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    La chronique du lundi- la question du foncier urbain et du foncier rural en Côte d’Ivoire : ” une source de tensions et de conflits ?”

    La chronique du lundi- la question du foncier urbain et du foncier rural en Côte d’Ivoire : ” une source de tensions et de conflits ?”
    Publié le
    Par
    Christian Gambotti
    Lecture 5 minutes

    La Côte d’Ivoire connaît des difficultés de gestion des droits de propriété, que ce soit dans le domaine du foncier urbain ou du foncier rural. Afin de répondre à ces difficultés en matière de gestion des droits de propriété dans le foncier urbain, un partenariat a été signé, le 18 août 2021, en présence du Premier ministre Patrick Achi,  entre, d’un côté, l’entreprise française IGN-FI et, de l’autre, les  Ministère de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme (MCLU) du Budget et du Portefeuille de l’Etat (MBPE) afin de mettre en place un Système Intégré de Gestion du Foncier Urbain (SIGFU). Quant au foncier rural, il existe un Programme National de Sécurisation Foncière Rurale (PNSFR) financé par la Banque mondiale et l’Union européenne. L’objectif est de réduire de façon drastique le nombre de litiges.

    Pour le Premier ministre, la digitalisation des procédures, va permettre d’accélérer et simplifier les procédures pour la sécurisation du foncier urbain ou rural, Lors d’une cérémonie de présentation des vœux du Nouvel An devant les responsables religieux et les chefs traditionnels, à Abidjan, le Président de la République, Alassane Ouattara, n’avait-il pas déclaré :  « Le foncier reste une source de tensions et de conflits. Il s’agit d’une des questions les plus fondamentales à régler dans les prochains mois » ?

    La question foncière dans le monde urbain

    Depuis plusieurs années, la Côte d’Ivoire rencontre des difficultés dans la gestion du foncier et l’allocation des droits de propriété dans les zones urbaines. On constate d’abord que de nombreux habitants ne possèdent pas les titres de propriété de leur résidence. On découvre ensuite que les règles d’urbanisme ne sont pas respectées, que des lotissements sortent de terre sans autorisation. Cette situation impacte négativement l’économie de la construction avec des conditions difficiles d’accès à la propriété, la multiplication des litiges et un manque à gagner fiscal pour l’Etat. Alors que le taux des crédits accordés par les banques aux particuliers pour le foncier ou l’habitat atteint les 90 % dans les pays européens, il n’est  que de de 6 % en Côte d’Ivoire. Conséquences ; les Ivoiriens rencontrent des difficultés pour accéder à la propriété ; les professionnels du secteur, banquiers et notaires, ne peuvent pas développer leur activité ; le secteur reste peu attractif pour les investisseurs. La mise en place du SIGFU (Système Intégré de Gestion du Foncier Urbain) doit permettre de résoudre les difficultés que rencontrent le gouvernement et les professionnels du secteur dans la gestion du foncier et l’allocation des droits de propriété dans les zones urbaines. Pour les particuliers, il devrait être plus facile accéder à la propriété et entrer en possession du titre de propriété attaché à leur résidence.

    La question foncière dans le monde rural

    La question foncière dans le monde rural en Côte d’Ivoire est, depuis toujours, un enjeu vital pour la paix intérieure et l’unité nationale. Il s’agit d’un sujet particulièrement sensible qui se traduit par des conflits ethniques récurrents et, au moment des élections, une instrumentalisation politique, l’interdiction de propriété s’ajoutant au refus de nationalité. Ce qui était vrai sous Houphouët-Boigny, la nécessité d’accueillir des travailleurs étrangers, notamment dans la « boucle du cacao » qui a cristallisé de multiples conflits, ne l’est plus aujourd’hui. La rareté des terres, la pression démographique d’une population ivoirienne, multipliée par 4 depuis 1960 et les flux migratoires importants exercent une forte pression foncière et entraînent des tensions entre les communautés. Le gouvernement cherche à désamorcer cette bombe avec la mise en œuvre d’une nouvelle loi pour sécuriser les terres rurales. Mais, sur les 23 millions d’hectares de terres du domaine foncier rural, seules 4 % des terres ont été officiellement recensées par l’État en 2017. Deux raisons expliquent ce retard : le droit coutumier et l’instabilité politique qui s’est traduite, lors des conflits, en particulier pendant de la crise post-électorale de 2010-201, par une dépossession des terres que les déplacements des populations ont aggravée. Le cadre légal fixé par la loi de 1998 sur le foncier rural (loi 98-75), qui interdit l’accès à la propriété de terrains aux étrangers qui louent les terres, n’est guère appliqué par des populations pour lesquelles la terre appartient à celui qui la met en valeur. Ainsi, 96 % des terres rurales ne bénéficiant pas de titres fonciers. Les tribunaux, qui sont engorgés par des plaintes qui se multiplient, se retrouvent dans l’incapacité de rendre la justice dans les cas d’occupation, de vente ou d’accaparement de terres illégaux.  

        : Il existe un Programme National de Sécurisation Foncière Rurale (PNSFR) financé par la Banque mondiale et l’Union européenne. Le rôle du PNSFR est de mener des campagnes d’information, enregistrer les demandes de certificats fonciers et les délivrer, délimiter les territoires des villages. Le PNSFR s’appuie sur les autorités traditionnelles que sont les chefs de terre, chefs de villages. Eux seuls détiennent le savoir qui permet de comprendre les problématiques foncières locales et ils sont à même de conduire un dialogue apaisé entre les communautés. L’objectif est, d’ici 2023, de transformer les droits coutumiers sur l’usage du sol en droits de propriété. Est-ce aussi simple, notamment dans certaines zones reculées ? Des obstacles viennent contrarier ce processus de transformation : la complexité et le coût de la procédure, la lenteur administrative, les erreurs dans le traitement des données, le manque de personnel, le fait que, dans un monde rural, l’Histoire et les traditions font que les liens et la cohabitation entre les individus se fondent sur autre chose qu’un texte de loi.

    Le rôle d’un consortium comme le CATEF dans la cohésion sociale

    Le Consortium d’Aménagement Techniques et Fonciers (CATEF) a été créé par Mr Mamadou SANOGO. Les différentes fonctions qu’il a occupées, à très haut niveau, lui ont permis d’acquérir une grande expérience dans le domaine foncier, aussi bien en Côte d’Ivoire qu’à l’international. En servant d’interface entre les particuliers et l’administration sur toutes les problématiques foncières à des fins de sécurisation, Mamadou SANOGO contribue à créer les conditions d’une cohésion sociale plus forte. Il est convaincu que, sur le chemin de la réconciliation, le secteur privé a un rôle essentiel à jouer pour bâtir une Côte d’Ivoire solidaire. Il considère que l’économie, si elle n’est pas une fin en soi, permet de travailler et vivre ensemble, première étape d’une destinée commune.

    Christian GAMBOTTI, Agrégé de l’Université, Président du think tank Afrique & Partage – CEO du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain)Directeur des Collections L’Afrique en Marche, Planète francophone – Directeur de la rédaction du magazine Parlements & Pouvoirs africains.

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