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    La chronique du lundi : Côte d’Ivoire, Quel enseignement supérieur pour les populations

    La chronique du lundi : Côte d’Ivoire, Quel enseignement supérieur pour les populations
    Publié le
    Par
    Christian Gambotti
    Lecture 6 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    La démocratisation de l’école, le développement de la scolarisation à tous les étages du système éducatif, la forte démographie et les difficultés des Etats à mobiliser des ressources financières rendent plus aiguës la crise de l’école en Afrique. L’enseignement en Côte d’Ivoire, – et cela est valable pour toute l’Afrique -, est confronté à quatre défis : faire face à la croissance explosive des effectifs ; accroître ses ressources financières ; améliorer la qualité de l’enseignement ; mieux adapter les offres d’éducation et de formation au marché du travail. Pour toutes ces raisons, l’enseignement supérieur, longtemps sacrifié, est, en Côte d’Ivoire, comme dans toute Afrique, un secteur en crise, alors que son apport est primordial dans la production des élites dont le continent a besoin. Autre point important : la crédibilité et le rayonnement à l’international des établissements supérieurs africains est à construire, afin d’éviter cette « fuite des cerveaux » qui pénalise le continent.

    Les défis majeurs de l’enseignement supérieur

    L’enseignement supérieur ivoirien doit accroître ses ressources financières. Seules des ressources suffisantes lui permettront de gérer les effectifs et améliorer la qualité de l’enseignement. L’Etat, aujourd’hui, ne peut pas, seul, financer un coût unitaire par étudiant très élevé. Il est donc nécessaire de trouver des sources de financement à côté du financement régalien. Ces ressources peuvent venir des bailleurs de fonds internationaux et du secteur privé. En février 2018, lors de son déplacement au Sénégal, le Président Français, Emmanuel Macron, s’est engagé, avec le Président sénégalais, Macky Sall, à lever plus de 3 milliards de dollars, afin de financer les politiques d’éducation dans plus de 60 pays émergents, dont la majorité en Afrique. Deux remarques : 1) les besoins réels, dans ce domaine, sont estimés à plus du triple 2) cet engagement a été pris avant la Covid 19, qui fragilise aujourd’hui les économies de tous les pays. En termes d’urgences, l’éducation passe toujours après la santé, la malnutrition, le redressement de l’économie, les mesures sociales et le lutte contre le terrorisme.

    Lire aussi >> La chronique du lundi – sécurité, lutte contre la COVID-19, relance de l’économie : 3 domaines dans lesquels l’Afrique doit trouver un juste équilibre entre aides extérieures et autonomie

    Je vois deux autres aspects dans les défis majeurs que doit relever l’enseignement supérieur ivoirien, d’abord celui de la qualité (formation des enseignants, encadrement pédagogique des étudiants, méthodes d’enseignement) ; ensuite, celui des formations que proposent les établissements d’enseignement supérieur, publics ou privés. Une nation a besoin de savants, d’écrivains, d’artistes, de chercheurs, d’ingénieurs, de médecins, de professeurs, de cadres supérieurs, etc. Elle a besoin aussi, dans tous les secteurs d’activité, de personnes bien formées, cadres moyens, techniciens, etc. Or, actuellement l’enseignement supérieur ivoirien en est réduit à gérer des effectifs de plus en plus nombreux au détriment de la qualité de l’enseignement et de l’orientation. L’orientation est un enjeu majeur. Quelles sont les filières porteuses d’emplois ? Quels sont les secteurs qui recrutent ? Il convient d’adapter l’offre de formation au marché de l’emploi tout en ouvrant des passerelles qui permettent de changer d’orientation. Il convient de développer des filières dans le digital, les énergies renouvelables, l’agriculture, etc. L’enseignement supérieur doit aussi accueillir plus d’étudiantes.

    La place des universités privées dans l’enseignement supérieur

    Deux phénomènes concomitants ont rendu nécessaires l’entrée d’investisseurs privés dans un secteur autrefois réservé à l’Etat : l’arrivée massive d’étudiants dans le supérieur, et des Etats dans l’incapacité de financer des besoins éducatifs de plus en plus importants. Le développement massif d’une offre privée d’enseignement supérieur est une tendance lourde en Afrique. Certains dénoncent cette « marchandisation » de l’enseignement. C’est un faux procès, si l’Etat ne se désengage pas d’une responsabilité majeure : le contrôle des établissements privés et des enseignants qui y travaillent.

    Lire aussi >> La chronique du lundi : Que signifie la fin de Barkhane pour l’Afrique de l’Ouest ? Changement de stratégie ou désengagement de la France, alors que la Côte d’Ivoire est sous la menace du terrorisme djihadiste ?

    La co-production public-privé n’a de sens que si cette co-production ne favorise pas l’émergence, dans le privé, de normes parallèles en contradiction avec les objectifs universels de l’enseignement. De grands groupes privés s’inscrivent dans les normes d’un enseignement de qualité, à la fois dans les contenus, les méthodes et l’encadrement pédagogiques. L’objectif de l’enseignement supérieur privé doit être double : le service rendu à la nation, aux étudiants, à leurs familles et la contribution au rayonnement au plan national et à l’international de l’enseignement supérieur ivoirien. Ce « rendement » de l’enseignement supérieur privé n’a rien à voir avec la « rentabilité », au sens de profit, que recherchent ceux qui « remplissent » des filières offrant peu de possibilités d’emplois pour les étudiants, alors que leurs études sont financées par l’Etat. La « marchandisation » de l’éducation doit être dénoncée, si l’Etat accepte de se désengager, ou refuse d’exercer, de façon efficace, son contrôle sur les établissements privés.

    Accueillir un afflux massif d’étudiants tout en favorisant l’excellence

    En 1970, l’Afrique subsaharienne ne comptait que 400.000 étudiants ; en 2020, ils étaient près de 10 millions ; ils seront plus de 20 millions en 2030. Le défi est immense pour des universités qui ne sont pas prêtes à accueillir cet afflux massif d’étudiants, répondre à la forte demande d’éducation et permettre l’acquisition des compétences dans tous les domaines. Il ne s’agit pas uniquement d’améliorer l’enseignement supérieur par des moyens financiers. Il s’agit aussi de favoriser l’excellence par un enseignement de qualité, engager la responsabilité de chaque institution universitaire dans les résultats qu’elle obtient, développer les partenariats, renforcer la collaboration entre les entreprises (industrie, services) et les institutions universitaires d’enseignement supérieur.

    Historiquement, l’enseignement supérieur est resté le maillon faible du système éducatif en Afrique. Alors que le taux d’accès à l’enseignement supérieur est de 76% dans les pays occidentaux, il dépasse à peine les 18% en Afrique, dont trop peu d’étudiantes encore. La problématique de la qualité de l’enseignement doit être au cœur des préoccupations des universités, car, dans un monde de plus en plus globalisé, les universités sont en concurrence. Une nation a confiance en elle, lorsqu’elle a confiance dans son système éducatif qui est le moteur du développement économique, du progrès social et de l’émancipation des individus, en particulier les femmes.

    Christian GAMBOTTI,
    Agrégé de l’Université,
    Président du think tank Afrique & Partage –
    CEO du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) –
    Directeur des Collections L’Afrique en Marche, Planète francophone –
    Directeur de la rédaction du magazine Parlements & Pouvoirs africains.

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