Dans cette interview à L’Intelligent d’Abidjan, Jean-Marcel Tapé directeur général de African Village, une structure ayant travaillé avec la Caf et la Fifa dans la gestion des supporteurs, des billets d’avion, à l’occasion des grandes compétitions de football dans le monde, dévoile des recettes pour une organisation réussie en Côte d’Ivoire, de la coupe d’Afrique des nations de football en janvier 2024.
La coupe d’Afrique des nations de football aura lieu du 13 janvier 2024 au 11 février 2024, en Côte d’Ivoire. Dans cet entretien, le Directeur général du Tour opérateur African Village donne les recettes pouvant permettre que cette fête du football africain soit un total succès.
Nous avons appris que votre entreprise African Village, qui est le 1er Tour Opérateur sportif d’Afrique affilié à la FIFA, a déjà sollicité depuis 2021 le Cocan pour participer à la Can 2023 en Côte d’Ivoire. Où en êtes-vous pour la réponse ?
Nous avons compris que notre courrier était peut-être en avance par rapport à la mise en place du Cocan 2023 (Comité d’organisation de la Coupe d’Afrique des nations 2023) parce que quelques mois après notre requête, le président d’alors, Fêh Kessé a été remplacé par le président actuel, le ministre Amichia François. Nous n’avions donc pas eu de réponse durant les quatre premiers mois qui ont suivi la remise dudit courrier. Puis, lorsque le président Amichia François a été nommé, nous lui avons adressé un courrier de félicitation dans lequel nous avions rappelé le premier courrier, qui était celui adressé à son prédécesseur. À la suite de ce courrier, il nous a répondu en disant que le Cocan va traiter notre dossier «avec le plus grand soin» et que nous serions informés «de la suite qui pourra être donnée ». Depuis nous attendons encore.
Avec l’expérience d’African Village qui a fait plusieurs Can ainsi que des coupes du monde, pourquoi n’aviez-vous pas été sollicité pour intégrer le Cocan ?
Je ne connais pas les critères fixés pour être recruté au sein du Cocan mais moi, personnellement, j’ai toujours été quelqu’un de libéral et puis, ce n’est pas pour moi, une obsession d’intégrer le Cocan. Toutefois je sais que de par mon expérience, et à partir de ma position, j’ai toujours accompagné le Cocan dans les différents pays où a lieu cette compétition. J’ai été par exemple, le conseiller du président du Cocan en 2012, en Guinée-équatoriale. J’ai même été celui qui a rédigé le cahier de charge des 11e jeux de Brazzaville. Je pouvais faire la même chose pour la Côte d’Ivoire qui est mon pays, sans forcément être dans le Cocan. C’est pour cela j’ai écrit le courrier dans le but d’éclairer un peu les différentes commissions qui font partie du Cocan afin que dans nos échanges, je puisse apporter mon expertise et mon expérience. J’avais pensé que dès réception de ce courrier, le Cocan aurait pu m’appeler pour des échanges. Peut-être qu’il aurait avancé sur beaucoup de choses pour éviter ce qui vient de se passer, avec le retrait par la CAF de la gestion du Ticketing et l’organisation du service hospitalité. Elle a lancé par la même occasion un appel d’offres pour ces services. Moi j’ai plus de (30) trente ans dans le domaine. J’ai commencé par le bas de l’échelle à la coupe du monde 1990. Je peux dire qu’en Côte d’Ivoire, toute modestie mise à part, après l’ex-président de la Fif et vice-président de la FIFA Jacques Anouma, il n’y a personne en Côte d’Ivoire qui a mon expérience dans ce domaine. Je dis bien personne ! Néanmoins, sans faire partie du Cocan, je peux toujours apporter mon expertise à mon pays pour le succès de la prochaine Can, parce que je garde toujours ma position. Je continue de travailler sur les éventuels problèmes que le Cocan pourrait rencontrer durant cette organisation. Surtout en dehors des services d’infrastructures sur lesquels le Cocan est beaucoup plus concentré. C’est-à-dire, la mise en place des stades et voiries. Ce sont des choses que je n’ai pas besoin de gérer. Il y a tellement de personnes ressources en Côte d’Ivoire pour le faire. Mais l’organisation pratique de l’hospitalité, de la billetterie et des fans zones, ça, c’est mon affaire ! Et j’ai un programme très précis à ce niveau que je suis prêt à tout moment à proposer au Cocan. Mon souhait est que la Can qui va se dérouler chez nous, soit plus belle que les précédentes, depuis la création de la compétition.
Au vu des relations presqu’inexistantes entre le Cocan et vous, peut-on affirmer que la maxime selon laquelle «nul n’est prophète chez soi» résume bien la situation dans laquelle vous êtes, face à l’organisation globale de la prochaine Can dans votre propre pays ?
Après avoir pourtant contribué au succès de quelques éditions passées dans certains pays, oui, c’est ce que je constate. Parce que j’attends des rumeurs çà et là, des rumeurs selon lesquelles je serais indexé par certains membres du Cocan qui disent que tant qu’ils seront au Cocan, African Village n’aura jamais d’accréditation. Ce sont des problèmes de personnes au dessus desquels, je voudrais vraiment être. La Côte d’Ivoire organise une Can et tous ses enfants se doivent d’unir leurs forces pour qu’elle soit la plus belle Can de l’histoire de la Caf. C’est ce que moi je retiens. Je ne prête pas vraiment attention à tous ces bruits de couloirs que j’entends. Les problèmes de personnes ont toujours eu cours en Côte d’Ivoire et c’est ce qui nous tire par le bas. Le monde entier nous regarde. Personne ne comprendra qu’après avoir accompagné la Côte d’Ivoire à la première coupe du monde qui a eu lieu en Afrique, et qu’après avoir participé à toutes les Can jusqu’à ce jour, African Village ne soit pas présente à la Can de la Côte d’Ivoire, le pays du premier responsable que je suis et où il y a son siège depuis sa création en 2009. Face à cette situation, moi, je suis toujours là. Car je suis la meilleure personne à pouvoir vendre cette Can. Voilà une question que les gens ne posent pas. La Can va coûter 1000 (Mille milliards) de Francs Cfa à la Côte d’Ivoire. C’est ce qu’elle a coûté au Cameroun. Mais personne ne s’est posé la question de savoir combien de francs Cfa la Can a rapporté au Cameroun. C’est la question que nous devrions tous nous poser. Combien la Can va nous rapporter ? Et quelles sont les retombées socio-économiques, politiques, culturelles etc.
Vous avez évoqué l’idée d’organiser la plus belle Can ici en Côte d’Ivoire, depuis l’existence de cette compétition en 1957. Mais quels seraient les ingrédients pour parvenir à un tel succès ?
Je pense que c’est la deuxième Can, avec 24 équipes qui va être organisée après celle qui s’est passée au Cameroun. Donc ce qui s’est passé au Cameroun peut nous servir de leçon pour éviter un certain nombre d’incidents qui se sont déroulés au Cameroun. D’abord sur le plan sécuritaire, la tâche noire, a été les morts qu’il y a eu lors des huitièmes de finale du match du Cameroun au stade d’Olembé, à Yaoundé (une bousculade qui avait fait le 24 janvier 2001, lors de ce match contre les Comores, 8 morts et une trentaine de blessés, selon les autorités locales : Ndlr). Ce drame a eu lieu parce que c’est une Can qui a fonctionné malheureusement comme il ne devrait pas. Cela peut être évité ici, en Côte d’Ivoire. Les tickets en vente avaient été confiés à la police. Ça déjà, sur le plan markéting, ce n’est pas bon. Les policiers ne sont pas outillés pour vendre les tickets d’une Can. Cela a sorti les policiers de leur rôle régalien qui est, entre autres, de s’occuper de la sécurité des supporters. Ajouté à cela, le fait qu’il y avait une seule entrée à ce stade de 60 mille places. C’est l’accès sud du stade seulement qui était ouvert. Ce sont des petites choses comme cela auxquelles il faut faire très attention. Et à éviter. Par ailleurs, chez nous, au niveau du stade d’Ebimpé, il y a déjà la différence parce que nous avons quatre zones ouvertes. Maintenant, la deuxième chose regrettable, c’est le politique qui était très impliqué dans le Cocan au Cameroun. Voyez-vous, la seule ville du Cameroun qui possède une plage de disponible n’a pu recevoir de touristes parce qu’il y avait des conflits larvés entre le Cocan, le ministère du Tourisme etc. et certaines Mairies. Tous ceux qui ont fait le déplacement au Cameroun se sont contentés de suivre les matches durant les 90 minutes et de rentrer dans leurs hôtels. Tout simplement parce que le ministère du Tourisme n’a pas été impliqué et il n’y a pas eu un tour opérateur qui a véritablement été mêlé au plan organisationnel de façon véritable. Il n’y avait que le comité d’organisation de la Can présidé par le ministre des Sports. Nous avons senti que c’était 100% sport. Le ministère de la Culture, du Commerce de l’Economie n’ont pas été associés et le divertissement n’a pas été pris en compte. Il n’y avait aucun spécialiste de l’événementiel dans le comité d’organisation et là, ce n’est pas bon. Et c’est l’erreur à ne pas commettre au niveau de la Côte d’Ivoire parce que lorsque je parcours la liste des membres du Cocan de la Côte d’Ivoire, il n’y a aucun spécialiste de l’événementiel parmi eux. Alors que ce sont des choses très importantes. Il faut davantage l’implication du ministère du Tourisme, du ministère du Commerce, du ministère de la Culture, de l’Artisanat, du ministère des Affaires étrangères, de la Jeunesse… pour que chacun donne de sa créativité. Par exemple, les taxis ont eu beaucoup de problèmes au Cameroun parce que les jours des matches, ils n’avaient pas le droit de rouler. Je vous évite beaucoup de choses qui ont entaché la bonne tenue de cette Can. Les 90 minutes dans une Can ont toujours été une réussite parce que c’est ce que les fédérations savent faire de mieux. Ce n’est pas pour cela seulement qu’on donne une Can. On donne une Can pour que tous les secteurs d’activités du pays puissent en profiter. Faire une grosse lumière sur le pays organisateur avec la mise en exergue, de ses potentialités, dans tous les domaines. C’est le plus grand challenge et la Côte d’Ivoire a toutes ces capacités. Je suis heureux qu’une ville comme San-Pedro soit choisie pour abriter l’une des poules de la Can, parce que c’est une cité balnéaire. Mais à notre niveau, nous avons pris des dispositions afin que l’est et l’ouest du pays, les populations vivent pleinement l’événement. Et que tous les artisans de la Côte d’Ivoire puissent en profiter. C’est cela une réussite. Et puis, toutes les mairies de Côte d’Ivoire devraient prendre part à cette Can. C’est très important et c’est ce qui a manqué au Cameroun. Nous ne sommes pas du Cocan, mais nous avons déjà passé des partenariats avec la Sotra, et nous sommes en négociation très poussée avec le Ministère du Tourisme, via Côte d’Ivoire Tourisme afin que nous travaillions ensemble. Nous avons même rencontré l’association des artisans de Côte d’Ivoire afin de mettre en commun nos synergies pour travailler ensemble. Parce qu’il y a ce que le Cocan peut faire, et il y a ce que le Cocan ne peut pas faire.
Quel est l’objectif d’African Village pour la Can TotalEnergies Côte d’Ivoire 2023 qui aura lieu du 13 janvier au 11 février 2024
Faire venir plus de 100 000 supporters fans de foot en Côte d’Ivoire pendant la Can, ce qui ne s’est jamais fait auparavant lors du Can. Mais nous ne pouvons pas parvenir à cela , si nous ne sommes pas accompagnés. Nos partenaires, dont des banques attendant simplement que le Cocan et le ministère des Sports, analysent nos propositions. Nous ne demandons pas d’argent . Nous voulons simplement de l’écoute et un soutien moral, nous voulons de la confiance et une accréditation. Les moyens , nous allons les mobiliser nous-mêmes.
Claude Dassé