Après le rejet de sa candidature aux élections présidentielles d’octobre 2000, mais et surtout compte tenu de l’acharnement que tous les successeurs d’Houphouet ont mis à denier sa nationalité ivoirienne, Alassane Ouattara, premier ressortissant du Nord et musulman à avoir occupé des fonctions au sommet de l’état ( intérim du président Houphouet, Premier ministre) est devenu le symbole vivant des Ivoiriens qui, comme lui, se sentent rejetés par un ensemble de dispositifs souvent illégaux, visant tout simplement à les spolier de leur nationalité pour en faire des apatrides dans leur propre pays. « Ado : la naissance d’un mythe », l’intitulé du chapitre 10 du livre de l’écrivain ivoirien Moriba Magassouba « Alassane Ouattara, La passion du devoir » évoque comment d’une idéologie de haine, l’ivoirité a mobilisé le Nord en masse en faveur du président du RDR, Alassane Ouattara.
Avec l’arrivée au pouvoir de Henri Konan Bedie, l’identification systématique des Ivoiriens du nord ou à patronyme dioula s’est durci et a accentué la frustration chez eux. « Le concept de l’ivoirité érigé en véritable idéologie d’État avec des mesures administratives et politiques, notamment les contrôles d’identité des personnes à patronyme nordiste voire aux abords des mosquées, le retrait et la destruction de leurs cartes nationales d’identité ou encore le durcissement des conditions de délivrance des cartes d’identité pour les gens à patronyme dioula a fini par accélérer le destin d’Alassane Ouattara » selon Yacouba Konaté, in ‘’le destin d’Alassane Dramane Ouattara ‘’ cité par Moriba Magassouba à la page 170 de son livre.
Parmi les nouveaux fans, de Ouattara, la star internationale du reggae, Alpha Blondy. Après qu’il ait averti le pouvoir Bédié, puis Guei et Gbagbo sur un risque de sécession du nord, Alpha Blondi mettra le pied dans le plat : « Si être dioula c’est être Rdr, alors je suis RDR, pian » avait-il martelé, signifiant aux tenants du pouvoir (Bédié, à l’époque, ndlr) son identification à un homme, Alassane Ouattara.
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En 2003, alors que le pays était coupé en deux par la rébellion de Soro Guillaume, Gbagbo s’est bien vanté de contrôler « la partie utile, le sud » du pays qui en réalité représentait que 40% du territoire. Une manière de dire que toute la partie nord était inutile.
« Les gens du Nord considèrent que, jusqu’ici, ils ont roulé tambour pour les autres. L’heure est enfin venue de battre tam-tam pour soi-même et c’est Alassane Ouattara qui aurait donné le signal » a rappelé en substance la charte du Nord, citée par Yacouba Konaté, toujours dans son livre « le destin d’Alassane Dramane Ouattara », repris par Moriba Magassouba à la page 176.
Enfin pour Moriba Magassouba, c’est bien cet appel du peuple du Nord qui conduira Ouattara, peut-être à son corps défendant, à sauter le mur capitonné des honneurs derrière lequel il eût été confronté de s’assoupir pour jeter sa réputation de grand banquier dans les plus durs controverses de la politique ivoirienne gangrenée par l’ivoirité.
Philippe Kouhon