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    La chronique du lundi- Côte d’Ivoire de l’indépendance politique du 7 août 1960 à l’indépendance économique avec l’entrée dans le XXIè siècle

    La chronique du lundi- Côte d’Ivoire de l’indépendance politique du 7 août 1960 à l’indépendance économique avec l’entrée dans le XXIè siècle
    Publié le
    Par
    Christian Gambotti
    Lecture 6 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    À la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la quasi-totalité de l’Afrique était occupée par les armées alliées et constituée de colonies ou de protectorats. Les grandes figures de la décolonisation de l’Afrique noire, comme Senghor au Sénégal et Houphouët-Boigny en Côte d’Ivoire, s’expriment depuis les années 1945. Des partis nationalistes se créent et s’affirment.

    En 1960, au fil des mois, la plupart des pays d’Afrique noire deviennent indépendants : Cameroun, le 1er janvier ; Togo, le 27 avril ; Mali, le 20 juin ; Dahomey, devenu le Bénin, le 1er août ; Niger, le 3 août ; Haute-Volta, actuellement le Burkina Faso, le 5 août ; Côte d’Ivoire, le 7 août ; Tchad, le 11 août ; République centrafricaine, autrefois l’Oubangui-Chari, le 13 août ; Congo français, l’actuelle République démocratique du Congo, le 15 août ; Gabon, le 17 août ; Sénégal, le 20 août ; Mauritanie, le 28 novembre. La période de la conquête de l’indépendance s’achève. Il faut à présent construire une Afrique nouvelle.

    L’objet de cette Chronique n’est pas de réécrire l’histoire des indépendances en Afrique, mais de montrer la diversité des chemins que vont emprunter de jeunes Etats-nations devenus souverains. Quelle Afrique se dessine au lendemain des indépendances ? Selon quelle voie et quelles références idéologiques ? Faut-il conserver des liens avec la France ou rompre et accomplir une révolution ? Quelle révolution ? Une révolution marxiste ? Nous sommes en pleine période de la « Guerre froide » et l’Occident n’ignore pas les risques de pénétration communiste. C’est donc l’évolution de l’Afrique qui se joue à la fin de l’année 1960.

    Le chemin tracé par Houphouët-Boigny au lendemain de l’indépendance de la Côte d’Ivoire

    Les dirigeants africains des jeunes Etats-nations, à la recherche d’un pouvoir stable, efficace et, surtout, durable, vont s’appuyer sur la structure du parti unique et la forme autoritaire du pouvoir. Une double illusion va se créer : celle de l’unité nationale contre tous les particularismes ; celle de la solidarité de tous les anciens colonisés.

    Convaincus de la nécessité de transformer les conditions économiques du développement, les dirigeants les plus radicaux vont entraîner de nombreux Etats dans l’aventurisme mortifère de la dictature marxiste. Houphouët-Boigny va suivre un autre chemin, celui de la construction de l’indépendance de la Côte d’Ivoire en conservant des liens étroits avec la France, l’ancienne puissance coloniale. En 1946, la France a rebaptisé son empire colonial « Union française », mais elle tient jusqu’au dernier moment un discours à la gloire de son œuvre coloniale, passant sous silence l’existence de mouvements contestataires ou indépendantistes.

    La Guinée sera le seul pays d’Afrique francophone à rejeter la Communauté franco-africaine proposée par de Gaulle ; le pays opte pour l’indépendance en 1958 et instaure un régime socialiste. Houphouët-Boigny, qui a une autre vision prospective de l’Histoire, fait le choix d’une indépendance paisible, « négociée » avec la France. Le président ivoirien crée et utilise, dès 1955, l’expression de Françafrique, afin d’exprimer le souhait de conserver, avec l’ancienne puissance coloniale, des relations privilégiées, qui ne s’arrêtent pas au seul plan économique.

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    S’il revêt aujourd’hui une connotation très péjorative, ce néologisme de Françafrique recouvre, pour Houphouët-Boigny, un sens positif. C’est en conservant des liens privilégiés avec la France que le Père fondateur de la nation ivoirienne entend développer économiquement son pays. On parlera de « miracle ivoirien » pour un pays devenu prospère dans une Afrique minée par la pauvreté et dont les Etats restent, au moment de la « Guerre froide », les jouets des Etats-Unis et de l’URSS. Les deux superpuissances sont plus soucieuses de mener des guerres idéologiques que de développer les pays qu’ils soutiennent.

    La chute du Mur de Berlin, le 9 novembre 1989, et l’effondrement du bloc communiste ne changeront rien à la situation de l’Afrique, montrant ainsi que l’indépendance politique, si elle est un impératif absolu, n’est pas suffisante, les dirigeants africains n’ayant pas les ressources financières suffisantes pour assurer le développement de leurs pays. Une deuxième indépendance est nécessaire : l’indépendance économique.

    L’indépendance économique au moment de l’entrée dans le XXIè siècle : mythe ou réalité

    Au moment de son entrée dans le XXIè siècle, toute l’Afrique évolue, se transforme. Le continent a pris conscience des richesses de son sous-sol, de ses réserves de terres agricoles et des formidables enjeux géopolitiques, géoéconomiques et géostratégiques qu’il représente dans le contexte d’une mondialisation multipolaire. De nombreux pays africains, appliquant les recettes néolibérales, ont su consolider leur économie, connaissant aujourd’hui une deuxième indépendance : l’indépendance économique.

    Cette deuxième indépendance reste à construire par l’industrialisation du continent et une meilleure gestion de ses richesses naturelles En Côte d’Ivoire, depuis son accession au pouvoir en 2011, le Président Alassane Ouattara a su créer les conditions d’une croissance forte et durable, sans laquelle il n’est pas possible de financer, selon la formule du Président Félix Houphouët-Boigny, « un social des plus hardis ». La Côte d’Ivoire est devenue l’un des pays les plus riches d’Afrique de l’Ouest, son potentiel de développement reste énorme.

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    Mais, la célébration du 61è anniversaire de l’indépendance du pays se fait dans un contexte qui est loin d’être festif pour deux raisons : 1) la pandémie de la Covid 19 qui impacte négativement l’économie ivoirienne et les conditions de vie des populations 2) l’augmentation des prix des produits de première nécessité et de grande consommation. La conclusion est évidente : l’euphorie des années 1960 se heurte, tout au long de l’histoire récente de l’Afrique, à deux réalités : l’instabilité politique, qui a longtemps été chronique, et les difficultés économiques avec une croissance qui n’est pas suffisamment inclusive.

    La Côte d’Ivoire incarne véritablement les forces et les faiblesses de cette Afrique nouvelle qui est en train de surgir sous les yeux de la communauté internationale. Si l’indépendance économique de l’Afrique n’est plus un mythe, si elle est devenue une réalité palpable, elle doit, comme la démocratie et la cohésion sociale, se construire tous les jours par l’application des principes de bonne gouvernance et la mise en œuvre d’une croissance plus inclusive.

    Christian GAMBOTTI,
    Agrégé de l’Université,
    Président du think tank Afrique & Partage –
    CEO du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) –
    Directeur des Collections L’Afrique en Marche, Planète francophone –
    Directeur de la rédaction du magazine Parlements & Pouvoirs africains

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