les américains les démons de la haine, de la division et de la xénophobie. Il sera pris en otage par les ultras conservateurs et des racistes. Il se verra contraint d’être dur avec la diaspora africaine vivant aux États-Unis. Trump l’a d’ailleurs rappelé dans sa première interview. Sans grande surprise, le président élu, qui prendra ses fonctions le 20 janvier, s’est montré très ferme sur plusieurs dossiers-clés de son programme conservateur, comme l’immigration. Au cours de cet entretien, Donald Trump est resté inflexible sur l’immigration, thème fort de sa campagne, mais aussi motif de profonde inquiétude pour des millions d’étrangers établis aux États-Unis. Il a fait part de son intention d’expulser jusqu’à 3 millions de clandestins. Les Africains ont donc de sérieuses raisons de redouter une probable expulsion, lorsqu’ils ne sont pas en situation régulière. D’un autre côté, les Africains devraient comprendre que ce n’est pas en immigrant vers les États-Unis qu’ils vont nécessairement connaître de meilleures conditions de vie et trouver le bonheur. Ils devraient se conformer à la législation américaine en vigueur en matière d’immigration. On peut craindre l’augmentation de meurtres à caractère racistes.
Donald Trump – Le Pen, même combat disent certains ; vous validez ?
D. Trump a réussi à se faire élire Président des États-Unis en tenant un discours populiste et raciste. Le Pen s’est empressé de le féliciter dès les premières heures de son élection. On peut donc légitimement redouter que cela ne puisse inspirer le Front national lors de la prochaine élection présidentielle en France.
Selon vous, est-ce que Trump définira une nouvelle forme de relations d’affaires avec l’Afrique ?
Avant d’être élu Président des États-Unis, D. Trump est un homme d’affaires. On pourrait penser qu’au-delà du discours de campagne, les investisseurs américains, et peut-être D. Trump lui-même, pourraient être intéressés par le continent africain vu les richesses dont regorge le sous-sol africain. Il est trop tôt pour donner un avis sur cette question.
Sur le plan de la lutte contre le terrorisme en Afrique, pensez-vous que Donald Trump va déclarer la guerre contre les terroristes ?
L’armée américaine est présente sur le continent africain dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. En République Centrafricaine, la LRA (Armée de Résistance du Seigneur) de J. Kony sème la désolation dans l’Est du pays. Les Etats-Unis ont déployé une force pour traquer J. Kony. Depuis plusieurs années, cette force n’a pas pu mettre la main sur lui. Mieux encore, ce sont les rebelles de l’ex- Seleka qui ont arrêté son adjoint, qui a été livré à la Cour Pénale Internationale. En ce qui concerne la Centrafrique, on peut dire que la présence de l’armée américaine n’a pas aidé à faire reculer les exactions de la LRA sur la population civile ! En revanche, dans le Sahel, la question n’est pas aussi simple. Le terrorisme n’est pas seulement l’affaire du continent africain, il est aussi à la porte des USA, comme en témoigne les attentats du 11 septembre. D. Trump aurait intérêt à soutenir toute action vivant à lutter contre le terrorisme dans le monde. Déclarer la guerre au terrorisme me semble être une évidence.
Quel bénéfice l’Afrique tire-t-elle de cette victoire du Trump ?
D. Trump est avant tout Président élu des américains. L’Afrique devrait arrêter de rêver et de croire que la victoire de celui-ci lui serait bénéfique. Le discours de campagne de D. Trump atteste bien de notre propos. Tous les observateurs redoutent un repli des Américains sur eux-mêmes. Le rapprochement avec la Russie, la chasse aux immigrés…Tout ceci n’est pas de nature à rassurer les Africains. Les premières nominations de Donald Trump sonnent le glas ! Des ultras conservateurs à la cour suprême, à la tête de la CIA… Pour notre part, nous pensons que ce discours populiste était pour lui un moyen d’accéder au pouvoir, mais l’exercice du pouvoir a ses contraintes. Il sera difficile, pour ne pas dire impossible à Donald Trump de mettre en application toutes les promesses de la campagne électorale. « Les promesses n’engagent que ceux qui y croient » dit-on.
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Christian Gambotti, Directeur général de l’Institut Choiseul*, Professeur associé au CIREJ (Université Houphouët-Boigny, Abidjan), Directeur de la rédaction du magazine Afriki Presse, éditorialiste au quotidien L’Intelligent d’Abidjan, Directeur de la Collection L’Afrique en marche: « L’Afrique peut-elle croire que la victoire de Trump lui sera bénéfique ? »
Agrégé de l’Université, professeur associé au CIREJ (Centre Ivoirien de Recherche et d’Etudes Juridiques, université Houphouët-Boigny), Christian Gambotti est considéré comme l’un des meilleurs spécialistes des relations géopolitiques et géostratégiques. Dans cet entretien, il nous livre son analyse sur l’avenir des relations entre l’Afrique et les Etats-Unis, après l’élection de Donald Trump, le 8 novembre 2016.
Entretien réalisé à Paris par Charles Kouassi
Donald Trump est le nouveau locataire de la maison blanche, quelle analyse faites-vous de sa victoire ? Est-ce une surprise ?
Aujourd’hui, dans les grandes démocraties, partout sur la planète, les partis populistes progressent et remportent des victoires électorales. C’est une évidence en Europe, comme le montre l’exemple de l’Autriche, mais aussi celui de la France avec la percée du Front national. Il existe donc une masse d’électeurs que les élites ne veulent pas voir et que les instituts de sondage ne vont pas interroger. La défaite de Trump, annoncée par les sondages, était une évidence pour les commentateurs politiques et les médias qui véhiculent une forme de « pensée unique ». Que pense la France des périphéries ? Que pense l’Angleterre profonde ? Que pense l’Amérique de l’intérieur ? Ces questions n’intéressent pas les élites. En réalité, les commentateurs et les médias restent enfermés dans l’idée qu’ils se font du monde. Trump incarne ce refus d’une mondialisation qui détruit l’identité des nations et des peuples, entraîne la désindustrialisation des anciennes puissances industrielles, provoque un déclassement des classes moyennes et soumet les territoires aux vagues migratoires. Ce populisme est à la fois identitaire, anti-immigration et anti-impôt. La victoire de Trump s’explique par le rejet des élites et des étrangers. C’est une surprise pour ceux qui considèrent encore que la victoire d’un candidat populiste est un « accident électoral ». La victoire de Trump n’est pas un « accident électoral », elle s’inscrit dans cette montée des populismes à travers le monde, montée qui vient confirmer le discrédit qui frappe les élites installées. Trump représente la victoire d’un candidat « populaire », au sens « populiste » du terme, contre une candidate impopulaire, incarnation des élites installées. En Europe, on compte aujourd’hui une trentaine de mouvements populistes, pratiquement tous rattachés à la droite extrême identitaire et anti-immigration.
Quelles seront les contraintes et les enjeux de la politique américaine en Afrique ?
Trump est, clairement, pour un repli identitaire, ce qui signifie que l’Amérique n’a pas à se projeter sur la scène internationale pour être le gendarme du monde ou le bouclier protecteur des pays et des zones géographiques qui le souhaitent. Ce mouvement de repli des États-Unis est amorcé depuis longtemps et il s’est accentué sous Obama. Trump souhaite une implication moindre des Etats-Unis dans le cadre de l’OTAN en demandant à l’Europe d’assumer sa propre défense. Il attend, de la même manière, que l’Afrique se prenne en charge, financièrement, pour sa défense, mais aussi son développement. Nous sommes là, dans la théorie. Bien entendu, la réalité est plus complexe. L’Amérique de Trump ne peut pas ignorer l’Afrique et les enjeux géopolitiques, géostratégiques et géoéconomiques qu’elle représente. On ne doit pas s’attendre à de profonds changements dans la politique africaine des Etats-Unis. Faut-il rappeler que la politique africaine d’Obama était d’une extraordinaire banalité. On se souvient de ce que disait Obama : « Je ne vois pas les pays et les peuples d’Afrique comme des mondes lointains. Je vois l’Afrique comme partie fondamentale de notre monde interconnecté, comme un partenaire de l’Amérique dans la perspective du monde que nous voulons pour nos enfants. » Concrètement, il ne s’est rien passé et l’Afrique a très vite disparu des préoccupations d’Obama. En revanche, il est sûr que Trump voit l’Afrique et les peuples africains comme « des mondes lointains », ce qui ne signifie pas une rupture avec l’afrique.
Selon vous, est-ce que, vraiment, les Etats-Unis croient à l’Afrique ?
La question ne se pose pas en ces termes. Se demander si les États-Unis croient ou ne croient pas en l’Afrique ne signifient rien. L’Afrique occupe désormais une place centrale dans la mondialisation. Trump sera obligé de s’intéresser à l’Afrique pour les enjeux géopolitiques, géostratégiques et géoéconomiques qu’elle représente. La présence massive de la Chine en Afrique, – et les visées de l’Empire du milieu ne sont pas simplement économiques, elles sont aussi politico-militaires -, conduira Trump à regarder de plus près ce qui se passe en Afrique. Il faut y ajouter la menace terroriste qui passe aussi par l’Afrique, et les flux migratoires qui dictent à présent l’agenda du monde. En 2050, l’Afrique comptera 2 milliards d’habitants, dont 800 millions de jeunes. Des millions d’Africains seront candidats à l’immigration pour fuir les guerres et la pauvreté. Trump a donc tout intérêt à accompagner l’Afrique dans son développement et sa sécurité. Les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts.
Quel est le sort de la diaspora africaine aux États-Unis ?
Les Africains seront, aux États-Unis, soumis à la même pression qu’ils subissent aujourd’hui. En situation régulière, ils pourront rester aux États-Unis, en situation irrégulière, ils seront sûrement expulsés, si l’administration Trump reçoit des instructions qui vont dans ce sens. Nous verrons si les 3 millions de clandestins que Trump a promis d’expulser le seront, effectivement, rapidement. Trump avait d’abord déclaré vouloir expulser la totalité des immigrés clandestins, soit 11 millions de personnes. Il est ensuite « descendu » à 3 millions, c’est-à-dire les criminels, les trafiquants de drogue. La mesure la plus emblématique de la politique anti-immigration de Trump est la construction d’un mur entre les États-Unis et le Mexique, sur 1 600 kilomètres le long de la frontière et pour un coût de 8 milliards de dollars. Le vrai problème concerne en réalité le regard que certains Américains portent sur les étrangers. Les cas d’actes racistes vont se multiplier, la campagne de Trump ayant libérer la parole xénophobe. Sur les visas accordés aux étudiants africains, il n’y aura pas de changement.
Donald Trump – Le Pen, même combat, vous validez ?
Les États-Unis ne sont pas la France et le parti républicain n’est pas le Front national. Trump dirige la première puissance économique du monde, Le Pen a été le leader d’un mouvement extrémiste. Leur point commun est qu’ils ont prospéré, pour Le Pen, et qu’ils prospèrent, pour Trump, sur le rejet des partis traditionnels, des élites et des étrangers. Le paradoxe vient de ce que les sociétés civiles africaines dénoncent la « lepénisation » et la « trumpisation » des esprits, alors que certains Chefs d’États africains reçoivent en grande pompe Jean-Marie Le Pen et se félicitent de l’élection de Trump. Le paradoxe n’est qu’apparent. Trump et Le Pen défendent des valeurs qui parlent aux Chefs d’États africains : l’État-nation, les frontières, l’identité, le sentiment national, le patriotisme, l’autorité. Ces valeurs sont instrumentalisées par les leaders populistes qui en font un radicalisme politique. Alors qu’Obama disait que l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes, Trump et Le Pen considèrent que les pays africains doivent être dirigés par des hommes forts. Il est cependant absurde de dire Trump et Le Pen, même combat, même si leur manière de faire de la politique ne s’arrête pas aux indicateurs économiques. Pour ses électeurs, Trump réinvente le rêve américain de puissance, alors que le récit national proposé par Hilary Clinton était d’une extraordinaire banalité, conforme aux codes de la pensée unique.
Selon vous, est-ce que Trump ouvrira la porte à une nouvelle forme de relations d’affaires avec l’Afrique ?
Ne mélangeons pas les choses, Trump président ne peut pas faire des affaires, à titre personnel, en Afrique. Il y aurait conflit d’intérêts. En revanche, qu’il infléchisse la politique africaine des États-Unis vers plus de business sans se préoccuper de questions morales, c’est une évidence. Pour Obama, c’était « business and democracy », pour Trump, ce sera « business and business ». Même si la politique américaine tend vers toujours plus d’isolationnisme avec Trump, les États-Unis ne peuvent pas ignorer l’Afrique pour les affaires. En Afrique, les richesses naturelles semblent inépuisables et les besoins sont énormes. Comme ses prédécesseurs, Trump voudra accompagner les entreprises américaines dans leur conquête des marchés africains. Pour des questions de sécurité, lutte contre le terrorisme et la piraterie maritime, protection des personnes et des intérêts américains, le Pentagone est devenu un acteur-clef de la politique africaine des États-Unis. Trump poursuivra dans cette voie, d’autant plus que la mainmise de la Chine sur l’Afrique constitue une menace géopolitique et géoéconomique pour les Etats-Unis. En donnant de l’épaisseur à un axe Sud-Sud, la Chine tend à rendre moins indispensable l’aide occidentale en Afrique. Les Américains en ont conscience. Ils voudront renforcer leur présence.
Sur le plan de la lutte contre le terrorisme en Afrique, pensez-vous que Donald Trump va déclarer la guerre aux terroristes ?
Cette guerre contre le terrorisme est une réalité, Trump va la poursuivre, peut-être l’amplifier. Comme je l’ai dit lors ma réponse à la question précédente, le Pentagone est devenu un acteur-clef de la politique africaine des États-Unis. Mais, cette question mériterait un long développement. Deux évidences : la menace terroriste passe aussi par l’Afrique et les États-Unis ne sont pas à l’abri d’une attaque de grande envergure. Il ne s’agit pas de déclarer la guerre aux terroristes, cette guerre existe déjà. La question est celle des moyens que voudra mettre en oeuvre Trump et des alliances qu’il voudra nouer, en particulier avec la Russie ou l’Iran.
En général, quel bénéfice l’Afrique tire-t-elle de cette victoire du Trump ?
Comme Obama a été le Président des États-Unis, en charge des intérêts de son pays, Trump défendra les intérêts américains avec pragmatisme et moins de discours convenus. Obama n’était pas le Président de l’Afrique, ni le porte-parole des Africains. Très vite, Obama s’est désintéressé de l’Afrique, malgré le premier Sommet historique organisé en 2014, à Washington, Ce sommet s’est réduit en réalité à des discussions bilatérales et à des déclarations de principe. Les Chefs d’États africains ne sont pas arrivés en ordre de marche, mais, comme d’habitude, les uns après les autres, chacun voulant défendre ses intérêts. D’ailleurs, l’aide américaine en Afrique ne concerne pas tous les pays, mais quelques-uns en fonction des intérêts des américains. Trump est aussi attendu sur la question de la lutte contre le réchauffement climatique, l’Afrique étant le continent le moins pollueur, mais celui qui en subit les plus graves conséquences. L’Afrique a tout à gagner des relations avec les États-Unis, y compris sous l’ère Trump. Encore faut-il que le rapport soit un rapport gagnant-gagnant. Mais, il serait faux de croire que Trump va participer à une internationale populiste contre l’Afrique. Son discours anti-immigration prend en compte une réalité nouvelle : l’agenda du monde est désormais dicté par les flux migratoires, ce que ne veulent pas dire les élites installées.
Afrikipresse