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    Chronique du lundi – le rôle essentiel du Cesec (Conseil economique, social, environnemental et culturel)

    Chronique du lundi – le rôle essentiel du Cesec (Conseil economique, social, environnemental et culturel)
    Publié le
    Par
    Christian Gambotti
    Lecture 6 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    Dans un État, le rôle des institutions est de fonder durablement et instaurer des règles, des dispositions ou des références, afin d’établir, de définir et encadrer la manière de gouverner. Elles assurent ainsi le bon fonctionnement de l’Etat. Selon le manuel de « L’architecture institutionnelle de la 3e République », la Côte d’Ivoire compte actuellement 15 institutions dont 10 constitutionnelles.  

    Ce manuel précise les modalités de saisine des institutions ainsi que leurs missions. La Constitution ivoirienne de 2016 distingue, parmi les dix institutions constitutionnelles, celles qui exercent le pouvoir exécutif (président de la République, vice-président, gouvernement) ; les Institutions parlementaires, Assemblée nationale et Sénat (la Constitution de 2016 instaure le bicamérisme avec l’institutionnalisation du Sénat) ; les Institutions juridictionnelles (Conseil constitutionnel, Cour de cassation, Conseil d’Etat, Cour des comptes) ; elle consacre également comme institutions le médiateur de la République, la Chambre nationale des rois et chefs traditionnels et le Conseil économique, social, environnemental et culturel (CESEC). Il existe, aux côtés de ces institutions dites constitutionnelles, d’autres structures reconnues comme des institutions du fait de la mission d’intérêt général qu’elles assurent.

    Qui connaît le CESEC : « l’assemblée du premier mot » ?

    Institution particulièrement importante, le CESEC reste méconnu auprès des citoyens. Son rôle est éclipsé par celui de l’assemblée nationale, qui tire sa légitimité du suffrage universel, et du sénat. La différence entre l’assemblée nationale et le CESEC tient évidemment à leur nature : l’assemblée nationale, dont les députés sont élus par le peuple, vote la loi, elle est l’assemblée du « dernier mot » et dispose d’un pouvoir de décision ; assemblée purement consultative placée auprès des pouvoirs publics, avec des conseillers nommés par le président de la République, le CESEC est l’assemblée du « premier mot », chargée par la loi de « conseiller les pouvoirs publics sur la base des avis de la société civile organisée », sans pouvoir de décision. Son rôle consultatif se traduit par la production de rapports, soit sur saisine du gouvernement, soit par auto-saisine. 

    Le CESEC, dont les rapports font autorité, assure la participation de la société civile organisée à la politique économique, sociale, environnementale et culturelle de la Nation ivoirienne. À l’occasion de la rentrée solennelle de l’institution, en présence du chef de l’État et de plusieurs membres du gouvernement, Eugène Aka Aouélé, le président du CESEC, a précisé qu’« il s’agit pour l’institution de jouer sa partition dans l’animation du débat citoyen, en faisant des propositions concrètes sur les défis auxquels le pays fait face. » 

    Eugène Aka Aouélé, qui voit dans le débat citoyen et le dialogue social, la plus haute incarnation de l’épanouissement démocratique, s’étonne du peu d’intérêt que l’on accorde au CESEC, alors qu’il participe pleinement à l’amélioration de la gouvernance, à la stabilité politique, à la cohésion sociale et à la valorisation de la culture. Pour Eugène Aka Aouélé, « le CESEC est un baromètre parfait qui permet de mesurer l’état des opinions publiques, une parfaite école de la démocratie et de cohésion sociale par le brassage de tous les milieux sociaux et la rencontre de tous les acteurs de la société. » 

    Si des intérêts divergents existent toujours et des avis contradictoires s’expriment, – il n’est pas question d’aller vers un « consensus mou » qui amoindrirait la portée des avis du CESEC -, le rôle du CESEC est de chercher l’équilibre sur tous les sujets, même les plus difficiles et les plus pointus. Le consensus qui émane des rapports du CESEC ne doit pas être un robinet d’eau tiède destiné à ne fâcher personne, mais l’extension du champ du possible, notamment sur les nouvelles urgences que sont la sécurité et la souveraineté alimentaires, les questions climatiques et environnementales. Il ne peut y avoir, pour les conseillers du CESEC, d’autocensure dans la recherche du consensus. 

    Le CESEC n’est pas le lieu de l’affrontement politique, les conseillers se parlent, sans renoncer à leurs convictions, tout en restant attentifs aux évolutions en matière économique, sociale, environnementale et culturelle qui concernent les groupes dont ils sont les représentants. Pour être clair, un parti politique inclut, dans ses activités, l’effort qui consiste à conserver le pouvoir ou à prendre, de façon démocratique, s’il est dans l’opposition, le contrôle de l’Etat. Le CESEC n’inclut pas, dans ses activités, une offre politique partisane.

    Le Cesec, véritable forum de la société civile

    On définira la « société civile organisée » comme l’ensemble des organisations syndicales et patronales (les « partenaires sociaux »), les organisations non gouvernementales, les associations professionnelles ou non, les organisations caritatives, les organisations qui impliquent les citoyens dans la vie locale et municipale, les organisations des  communautés religieuses et les organisations qui s’appliquent au respect des us et coutumes traditionnels qui structurent la société. Pour remplir sa mission, qui est de conseiller les pouvoirs publics en matière économique, sociale, environnementale et culturelle, le CESEC doit être à l’écoute de la société civile organisée. 

    Il ne peut devenir une véritable force de proposition qu’en identifiant, face à l’accélération de l’Histoire et aux brusques évolutions qui se déploient dans une société donnée, particulièrement dans le domaine sociétal, les adaptations qui lui paraissent nécessaires. S’ajoute pour le CESEC un rôle essentiel : faciliter le rapprochement des groupes de pression les plus éloignées. Si l’on se réfère à la définition de la société que donne Tocqueville, le CESEC, qui agit en dehors du cadre et de l’intervention de l’État, apparaît bien comme le médiateur entre le citoyen et l’Etat.

    Notre époque voit se modifier, avec une accélération et une ampleur inégalées, l’ensemble des rapports interindividuels, des structures familiales, sociales, économiques, éducatives, culturelles, religieuses qui caractérisent les sociétés africaines traditionnelles. Comment appréhender ces brusques mutations économiques, sociales et culturelles ? Comment mesurer l’urbanisation galopante, incontrôlée, les phénomènes de métropolisation, les conflits liés à la compétition pour l’accès au foncier, l’envolée démographique…? Comment organiser les transitions urbaines ou la transformation de l’agriculture pour aller vers des modes de production plus vertueux qui respectent la santé de la terre, des agriculteurs et des populations ? Aucun sujet n’est tabou pour le CESEC. En dehors du rôle que lui confèrent la constitution et les lois organiques, le CESEC peut, librement, organiser les débats qui contribuent à consolider la cohésion sociale et à la cohésion nationale. 

    Le président Eugène Aka Aouélé souhaite faire du CESEC un véritable « réservoir d’idées » institutionnel, à l’image des think tanks indépendants constitués en cercles de réflexion ou laboratoires d’idées indépendants des partis politiques.  Le parlement, avec l’assemblée nationale et le sénat qui ont leurs propres canaux d’information et d’analyse, a tendance à se méfier du CESEC, qui est vu, à tort, comme un concurrent. Le CESEC n’a aucun pouvoir de décision. Institution purement consultative, le CESEC entend rester l’assemblée du « premier mot », le « dernier mot » revenant à l’assemblée nationale qui, elle, a le pouvoir de décision en votant la loi. 

    En Côte d’Ivoire, le bicamérisme assemblée nationale-sénat, conformément à l’article 109 de la constitution, fait que les projets et propositions de lois sont déposés à la fois sur le bureau de l’Assemblée nationale et du Sénat, le « dernier mot » revenant à l’Assemblée nationale en cas de différend entre les deux chambres. Le calendrier parlementaire est toujours contraint, d’où le recours aux ordonnances pour en accélérer le déroulement. Le CESEC entend rester libre dans la gestion de son calendrier, hors des saisines en urgence par le gouvernement.

    Christian GAMBOTTI – Agrégé de l’Université – Président du think tank Afrique & Partage – Président du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) – Directeur général de l’Université de l’Atlantique (Abidjan) – Chroniqueur, essayiste, politologue. Contact : cg@agriquepartage.org

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