À la question « quelle est la première puissance économique d’Afrique de l’Ouest ? », tous les observateurs et les bailleurs de fonds répondent : la Côte d’Ivoire. Depuis son accession au pouvoir, le 11 avril 2011, Alassane Ouattara aura réussi à transformer son pays en ayant comme première boussole la consolidation de l’économie.
Redressement du pays et projet de société
La transformation de la Côte d’Ivoire résulte de la très forte croissance que le pays a connue sur une longue période, de 2012 à 2021, avec une moyenne annuelle de 7 à 8 %. Les données récentes de la Banque mondiale montrent que la Côte d’Ivoire est aussi devenue le pays le plus riche avec un PIB, en 2022, de 2 579 dollars par habitant, devant le Ghana (2 445 dollars), l’Angola (2 138 dollars), le Nigeria (2 085 dollars) et le Kenya (2 007 dollars).
Après l’effondrement de pans entiers de l’économie ivoirienne et des politiques publiques sacrifiées (éducation, santé, accès aux services de base) sur fond d’instabilité politique, le redressement est spectaculaire depuis 2011. Mais, l’économie et une croissance forte, qui constituent des préalables indispensables, ne sont que des outils au service d’un projet de société. La croissance ivoirienne est essentiellement fondée sur un investissement public massif qui a permis de réaliser des grands travaux ; le secteur privé n’a pas encore contribué autant qu’il le faudrait à la diversification et à la structuration de l’économie, malgré les réformes engagées par le gouvernement.
Deux programmes économiques et financiers, lancés entre 2012 et 2020, ont permis à l’économie ivoirienne de devenir l’économie la plus performante d’Afrique subsaharienne : 1) de 2012 à 2015, un premier programme a permis d’assainir les finances publiques, consolider l’économie et restaurer la croissance 2) de 2016 à 2020, un second programme a permis de développer le volet social, favoriser l’inclusion, réduire la pauvreté et renforcer la résilience aux chocs futurs.
Les années Ouattara sont, incontestablement, celles du renouveau de la Côte d’Ivoire. Le gouvernement ivoirien sait qu’il lui reste beaucoup de chemin à parcourir : le taux de pauvreté reste élevé, même s’il est passé de 39,4 % en 2018 à 35 % en 2022, le gouvernement tablant, d’ici 2030, sur un taux de pauvreté inférieur à 20%, alors qu’il était, au moment de l’accession d’Alassane Ouattara au pouvoir en 2011, de 55% ; les perspectives d’avenir pour la jeunesse demeurent insuffisantes ; l’émancipation des jeunes filles et des femmes ivoiriennes prend du retard, les premières n’ont pas toujours accès à l’éducation, les secondes, à l’emploi ; l’économie informelle, qui fournit la majorité des emplois, reste trop souvent un mode de survie avec des impacts négatifs sur la qualité de la vie des populations, qui ont du mal à se nourrir, se loger, se soigner, se former, se déplacer, etc. Le Plan de Développement National 2021-2025 est conçu pour répondre aux attentes de tous les secteurs.
Le nécessaire appui du FMI à hauteur de 3,5 milliards de dollars
Alors que la Côte d’Ivoire semblait solidement installée sur le chemin de l’émergence, grâce aux politiques mises en place par le gouvernement, deux événements sont venus contrarier la viabilité des finances publiques et la soutenabilité de la dette : la crise sanitaire de la Covid 19 et la guerre en Ukraine.
M. Olaf Unteroberdoerster, qui conduisait l’équipe du FMI, a déclaré : « L’économie ivoirienne a bien résisté à la pandémie, mais le rebond économique s’est atténué en raison des retombées négatives de la guerre de la Russie en Ukraine et du resserrement monétaire mondial. Les subventions directes et indirectes visant à réduire les pressions sur les prix, l’augmentation des dépenses de sécurité, et la détérioration des termes de l’échange dans un contexte de demande intérieure soutenue ont entraîné une aggravation des déséquilibres macroéconomiques en 2022. Dans ce contexte difficile, les autorités ont demandé l’aide du Fonds dans le cadre d’un accord mixte MEDC/FEC pour leur programme économique. Ce programme vise à préserver la viabilité des finances publiques et de la dette et à ancrer le Plan national de développement (PND) 2021-25 dans des priorités structurelles clés afin de promouvoir une croissance plus inclusive menée par le secteur privé et de faciliter la transition de la Côte d’Ivoire vers un pays à revenu intermédiaire. » Cet appui du FMI, d’une durée de 40 mois, est conditionné par la poursuite des réformes et la définition des objectifs de politiques publiques dans le cadre du Plan National de Développement 2021-2025.
Les multiples causes qui freinent le développement de la Côte d’Ivoire
Les politiques mises en place par le gouvernement depuis 2011 ont certes permis le redressement spectaculaire de la Côte d’Ivoire. L’impact fortement négatif sur l’économie ivoirienne provoqué par la crise sanitaire et le conflit russo-ukrainien est largement documenté. Deux autres causes sont aussi soulignées par le FMI : l’augmentation des dépenses de sécurité et le financement de la transition écologique afin de lutter contre le dérèglement climatique et la multiplication des catastrophes naturelles (désertification, sécheresse aiguë sur une longue période, inondations provoquées par des pluies tardives et torrentielles hors saison de pluie, etc.), Ce genre de dépenses, qui visent à améliorer la sécurité face aux menaces terroristes et la performance environnementale face aux risques climatiques, s’ajoute à l’augmentation des dépenses sociales.
En temps de crise, c’est donc la capacité de l’Etat à faire face à la forte augmentation des dépenses sociales qui est interrogée. Les circonstances actuelles, entraînent la contraction des ressources financières, ce qui, mécaniquement, se traduit par une diminution des budgets sociaux et une aggravation du déficit structurel ivoirien en offre de soins, d’éducation publique, etc. L’appui du FMI vient pallier le fort rétrécissement des marges d’action des politiques publiques. Il ne s’agit pas d’une « bouée de sauvetage financier » sur le marché international pour une économie ivoirienne qui serait en faillite, mais bien d’un appui apporté à un pays qui possède tous les atouts pour se reconstruire après les épisodes successifs, sur une courte période, d’une crise sanitaire mondiale (Covid 19) et d’une crise géopolitique d’une ampleur inégalée (guerre en Ukraine).
L’appui du FMI de 3,5 milliards de dollars permettra de renforcer la stabilité macroéconomique et inverser les déséquilibres budgétaires et extérieurs croissants d’un pays qui, pour le FMI, présente des garanties solides : une économie diversifiée, un rôle accru du secteur privé, un PIB en progression de 5,5% en 2022, une croissance prévue de 6,5% pour 2023, une inflation plus faible que dans d’autres pays de la région et la stabilité financière de la Zone Franc.
Christian GAMBOTTI – Agrégé de l’Université – Président du think tank Afrique & Partage – Directeur général de l’Université de l’Atlantique- Directeur du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) – Directeur des Collections L’Afrique en Marche, Planète francophone – Essayiste, chroniqueur, politologue, géopoliticien. Contact : cg@afriquepartage.org