Dr Abdoulaye Diallo 57 ans révolu, est médecin de formation. Professeur à la faculté de médecine à l’Université de Conakry, il est PHD à la direction Gastro-entérologie.
Après sa formation en médecine dans l’ex Yougoslavie – actuelle République de Macédoine- à Scopie, il rentre en Guinée en mai 1990 pour se mettre au service de la nation.
Dès son retour, il travaille pendant deux ans à l’hôpital préfectoral de Kouroussa avant de rejoindre la capitale Conakry, le 9 août 1994, à la faculté de médecine à l’Université Gamal Abdel Nasser où il dispense des cours gastro-entérologie.
Durant la même année (30 mai 1994), il fonde une clinique pour, dit-il, prendre sa retraite, responsabiliser ses étudiants et prendre lui-même certaines responsabilités vis-à-vis des malades, approfondir des études, et pour mieux suivre les malades.
“On a une pléthore de malades, d’enseignants et d’étudiants dans nos CHU -centres hospitalo-universitaires-. Ce sont des hôpitaux ré-aménagés en CHU depuis les années 40. Aujourd’hui, même s’il y a l’offre, dans ces conditions, la compréhension est minime. C’est pourquoi on a fondé un cabinet médical”, justifie le médecin.
Au souci de savoir s’il arrive à atteindre les objectifs fixés, Dr Diallo répond : “Ici, je suis le seul médecin responsable du diagnostic du malade; j’ai plus de liberté à apprendre aux étudiants la démarche diagnostique et l’approche thérapeutique. Le diagnostic c’est une démarche. Il faut passer par les moyens de bord. Si le stéréoscope et l’Anamnèse vous permettent de trouver la maladie et d’avoir un remède, vous devez vous arrêter là. etc. Le but ultime est de soigner le plus efficace possible, le moins cher possible et le moins toxique possible”, développe le médecin. Bref, justifie-t-il, “je trouve que j’ai plus de liberté d’exercer chez moi que dans le vacarme prévu pour les CHU”.
À la question de savoir s’il a des équipements adéquats pour assurer les soins de ses patients, il répond:” Je suis Gastro-entérologue. C’est le paludisme, la fièvre typhoïde et la gastrite qui dominent. Ce sont des maladies pas très difficiles à soigner. Donc, la responsabilisation du patient est plus facile. L’approche de la fidélisation du patient à la thérapeutique et au médecin est plus facile”.
Dans ce cabinet médical, situé au deuxième étage d’un immeuble dans un quartier populaire de la haute banlieue de Conakry, Dr Diallo travaille avec certains de ses étudiants, deux infirmiers, un laborantin, et une fille de salle.
Nonobstant certaines contraintes, notamment financières, le médecin se réjouit de la qualité du service, de la fidélité de certains patients et du taux de fréquentation : “Car c’est l’unique moyen pour nous de survivre.”
“La mauvaise gouvernance au niveau de l’hôpital est criarde”
Sur sa vision des dysfonctionnements des structures sanitaires publiques du pays, le Pr d’université impute la responsabilité aux différents gouvernements, et à “tous les domaines, toute la société qui endossent la carence de la mal-gouvernance qui a caractérisé la Guinée depuis l’indépendance.”
Selon lui, il a été privilégié l’idéologie, le fatalisme, le fanatisme, l’élitisme, la responsabilité individuelle, l’Étatisme, le solidarisme à la place de l’efficacité.
“On a bafoué hiérarchie. À la place, on a mis le parti. Il y a un garçon de salle qui gère le parti dans un hôpital. Finalement, le médecin ou la professeur d’université est obligé de venir se courber devant lui pour obtenir la popeline”.
“La seule popeline qui existait comme tissu, et la seule huile qui existait pour manger et le riz, le peu des grains qu’on obtenait du PDG, c’est ce qui a complètement détruit la hiérarchie au niveau de toute la sphère économique, structurelle et sociale de notre pays. Bref, le médecin n’est pas respecté, l’infirmier fait ce qu’il veut, le garçon de salle est capable d’apporter des diagnostics, de consulter des malades, de livrer des ordonnances (alors que ça ne ressort pas de sa compétence). Le manque total de gouvernance au niveau de l’hôpital c’est criard. C’est le désordre total, le manque de responsabilité ; le quotidien est mal géré. Le guinéen a fait qu’on a le complexe. Et les étudiants n’ont pas d’engouement à la recherche, à la science et à la culture. C’est pitoyable parce que les dirigeants ne sont pas la hauteur de leur responsabilité de gérer une nation. Ils sont ignorants et le plus souvent délinquants.”
L’impact du Coup KO de Alpha Condé en 2015 sur la santé?
“Avec l’arrivée du Pr Alpha Condé et son coup KO de 2015, c’est le déchiquetage du tissu social guinéen. Ça se répercute un peu partout. Les étudiants n’ont plus envie d’apprendre. Ils font semblant d’être étudiants. Les enseignants n’ont pas le quotidien réglé. Aucune condition d’épanouissement n’est satisfaite (transports, logement…) pour mettre l’être à l’aise. Quand un homme épanoui, doux et doué, passe devant des étudiants, il fera une belle conférence. Mais dans ces conditions, avec le pléthore des étudiants dans les salles de classe, – notamment en 4ème année médecine ou tu peux trouver jusqu’à 1000 et quelques étudiants-, que peut-on faire ? Il y´a l’absence des règles de recrutement, le changement des programmes, et l’instauration du système LMD -licence-master-doctorat- par suivisme, tout ça fait que notre système éducatif guinéen est complètement désorganisé. Dans ces conditions, sans issue, sans tête, c’est le sauve qui peut!”, s’exclame Dr Abdoulaye Diallo.
Les conséquences, c’est qu’à la sortie de la FAC, “on retrouve sur le marché des pseudo-médecins, des pseudo-ingénieurs, des pseudo-économistes, des gens qui ne sont pas à la hauteur de leurs diplômes, des faux CV”, déplore notre interlocuteur.
Pour trouver un solution adéquate et pérenne à ce phénomène, le Pr d’université prône l’investissement sur la formation.
Ce n’est pas tout, ne trouvant pas une solution ni une alternative de sitôt, Dr Abdoulaye Diallo créé un parti politique : Mouvement pour la Solidarité et le Développement(MSD), qui a pour vision de mobiliser et d’unir en son sein toutes les populations pour la promotion et le développement d’une démocratie véritable, pluraliste sans aucune distinction de sexe, de race, d’appartenance régionale et de religion.
Aliou BM Diallo