Après avoir organisé trois Sommets, respectivement au Sénégal, en Colombie et en Équateur, après la convocation, le 21 septembre 2021, du Sommet sur les systèmes alimentaires par le Secrétaire Général des Nations Unies, Antonio Guterres, ORU Fogar organise, ces 27 et 28 en octobre 2022, le IVè Sommet des régions sur la sécurité alimentaire et la souveraineté au cours duquel Alain-Richard Donwahi est invité à s’exprimer.
Ce Sommet, qui se tient dans la région de l’Araucanie, au Chili, revêt une double importance : d’abord, l’Amérique latine est un continent qui, depuis une décennie, subit, selon le terme des spécialistes, des « méga-sécheresses » ; ensuite, il est organisé par l’ORU Fogar et par l’Association nationale des Conseillers régionaux du Chili (ANCORE).
Il est important, selon Alain-Richard Donwahi, que la COP 15 soit présente dans les événements que l’ORU Fogar organise. De façon simpliste, on peut dire que la COP 15, conférence des parties onusienne, pense « global », l’ORU Fogar agit « local ». Le Président de la COP 15 fait souvent référence à cette phrase prononcé par René Dubos, en 1972, lors du premier Sommet sur l’Environnement : « Penser global, agir local ».
Agronome, biologiste et écologue français, René Dubos est un esprit visionnaire. Il a aussi participé aux travaux préparatoires du premier Sommet de la Terre qui, lui, s’est tenu à Stockholm, toujours en 1972. Si, en 1972, le concept de développement durable reste encore imprécis, aujourd’hui la conscientisation écologique de tous les acteurs de la société est une réalité face aux menaces qui pèsent sur la planète (dérèglement climatique, sécheresse, dégradation des terres, disparition de la biodiversité).
On pouvait penser, il y a 50 ans, que les écologues, – je préfère ce mot à celui d’« écologiste » concernant René Dubos -, étaient des rêveurs. René Dubos n’est pas un rêveur. Déjà, en 1972, l’urgent, pour lui, est d’agir. Et s’il pense « global », théorisant le développement durable, il propose d’agir « local ».
Ainsi, dans le cadre du chapitre 28 de l’Agenda 21 de Rio, les collectivités territoriales sont appelées à mettre en place un programme qui intègre les principes du développement durable à partir d’un « mécanisme de consultation de la population » et de la mise en œuvre d’initiatives qui se situent aux niveaux administratifs les plus proches des territoires et des populations. Depuis le Sommet de la Terre de Rio de Janeiro (1992) et la signature de la charte d’Aalborg (1994), les territoires sont au cœur du développement durable.
L’ORU Fogar a été créée pour deux raisons : 1) être la voix des gouvernements locaux auprès des parlements et des gouvernements nationaux et dans toutes les instances internationales 2) créer des réseaux afin de croiser les savoirs et diffuser les expériences du développement durable sur les territoires, qui ont réussi et que l’on peut adapter et reproduire. L’association se situe dans le droit fil de l’agenda 21 qui est, au sens strict, un agenda « local » du développement durable avec des initiatives, des actions, des stratégies mises en œuvre par les autorités régionales et locales.
Incorporer la dimension régionale dans la COP 15
Si la COP 15 est appelé la « COP africaine », c’est uniquement parce que cette Convention onusienne des partis sur la sécheresse et la dégradation des terres s’est tenue, pour la première fois, en Afrique sub-saharienne, en Côte d’Ivoire, à Abidjan. Il n’était pas uniquement question de l’Afrique. Les 7 000 participants présents à Abidjan, en provenance de 197 pays, ont travaillé sur un plan d’action planétaire dans deux directions : la restauration d’un milliard d’hectares de terres dégradées d’ici à 2030 et le renforcement de la résilience face à la sécheresse en mesurant l’expansion des zones arides. Mais, tous ont le souci d’incorporer la dimension régionale dans l’agenda de la COP 15.
Le IVe Sommet des Régions sur la Sécurité et la Souveraineté Alimentaires qui se tient au Chili vise à promouvoir la participation des gouvernements régionaux dans la conception et la gestion des politiques de développement durable. L’objectif, face à une réalité complexe dont les causes sont multiples, est de concevoir une gestion intégrée efficace, équitable et durable, dans laquelle les territoires et les populations sont la clé. Une approche globale est certes nécessaire, mais si elle sombre dans une centralisation excessive qui ne respecte pas le territoire, l’environnement et les populations, elle est vouée à l’échec.
Lors de la COP 15, il a été noté que de nombreux gouvernements régionaux ont conduit des actions remarquables et particulièrement efficaces. Depuis sa fondation en 2007, ORU Fogar milite activement pour : 1) exhorter les gouvernements nationaux à incorporer la dimension régionale à leurs agendas 2) soutenir les politiques nationales qui renforcent le niveau régional.3) favoriser les relations transnationales et transfrontières avec la participation de toutes les régions 4) développer la Coopération Régionale entre Nord et Sud.
Une dimension géopolitique ?
La sécurité et la souveraineté alimentaires, en lien avec les préoccupations environnementales, sont évidemment une priorité pour ce IVè Sommet des Régions « Faim zéro ».
La COP 15 partage l’ambition d’ORU Fogar et de l’Association nationale des conseillers régionaux du Chili qui est d’amener le système alimentaire mondial à l’équilibre en mettant la sécurité alimentaire au cœur des débats sur le développement durable et la performance environnementale. La COP 15 et ORU Fogar pensent aussi qu’il faut mettre l’accent sur les territoires les plus fragiles et les populations les plus précaires.
La feuille de route de la COP 15 ne détache pas la performance environnementale des performances économique, sociale et nutritionnelle. Comme l’association ORU Fogar, la COP 15 invite les gouvernements nationaux et la gouvernance mondiale à soutenir les producteurs locaux dans leur stratégie de production, distribution et vente des aliments les plus nutritifs, et à leur assurer un accès aux marchés.
Face à ces défis de sécurité alimentaire et de performance environnementale, est-il possible de reconnaître les terres, l’eau et les produits agricoles comme des biens publics mondiaux, c’est-à-dire des biens universels dont aucun individu ne peut être exclu ? L’exploitation et la préservation de ces biens semblent devoir justifier une action collective internationale.
La guerre en Ukraine a aggravé, au plan mondial, notamment en Afrique, l’insécurité alimentaire, perturbant la logistique et de l’approvisionnement en denrées alimentaires, limitant l’accès aux intrants agricoles et leur disponibilité. L’eau douce entre dans la catégorie des biens publics mondiaux. En Amérique latine et au Chili, comme dans de nombreuses régions du monde, pour Franck Galland, Président d’Environmental Emergency & Security Services et chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique, l’accès à l’eau, un bien hautement symbolique, s’analyse en termes politiques et géopolitiques.
La dimension politique : le monde agricole chilien voit s’affronter une poignée de grandes entreprises et l’immense majorité des petits exploitants confrontés au manque d’eau. La dimension géopolitique : le Chili et la Bolivie s’opposent sur l’exploitation des eaux de la rivière Salala. Ces deux dimensions seront-elles abordées lors du IVè Sommet des Régions « Faim Zéro » ? Pour Alain-Richard Donwahi, « on retrouve dans les questions environnementales tous les marqueurs qui caractérisent les conflits politiques et géopolitiques. Le rôle de la COP 15, qui incarne une gouvernance mondiale, comme celui des gouvernements régionaux, par une collaboration transnationale, est de faire de ces questions un facteur de coopération et de paix. »
Christian GAMBOTTI – Agrégé de l’Université – Président du think tank Afrique & Partage – Président du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches du l’Afrique de Demain) – Directeur général de l’Université de l’Atlantique – Chroniqueur, essayiste, politologue. Contact : cg@afriquepartage.org