Gouvernement , travailleurs et syndicalistes , chacun a contribué à sa façon , à “tuer” la grève des fonctionnaires ivoiriens.
Le gouvernement grâce à sa résilience et à sa fermeté alors qu’on le sentait acculé et qu’on le croyait affaibli et totalement sonné par la mutinerie des soldats ; les leaders syndicaux à cause de leur manque de fermeté vis-à-vis de leurs mandats , les fonctionnaires à cause de leur élan euphorique , qui n’a pas fait penser à la question ” et après la troisième semaine on fait comment si le gouvernement ne recule pas malgré notre détermination et trois semaines de grève “. Tentative d’explication ….
Toute prorogation d’une grève peut-elle se faire en dehors d’une AG ? La seconde de grève des fonctionnaires avait-elle été prorogée en AG ou était une reconduction tacite décidée par le bureau exécutif de la Plate-forme ?
Par ailleurs , même déjà entamée , une grève peut-elle être prorogée sans un nouveau préavis. Au lieu de proroger une grève , ne faut-il pas terminer la grève entamée , puis lancer un nouveau préavis ?
Lorsque le gouvernement ivoirien a brandi la loi samedi soir après la résolution de prorogation de la grève prise par les syndicats , n’est-ce pas à toutes ces observations qu’il faisait allusion ?
Les syndicalistes ne se sont-ils laissé déborder par l’ambiance et l’euphorie de la foule en AG avec les déclarations fortes des grévistes ?
Il n’est pas exclu qu’un petit ” oubli technique ” , ait pesé dans les discussions de dimanche nuit , et ait permis au gouvernement de dire ceci : ” votre grève est désormais illégale, voici ce que les textes disent. Notamment l’ouverture de la discussion qui suspend la grève jusqu’à l’échec des négociations ou la fin des négociations. Ici il n’y a pas d’absence de discussion. Vous ne pouvez donc par poursuivre votre grève ! Par conséquent tout gréviste sera sanctionné “.
Ainsi on aurait remplacé la question de la revendication de l’indice et du stock des arriérés par le paiement des retenues de salaires , sans oublier que les points d’accord n’étaient pas du tout acquis. En effet le gouvernement ne pouvait appliquer aucun des accords obtenus , en dehors de la fin des “hostilités” , les points d’accord obtenus partiels dans les négociations restant caducs.
La revendication serait passée à autre chose !
Par le manque de vigilance des leaders syndicaux , les fonctionnaires allaient être obligés de mener une autre lutte dans la lutte , pour se faire payer les retenues que le gouvernement s’apprêtait à faire.
C’est sans doute là que réside la pression ou la torture ” morale” ( du gouvernement ) sur les leaders syndicaux soucieux de ne pas assumer et de faire endosser leur ” faute technique ” au gouvernement.
Cela dit pourquoi le gouvernement n’a -t-il pas encouragé ses interlocuteurs à agir dans les règles de l’art ?
Ou bien pourquoi les syndicalistes eux-mêmes n’ont-ils pas – en lieu et place d’une déclaration télévisée – exigé de convoquer une nouvelle AG extraordinaire en urgence pour lundi en vue de demander un vote de confiance , de plaider la suspension de la grève ou proposer le cas échéant leur démission en ces termes : ” faites-vous confiance, faites-nous confiance, suspendons la grève , donnons-nous les chances du dialogue. Si le gouvernement ne saisit pas la main tendue , ne prend pas acte de notre bonne volonté , nous reviendrons vers vous et il ne sera pas tard. Si nous échouons nous démissionnerons “.
Entre la confiance à des leaders qui font déjà la preuve de leur courage d’une part , et d’autre part la désignation de nouveaux responsables , le “peuple” des fonctionnaires aurait-il eu le choix , même s’ils sont nombreux à avoir sous-estimé la résilience du gouvernement , en restant très convaincus – à tort à mon avis – que ce gouvernement aurait cédé au cours de la dernière semaine de grève ?
Ce qui n’était pas sûr aux yeux des leaders syndicalistes , qui au contact des autorités ont pu estimer qu’il n’en était rien.
Le gouvernement ne paraissait pas tout à fait aux abois ni en position de faiblesse aux yeux des responsables syndicaux. D’ailleurs en quittant la primature vendredi soir , ceux-ci semblaient favorables à la reprise du travail . Comment ne pas dans ces conditions ne pas savoir reculer pour mieux sauter ?
Mais ces leaders qui n’ont pas eu le leadership nécessaire pour convaincre les leurs au cours de l’AG du samedi , n’ont pas voulu prendre le pari de tenter cela à nouveau où se démettre en cas d’échec.
Ils ont fait le choix de la déclaration télé. Ils n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes, et assumer au lieu de chercher des échappatoires. Ils en sortiraient plus grandi car dans ce pays , des gens comme Gbagbo et Sangaré, des prisonniers et des exilés sont là pour montrer qu’aucune bastonnade, aucune pression d’un pouvoir ne peut avoir raison d’une conviction. Aujourd’hui c’est les exemples connus et cités , mais hier d’autres acteurs politiques et syndicaux ont résisté aux pressions des régime Houphouet, Bedie , Guei et Gbagbo.
Mais les fonctionnaires ont bien les responsables syndicaux qu’ils méritent !
La grève se joue souvent à de petites choses !
Enfin ce n’est pas la moindre des choses dans les causes qui ont “tué” la grève : autant un parti politique ne maîtrise tous ses militants et il y’a des indépendants ou des dissidents , autant des fonctionnaires de bonne foi , avaient commencé à se poser des questions. Sans être des traites à la cause ni des militants du Rdr , ils n’étaient pas dans la posture de l’intransigeance. Comme les autres populations subissant la grève , ces fonctionnaires avaient leurs enfants à la maison , leurs parents malades stressés et angoissés …..
Cela dit , les travailleurs ne doivent pas oublier qu’officiellement la grève est levée même en l’absence de l’AG.
La défiance de la part des fonctionnaires à l’égard de leurs leaders syndicaux , ou le préalable de l’AG ne peut pas s’imposer au gouvernement , qui pourrait sanctionner les grévistes ?
Alice Ouédraogo
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