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    Labé : Zéinab Koumanthio Diallo reconstitue l’histoire du Fouta théocratique

    Labé : Zéinab Koumanthio Diallo reconstitue l’histoire du Fouta théocratique
    Publié le
    Par
    Dasse Claude
    Lecture 7 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    Labé, ville située en Moyenne-Guinée a été fondée après l’occupation Peul du Fouta Djallon par le marabout Karamoko Alpha Mo Labé. Cette cité qui a été le chef lieu de la province, fut l’une des 9 provinces ou Diiwé que comportait l’État du Fouta théocratique. Importante par son étendue, la province de Labé s’est aussi révélée comme une cité sainte et un grand centre culturel et commercial, selon les historiens et chercheurs.

    Pour recueillir, conserver, étudier, et mettre en valeur le patrimoine culturel du Fouta Djallon voire national, Mme Koumanthio Zéinab Diallo, membre l’Association des Femmes Poètes et écrivains de Guinée et d’autres activistes de la culture ont mis en place un musée dénommé “Musée du Fouta Djallon”.

    Femme poète, écrivaine, chercheur et protectrice de l’environnement, Hadja Zéinab dirige le Musée du Fouta, situé au quartier Ndiolu, dans la commune urbaine de Labé. Fonctionnelle depuis juillet 2001, cette enceinte est un véritable plongeon dans l’univers des Peuls du Fouta Djallon. Pour comprendre comment le musée est structuré, accrochez-vous aux explications de la directrice générale qui a reçu Afrikipresse aux jardins du Musée.

    AFRIKIPRESSE : qu’est-ce que le Mussé du Fouta Djallon ? Que peut-on trouver dedans ?

    Mme Zéinab Koumanthio Diallo : Le musée du Fouta Djallon renferme un certain nombre d’espaces. De façon précise, dans le musée on a un espace littéraire et spirituel où on retrouve les œuvres des célèbres érudits et poètes qui ont marqué l’époque islamique et européenne ; un espace consacré à l’habitat et aux objets domestiques ; un espace polico-militaire qui contient des symboles et insignes du pouvoir, ainsi que des échantillons d’armes de guerre; un espace dédié aux arts et métiers où prédominent tous les objets compagnons de l’éleveur.

    Ce qui fait que les pièces ne sont pas exposées une à une. Elles sont rassemblées dans ce qu’on appelle des espaces.

    Nous avons l’espace de la foi : « la femme et la vache » qui compose un grand ensemble et qui est reconnu comme étant l’espace qui présente les trois grands piliers fondamentaux de la culture des Peuls du Fouta Djallon ; à savoir ”la Foi, la femme et la vache”. C’est là que vous allez découvrir l’image de nos ancêtres qui sont en train de conduire des séances de formation pour la famille et la société en caractère arabe mais en langue Pular. Ça c’est le pilier de la foi. Les deux autres piliers ne sont pas confondus mais se valent et partent ensemble : c’est la femme et la vache.

    Il y a un adage peul qui dit : « Dieu a créé le peul, Il a créé la femme, Il a créé la vache. Il a mis la femme derrière la vache, et il a mis le Peul derrière la femme ». C’est cette trilogie qui a été exposée là et qui montre que la femme occupe une place importante dans la culture des peuls du Fouta Djallon. Même si elle-même ne le comprend pas, l’histoire, la culture, les comportements lui réservent une place de choix. Il faut dire que c’est sur le dos de la femme que repose l’essentiel des activités qui tournent autour de la vache. C’est elle qui conduit la vache, l’entretient. Elle s’occupe des sous-produits de la vache : le lait, le beurre.

    – L’autre espace, c’est la vie intérieure de la case de la femme.

    Pourquoi Case-femme ?

    On insiste sur case-femme parce que les hommes et les femmes n’habitent pas la même case. Il y’a la case pour l’homme et la case pour la femme. Pour des besoins biologiques qu’on connaît et tout, c’est la femme qui se déplace. Quand vous arrivez dans une concession peule et que vous constatez qu’il y a quatre cases, sachez bien qu’il y a 3 femmes et le mari. L’habitat peul est ainsi conçu.

    L’autre espace est politico-militaire : là nous avons exposé des armes qui ont servi au djihad. Ces armes étaient gardées par des familles et qui ont été transmises de père en fils jusqu’à ce que le musée soit mis en place, et ensuite tous les objets ont été légués au musée. Cela veut dire quelque part que le peul du Fouta Djallon a le sens de la conservation, de la protection du patrimoine familial. On sait que dans certaines sociétés africaines, les populations sont destructrices de leur environnement mais aussi de leurs objets. Et ici c’est le contraire parce que les peuls ont montré qu’ils sont capables de conserver leur patrimoine culturel, ça veut dire qu’ils peuvent conserver le patrimoine culturel national de leur pays aussi. C’est un atout que les peuls du Fouta Djallon ont. Je ne lance pas des fleurs, mais en tant que chercheur et protectrice de l’environnement, je dis que c’est extrêmement important qu’on retrouve des gens comme ça dans une société.

    -Le troisième espace, est dédié aux arts et métiers. C’est un défilé des métiers qui rappelle que le Fouta théocratique a été structuré. Il y avait l’aristocratie qui était responsable de l’écriture et du livre, et il y avait les hommes du métier qui ont aussi fait des bonnes choses pour la promotion de tous les éléments que nous cherchons aujourd’hui en tant que pays qui s’exerce dans la démocratie. Je rappelle que c’est dans cet état théocratique du Fouta djallon qu’ils nous a été démontré que les familles cherchaient à régner à tour de rôle. Ils pensaient déjà à l’alternance au pouvoir, parce qu’ils ne voulaient pas qu’un seul s’éternise là. C’est pourquoi il y avait Timbo, la province politique où tout le monde venait pour s’informer ou pour être désigné comme chef d’une localité ou autre.

    L’État théocratique nous a aussi enseigné comment distribuer les rôles dans les différentes provinces. Il y avait par exemple la Province de Kouria qui s’occupait de recevoir les gens des kolladhé qui fuyaient et venaient vers là-bas. C’était le lieu de l’asile politique. Celui qui avait des problèmes politiques courait pour aller se réfugier là pour être sauvé. De l’autre côté, il y avait les vaillants guerriers de l’armée de l’État qui provenaient de la grande province de Labé. Ça veut dire que le Musée du Fouta Djallon a cherché à reconstruire tant bien que mal tout ce passé dans un espace réduit, mais qui permet aux visiteurs de s’informer de ce qui s’est passé il y a des centaines d’années et de se plonger dans ce passé pour voir comment les peuls qui ont attéri ici se sont comportés avec les autres ethnies.

    Le Musée a mené des recherches jusqu’à comprendre que les premiers habitants de la région avaient accueilli les premiers peuls qui sont arrivés. Ils y avait des alliances entre eux. Ils ont vécu ensemble sans problème. Les uns s’occupaient de l’élevage (peuls), les autres s’occupaient de l’agriculture.

    Les peuls musulmans qui sont arrivés par vagues successives après les autres, quand ils ont voulu implanter la ”nouvelle” religion qui était l’islam, il y a eu des heurts. Mais ce n’est pas souvent comme les gens le décrivent. Dire que les peuls ont chassé telle ethnie et telle autre, n’est pas exact . C’était des musulmans face à des gens qui étaient à tout pris pour eux devaient entrer dans une nouvelle ère. Les peuls n’étaient pas contre une ethnie. Ils étaient contre des peuls même qui étaient là et qui n’étaient pas soumis à cette religion. C’est une précision qu’il faut apporter parce que souvent on nous la pose au musée. À savoir pourquoi les peuls ont chassé… ? Non, ils ne sont contre aucune ethnie, au contraire, ils ont fait en sorte que toutes les ethnies cohabitent ici. Je dois rappeler que la personnalité légendaire de Labé, Karamoko Alpha Mo Labé, le fondateur de la ville de Labé, qui était parmi les 9 grands karamoko qui ont fondé l’État théocratique, cet ancêtre a fait en sorte que toutes les ethnies de la sous-région se retrouvent ici à Labé. Quand on parle aujourd’hui de l’unité nationale, il faut exhiber ces bienfaits. Parce que c’est quelqu’un qui est allé ailleurs, et de retour, il a ramené beaucoup de gens qui n’étaient pas de son ethnie peul. Il les considérait tous comme des membres de sa famille parce qu’ils étaient tous des musulmans. Et l’islam dit que tous les musulmans sont des frères. J’exhorte tout le monde de faire autant, parce que si c’est comme ça, personne ne va se sentir lésée. On est ensemble, on vit ensemble, il y a des alliances, des mariages, et chacun se sens à l’aise.

    Entretien réalisé par Aliou BM Diallo, envoyé spécial à Labé

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