L’actualité marquée par l’interpellation de journalistes en Côte d’Ivoire suscite en nous cette petite bonne humeur qui contraste avec les positions tranchées sur la question.
Une culture du mépris et de l’indifférence s’était instaurée dans le pays à l’égard de la presse à travers une série de comportement et de petits commentaires fort méprisants : ” laisser écrire ce sont des menteurs , ce sont des politiciens , de toutes les façons ça ne marche pas leurs journaux, personne ne les lit, ils ne sont pas crédibles , ils sont à la solde des politiques , pas besoin de faire un droit de réponse et de leur donner de l’importance. Ce n’est pas Rfi, Mediapart, Canard enchaîné ou autres, ils vont parler ça ne va pas aller quelque part … “
Hommes politiques, société civile, opérateurs économiques, simples citoyens, chacun y va de son procès contre les journalistes en Côte d’Ivoire présentés comme une race vouée à la disparition, comme forcément coupable dans les crises successives vécues par le pays. On a vu des hommes publics dirent qu’ils ne lisent pas les journaux. Beaucoup ne cachent même pas leur mépris ! Et ceci n’est pas l’apanage d’un seul camp politique ni d’une seule époque . On a bien connu l’expression hypocondriaque écrivant suvie des sorties de Laurent Gbagbo et des autorités actuelles.
Depuis plusieurs années , aussi bien sous Laurent Gbagbo après son instauration, à chaque période de renouvèlement de l’aide sur la presse , des tentatives se font pour que cette aide cesse, pour éviter que son maintien retarde la belle mort – méritée – à laquelle la presse est promise.
Le tableau du mépris et de l’indifférence est bien là et réel, et connu de tous !
Pourquoi alors en vouloir à la justice et au Procureur de la République , lorsqu’au détour de la procédure en cours ils sortent de cette posture de mépris , de cette manière de prendre de haut les médias pour rappeler une chose certaine : des hommes et des femmes de loi , des hommes et des femmes de bon sens , des hommes et femmes intelligents , des hommes et des femmes politiques , des hommes et des femmes puissants, lisent les journaux ivoiriens.
Même si par exemple , en dehors des médias de service public , la presse privée n’a pas souvent eu droit à des interviews exclusives avec le Président de la République , cette procédure du Procureur de la République fait chaud au cœur parce qu’elle rappelle à tous , que les journalistes et journaux en Côte d’Ivoire ne vivent pas que de mépris , et que leur pouvoir de nuisance , de mal malfaisance , mais aussi leur capacité de bonté, d’éducation , de relais de bonne chose et de bienfaisance , sont une réalité prise en compte du côté du pouvoir et des gouvernants qui cherchent à les dompter et apprivoiser , tout en les affublant de tous les noms d’oiseaux !
Dans cette interpellation des journalistes qui devrait prendre fin dans les meilleurs délais , et qui devrait aider à équilibrer la tension ( ou les rapports de forces entre médias et gouvernement) , je préfère choisir le bon côté et retenir cette fin momentanée de la posture de mépris et de l’indifférence , qui empêche de s’asseoir pour trouver des solutions durables aux problèmes de la presse . Pourquoi aider à s’émanciper un contre-pouvoir qu’on n’est pas sûr de dompter totalement ?
La posture du mépris va aussitôt redémarrer quand les confrères sortiront . Puisque personne ne songera à envoyer des droits de réponse aux journalistes , personne ne réagira sur les petits arrangements des médias avec la vérité , personne n’agira sur les manquements divers jusqu’à ce qu’il y ait des fautes jugées graves et rendues justement possibles par le mépris et l’indifférence de tous les jours à l’égard des petites fautes .
Ne doit-on pas demander à Monsieur le Procureur de la République , à toutes ces femmes , à tous ces hommes qui font le procès de la presse dans jamais lire ni acheter les journaux dont les ventes sont en chute libre , d’être sur le dos des médias ivoiriens tous les jours ?
Ne doit-on pas les pousser à sortir du mépris et de l’indifférence parce qu’une telle nouvelle attitude pourrait amener à acheter davantage les journaux , pour mieux leur demander des comptes dans les règles de l’art , loin du tribunal et avec les instruments d’auto-régulation et de régulation , la justice n’intervenant qu’en tout dernier ressort : Unjci-Gepci-Olped- Collège des associations – Cnp ?
Vive donc le Procureur de la République pour que cesse le mépris , l’indifférence et le regard de haut à l’égard des journalistes !
Alice Ouédraogo