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L’éditorial-Côte d’Ivoire : Quel remaniement d’envergure sans crise politique à 4 mois de la Can 2023 ? Par Wakili Alafé

L’éditorial-Côte d’Ivoire : Quel remaniement d’envergure sans crise politique à 4 mois de la Can 2023 ? Par Wakili Alafé
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Wakili Alafé
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En Côte d’Ivoire, un remaniement d’envergure du gouvernement est-il possible en l’absence d’une crise politique avérée et à 4 mois de la Coupe d’Afrique des nations de football 2023 ?

« Africa Intelligence » croit savoir que le chef de l’État ivoirien prépare un nouveau gouvernement, avant même la Can 2023, c’est à dire avant janvier 2024. Sans entrer dans les détails des analyses ou projections du confrère, la question se pose de savoir si une telle option est évidente en l’absence d’une crise politique en Côte d’Ivoire à 4 mois de la Can 2023 ? Ce remaniement entraînera-t-il la nomination d’un Premier ministre , comme le prévoit notre confrère ?

Contexte

Je ne vais pas reprendre les bruissements des scènes politique et médiatique, ni les bruits de couloir que diffusent ceux qui prétendent être informés, pour annoncer le départ de tel ou tel Premier ministre ou ministre ni la nomination de tel ou tel autre.

Je m’intéresse plutôt aux raisons qui peuvent expliquer la nécessité de procéder aujourd’hui à un remaniement ministériel, alors que, dans une Afrique de l’Ouest agitée par des soubresauts politiques et aux portes d’une zone sahélo-sahélienne où se sont multipliés les coups d’État militaire, la Côte d’Ivoire reste un îlot de stabilité qui a su relancer son économie après la crise sanitaire de la Covid 19.

La croissance se consolide et les bailleurs de fonds internationaux, constatant la diversité et la résilience de l’économie ivoirienne, continuent à faire confiance à la gouvernance Ouattara. Les dernières élections locales ont vu le Rhdp remporter une large victoire, dont une symbolique avec l’élection d’Adama Bictogo à Yopougon, alors que l’opposition avait voulu politiser l’affrontement entre le RHDP et le nouveau parti de Laurent Gbagbo, en présentant cette élection comme une revanche sur 2010.

Des doutes sur la pertinence ou l’évidence d’un remaniement

Autres points qui conduisent à s’interroger sur la pertinence d’un remaniement ministériel :

1) Le chef de l’État ivoirien est connu pour être un homme patient, qui aime rester le maître des horloges et qui ne réagit jamais sur un coup de tête. Alassane Ouattara n’est pas, non plus, un adepte des grands chamboulements. La preuve , c’est plus ou moins la même équipe qui l’accompagne depuis longtemps, en se renouvelant et se renforçant avec des têtes nouvelles et jeunes, au fil des années et des cooptations nouvelles.

2) Par ailleurs, un remaniement ministériel bloque l’action gouvernementale et l’agenda politique pendant environ 4 semaines. Après un nouveau Premier ministre , il faut former un nouveau gouvernement. Les nouveaux ministres doivent ensuite prendre connaissance des dossiers , constituer leurs cabinets ministériels pour se mettre au travail, dans la foulée de la signature des décrets d’attribution de chaque ministre. En période normale, quatre semaines sont nécessaires, si les choses se passent bien, pour les passations des charges et les changements à des postes clés, ainsi que la rédaction et la signature des décrets d’attribution. L’absence à ce jour de secrétaires généraux dans les ministères en vue du suivi des dossiers, pour éviter que les changements de ministre retardent l’exécution des projets gouvernementaux interpelle à ce niveau.

3) À quatre mois de la Can 2023 , priorité pour un gouvernement qui tient à montrer sa capacité à organiser de grandes manifestations, sportives ou autres, un changement d’hommes et de femmes, ne peut-il pas avoir des conséquences sur l’efficacité opérationnelle de l’organisation de cette compétition qui se déroule à partir de janvier 2024 ?

Une trêve politique pour une affaire nationale

L’organisation de la CAN est une affaire ivoirienne, une affaire nationale mais aussi africaine et mondiale. Elle suppose une sorte de trève politique, après l’agenda électoral de ces dernières semaines. L’agenda informel qui prévoyait un remaniement après la CAN 2023 , à partir de fin février 2024 et au plus tard en avril 2024, ne semble-t-il pas plus réaliste ? À ce moment , tout reste alors possible

En effet, après la CAN 2023, notamment à la date anniversaire de sa nomination, Patrick Achi aura alors une longévité presque record de trois ans au poste de Premier ministre. Cela est à la fois un atout avec l’expérience acquise , et peut paraître un handicap pour un seul fait : le désir de changer et d’impulser un souffle nouveau.

Le chef de l’État ivoirien est-il un adepte des effets de mode : changer pour changer au détriment de l’expérience ?

Quel remaniement ?

1) Le choix du Premier ministre –

Pour ma part, un changement de Premier ministre pourrait impacter la stabilité et l’unité apparentes actuelles de la famille politique du RHDP, alors que se profile déjà 2025, avec l’élection présidentielle qui reste la « mère » des élections.

2) Les ministres – Des ministres viennent de gagner les élections. Ils ont bien travaillé. Est-ce efficace de les changer, alors qu’ils font preuve d’efficacité aussi bien technique que politique ? Un grand bouleversement peut être perçu comme un désaveu de l’équipe gouvernementale actuelle.

3) Les ministres qui ont échoué ou qui sont peu visibles – L’action de certains ministres n’impacte pas suffisamment la vie quotidienne des Ivoiriennes et des Ivoiriens.

4) L’ouverture politique – Si le RHDP est un parti politique unifié, transethnique et transgéographique, il est composé de sensibilités politiques différentes. Beaucoup viennent du PDCI, car, débarrassés du carcan ethnique qui correspond au vieux monde, ils ont choisi comme boussole le développement. Il reste utile d’ouvrir le gouvernement à toutes les sensibilités au moment où, à travers les dernières élections locales, ont émergé, sur le terrain, de nouveaux rapports de force.

5) Un remaniement à minima – Si remaniement ministériel il y a, se fera-t-il à minima avec le maintien du Premier ministre, qui selon les plusieurs observateurs a montré sa fidélité au Président de la République ( sans chercher à jouer de façon visible une carte personnelle) , sa maîtrise des grands dossiers, sa capacité à gérer une équipe gouvernementale et son esprit d’ouverture. La nomination d’un autre Premier ministre peut être perçue comme une prime donnée à un courant du RHDP, ce qui réactiverait les guerres internes. Or, le Président Alassane Ouattara tient avant tout à l’unité de sa famille politique.

Je voudrais conclure par deux remarques :

1) En politique, ce qui est vrai à un instant T n’est plus valable à l’instant suivant. Tout en n’excluant aucune option , je demeure prudent sur l’annonce d’un grand bouleversement ministériel avant la Can 2023. Un remaniement d’ampleur après la CAN 2023, n’exclut cependant pas un remaniement « technique » à minima imminent. N’empêche que nous devons retenir que la politique et la logique ne sont pas véritablement amies.

2) Les chroniqueurs politiques ont, selon des humoristes, la capacité de prédire le passé. En réalité, ils ont été inventés pour concurrencer les astrologues.

Affaire à suivre ….

Wakili Alafé

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