Le gouvernement d’Afrique du Sud a annoncé, le 4 septembre dernier, que le produit intérieur brut du pays avait chuté de 0,7%, alors qu’il devait augmenter de 0,6%. Selon le magazine « Business Insider », la baisse enregistrée au deuxième trimestre fait suite à une contraction de 2,6% de l’économie. C’est officiel: l’Afrique du Sud est en récession, la première depuis une décennie.
Coïncidence ou évidence?
La nouvelle vient peu après la décision controversée du Congrès national africain (ANC) de mettre en œuvre des modifications constitutionnelles permettant à l’État de saisir des terres sans indemnisation (Selon Newsweek, le groupe de défense des droits civils AfriForum affirme que les attaques contre les fermiers blancs se sont multipliées.) L’attaque de l’ANC contre les droits de propriété est-elle à l’origine des problèmes économiques récents du pays? Il est probablement trop tôt pour le dire.
L’article Business Insider ne fait aucune mention des saisies de terres. Il cite une sécheresse dans le Western Cape qui a entravé la performance agricole de la région, ainsi que des baisses d’activité inattendues dans les secteurs du commerce et des transports en Afrique du Sud, en tant que facteurs principaux. Cependant, il convient de souligner que plusieurs observateurs, du Wall Street Journal aux agriculteurs sud-africains eux-mêmes et l’économiste Walter Williams, avaient prédit que la décision de l’Afrique du Sud aurait des conséquences désastreuses.
Le désastre du Zimbabwe
Comme l’ont fait remarquer les analystes de politiques publiques, nous avons déjà vu cela durant le règne désastreux de Robert Mugabe au Zimbabwe. A vrai dire, il y a eu peu de choses à louer dans le règne de près de quatre décennies de Mugabe, surtout sa décision de saisir les terres des propriétaires qui a plongé le Zimbabwe dans la ruine. Le magazine « The Economist », dans un article publié en 2017 peu après sa surprenante éviction, a expliqué que Mugabe avait pris la décision par frustration après que les législateurs eurent rejeté sa proposition de modifier la constitution pour lui donner plus de pouvoir. Après que sa proposition de modification constitutionnelle ait été rejetée, avec 55% de voix contre 45%, il a perdu son sang-froid, déclenchant une campagne inconsidérée d’accaparement des terres. En très peu de temps, l’une des économies les plus avancées d’Afrique s’est effondrée.
Lorsque les recettes fiscales ont chuté en raison de l’absence de cultures d’exportation, M. Mugabe a ordonné au gouverneur de la Banque de réserve du Zimbabwe d’imprimer plus d’argent. Mugabe avait déclaré à l’époque que «L’économie traditionnelle ne s’applique pas pleinement dans ce pays» et d’ajouter : «Je vais imprimer et imprimer, et signer la monnaie… parce que nous avons besoin d’argent.» L’ignorance de Mugabe en matière d’économie de base, appelée « Mugabenomics », a entrainé l’économie du pays dans une forte chute.
Mais ce ne sont que des chiffres. Bob Herbert, dans un article de 2009, intitulé «Le Zimbabwe en train de mourir», décrit de manière frappante les coûts humains. « Si vous voulez voir l’enfer sur terre, allez au Zimbabwe où le fou Robert Mugabe a plongé le pays dans un tel état de ruine que les soins médicaux pour la plupart des habitants ont pratiquement cessé d’exister. L’espérance de vie est maintenant la plus basse du monde: 37 ans pour les hommes et 34 ans pour les femmes. Une épidémie de choléra fait rage. Les gens sont devenus malades avec l’anthrax après avoir mangé la chair en décomposition des animaux morts de la maladie ». Lorsque l’ANC a annoncé sa politique foncière en mars, le Wall Street Journal a prédit que l’idée était susceptible de reproduire l’expérience du Zimbabwe.
Le cœur de toute économie est le droit de propriété
C’est une formule simple, ont expliqué les rédacteurs. Les confiscations de terres déstabilisent les investisseurs. Le secteur agricole ralentit puis s’effondre. Le gouvernement, ayant besoin d’argent, imprime plus d’argent. L’inflation suit, puis arrive l’hyperinflation. Bientôt, une nation jadis prospère tombe dans la pauvreté, ou «l’enfer sur terre», pour reprendre l’expression de Herbert.
Nous ne savons pas encore si la récession en Afrique du Sud est le résultat d’une sécheresse ou de ses saisies de terres mais cela n’a pas d’importance. Nous savons comment l’histoire se termine. Les droits de propriété sont l’un des piliers de la prospérité et d’une économie saine. L’Institut Fraser, qui mesure annuellement le niveau de liberté économique des nations, considère c’est que le coeur de la liberté économique. «La protection des personnes et de leurs biens acquis de manière légitime est un élément central de la liberté économique et de la société civile. En effet, c’est la fonction la plus importante du gouvernement », ont écrit les auteurs dans leur rapport de 2017.
Heureusement, il est encore temps pour l’Afrique du Sud de changer de cap, et les preuves suggèrent que le président Cyril Ramaphosa n’est peut-être pas aussi enthousiaste qu’il pourrait paraître à propos de cette politique. Ben Cousins, titulaire de la chaire de recherche sur la pauvreté, les études foncières et agraires à l’Université du Cap occidental, a récemment déclaré à Newsweek: « Il est clair que Ramaphosa est sous la pression de son propre parti, en particulier des factions alignées sur l’ancien président, Jacob Zuma, ou d’autres factions, et qu’il n’a en fait pas eu beaucoup de choix. Il a été soumis à de fortes pressions. »
La récession inattendue de l’Afrique du Sud sera peut-être l’avertissement dont le pays a besoin. Il est encore temps de rejeter le « Mugabenomics » et d’éviter de subir le même sort que le Zimbabwe.
Jon Meltimore, rédacteur en chef de Fee.org
Article publié en collaboration avec Libre Afrique