Adama Dahico, humoriste de Côté d’ivoire est parrain du festival des arts et du rire (FAR) qui se tient à Labé depuis le 28 avril 2016. Dans un climat doux et avec un langage d’humour, clair et limpide, l’ex candidat à la présidentielle ivoirien , a parlé de l’importance du rire dans une Afrique en perte de repère. Une Afrique minée par des guerres intestines , menacée par le terrorisme.
AFRIKIPRESSE : Pourquoi vous avez accepté de venir faire rire Labé et la Guinée?
Adama Dahico : J’ai accepté de venir à Labé pour plusieurs raisons. D’abord ce n’est pas la première fois que j’arrive en Guinée. Je connais Labé, Kankan, Kouroussa, Kindia, Mamou… Quand mon jeune frère Mamadou Thug m’a dit qu’ils organisent un festival d’humour à Labé, je lui ai dis que la Guinée ce n’est pas seulement Conakry, et qu’il est bon de penser aussi aux villes de l’intérieur parce que le développement doit s’étendre à tous les niveaux. J’ai accepté de venir accompagner cette dynamique. Comme je l’ai dit, c’est un bébé qui naît. On a besoin de tout le monde pour son baptême pour qu’il grandisse et qu’il fasse la fierté pour la famille des humoristes.
La Guinée est un pays que je considère, que j’aime beaucoup. Les Guinéens m’ont aussi adopté. Je vous raconte que j’ai invité “Sow Baïllo” (vieux humoriste guinéen, NDLR) en Côte d’ivoire à l’un de mes festivals. Quand on a quitté l’aéroport pour le Novotel, une fois entré dans sa chambre, il a cherché les toilettes. Il entre dedans sans allumer l’ampoule, et il dit, Aïe, le courant est parti non? J’ai dit non, Sow Baïllo, il faut appuyer le contact parce qu’il y a le courant dans ta chambre, mais ça ce sont les toilettes. (Rire!!!) (…)
Quel avenir pour métier de comédien dans une Afrique sous-développée!
Aujourd’hui l’humour est un art de divertissement, c’est vrai, mais il doit aussi être considéré comme un outil de communication et de sensibilisation ; donc un vecteur de développement. C’est ce que j’ai voulu démontrer en étant candidat à une élection présidentielle en Côte d’Ivoire qu a traversé une dizaine d’années de crise. Il fallait un humoriste pour apaiser les cœurs pour inviter les uns et les autres à la cohésion sociale, parce que seul l’humour, avec des mots justes, forts, peut rappeler aux hommes politiques qu’ils font la politique pour les humains. C’est ce que nous avons démontré. En 2002, il y’a eu coup d’État en Côte d’ivoire, mué en rébellion. Il fallait quelqu’un comme Adama Dahico pour réunir tous les humoristes du pays sur le même plateau pour faire un spectacle qui est passé à la télévision,. Les ivoiriens ont ri, le Président de la République a vu le spectacle et il a compris que les ivoiriens avaient soif de se mettre en crise. C’était un moment très important dans l’histoire de notre pays.
Nous sommes en Côte d’ivoire, et nous suivons de très près ce qui se passe en Guinée. Et le Gouverneur (de Labé) a dit “si le guinéen avait instauré le rire dans son quotidien”, il y’aurait moins de suspicion, moins de méfiance, moins de crainte dans les manières de fonctionner. Le rire c’est important. C’est le rire qui me permet de rouler partout en Côte d’ivoire sans garde corps. Que ce soit le Président Alassane Ouattara, le Colonel x , un cireur, chaque fois qu’on me voit c’est le sourire! Donc je veux vous voir en train de sourire tous! “acclamations et rigolades”.
Que est le regard de l’humoriste Adama Dahico sur le djihadisme ?
Les Djihadistes, vous les connaissez ou vous avez entendu parler d’eux. Moi je les appelle des ennemis de l’humanité. Ce sont des gens qui sont malheureusement mauvais, mais ils ont une part de sincérité. Ça dépend de comment chacun apprécie cette secte. Voici des gens, avant d’arriver dans votre pays, ils vous informent d’abord. Ebola ne vous a pas informé. Il n’a pas dit je viens tel jour à telle heure, prenez vos dispositions! Mais les djihadistes vous diront, ah, dans tous les cas nous allons frapper. Mais où? C’est à vous de prendre vos dispositions, précautions. Les Djihadistes ce sont des artistes, des poètes. Ils ne font pas les choses à l’aveuglette, sans réfléchir. Avant d’arriver à Labé par exemple, ils savent à quelle heure les femmes sont réveillées, à quelle heure elles sont au marché, ils savent que le Gouverneur est dans son bureau… Ils prennent des renseignements.
Partout ces derniers temps où les Djihadistes ont frappé, vous remarquerez que la lettre “B”, lettre du beau, du bien, du bon, comme le bonheur, apparaît. Mais eux, ils donne du malheur. Ils ont frappé au Bataclan (B), en Belgique (B) au Burkina Faso (B), au Bassam (B), à Bamako (B) (rire!!!). Mais quand les béninois ont appris que la lettre “B” est la plus ciblée par les terroristes, ils sont dit non, ils vont revenir à l’ancien nom de leur pays: “Dahomey”. Le Président Sassou Nguesso a vu que Brazzaville c’est la capitale, il a dit, hum! ce n’est pas grave, on va donner Sassou ville. C’est pour vous dire qu’avec l’humour on peut toucher à des problèmes très sensibles, et le message peut aussi passer.
Quels sont selon vous les devoirs d’un humoriste ?
L’humoriste ne doit pas insulter. On peut critiquer, conscientiser, éveiller les consciences, sans toutefois blesser la sensibilité d’autrui. C’est ça le métier d’un humoriste.
Comment Dahico est venu dans le métier de comédien?
C’est par passion que je suis venu dans ce métier. Les gens n’y croyaient pas. Quand j’ai dit à mon père je voulais faire de la comédie un métier, il m’a posé une seule question: “Adama tu as vu quel comédien qui a construis une villa à Cocody? (quartier chique d’Abidjan, NDLR). Je lui ai dit hélas, parmi les comédiens qui commencent et parmi les anciens, je n’en n’ai pas encore vu, mais grâce à vos bénédictions, je serais parmi les premiers de ma génération à avoir une villa à Cocody. C’est pour dire que c’est un combat, un engagement, un amour, une passion. C’est avec tout ça réuni qu’on arrive à braver toutes les difficultés pour réussir. On parle d’Adama Dahico aujourd’hui, mais si je rentre dans certains détails vous allez peut être couler des larmes, même si ce n’est pas aussi alarmant que ça. Je vais juste vous dire que la comédie est un métier noble. Considérez vous comme un maillon essentiel du développement.
Le Président Alpha Condé peut faire un discours, orienter une politique. Mais quand les humoristes ont la possibilité de lui dire M. le Président voila ce que les gens pensent à Labé, dans les autres villes du pays et même ailleurs, quand il regarder ça à la télévision, il ne peut que rire. Et puis ça va l’amener à demander au premier responsable
du projet s’il n’a pas exécuté, ce qu’il a dit.
Moi je l’ai fait avec le Président du Congo Brazzaville, Denis Sassou Nguesso. Il s’est levé pour me saluer parce que j’ai dit des choses importantes dans le rire sur le délestage au Congo. Il s’est retourné en appelant son ministre de l’énergie pour lui demander des explications . Mais depuis, ce qui se passe entre eux, je ne suis pas au courant.
Quels sont les contraintes et les appuis!
Il faut que ces genres d’initiatives soient accompagnées, soutenues par les médias, les hommes qui font le métier de l’humour, et les autorités. Voilà pourquoi je suis content de voir le Gouverneur qui représente le Président de la République parce qu’il va rendre compte ce que nous disons et nous faisons. Il va rendre compte pour mériter son salaire. “rire!!!”
Perspectives?
On a eu la chance d’apprendre à écrire. J’ai eu à publier jusqu’à 4 livres disponibles dans les libraires: “le politirien”, “Adama Dahico en spectacle”, “Adama Dahico en principal”, “Adama Dahico en librairie”. Je suis en train de tourner des vidéos de 52 épisodes qui seront bientôt disponibles sur les écrans des télévisions internationales. En ce moment, je suis en collaboration avec Mamane dans le “Parlement du rire” sur Canal+. Je participe à pas mal d’activités. Et si j’ai laissé les funérailles de Papa Wemba que j’ai présentés moi-même, qui est malheureusement décédé en terre ivoirienne, c’est pour dire que j’accorde aussi une importance capitale à la Guinée. Puisque là où il y a la mort, il y a la vie; et là où il y a la vie, il y a la mort. Nous sommes emmenés à aller là où le destin nous emmène. Je suis venu à Labé pour dire que c’est ensemble que nous allons réunir cette Afrique là.
Par Aliou BM Diallo, envoyé spécial à Labé