Le mardi 8 mai 2018, des familles ont été expulsées de leurs maisons à Cocody-Danga Bel Air, suite à une mise en demeure de la Société ivoirienne Construction et de Gestion Immobilière (Sicogi).
[ « Les choses ne se sont pas faites dans les normes», selon le porte-parole des familles expulsées ]
Bambara Laurent, président de l’Association des résidents de Cocody-Danga Bel Air déplore cette expulsion : « Nous avons tout fait pour demander à la SICOGI de mettre balle à terre, mais ses responsables ne voulaient rien comprendre. Ce n’est pas juste ce qu’ils ont fait. Ils ont refusé toute discussion en fermant tous les canaux de rencontre. Nous trouvons cette décision injuste et inhumaine. Je ne sais vraiment pas quel mot employer, pour que vous mesuriez le degré de notre peine, et de notre douleur. On jette dehors comme des chiens, des familles entières qui ont fait presque 60 ans dans une maison. Parmi nous, il y a des personnes âgées malades, qui ne savent pas où aller, et qui dormiront dehors aujourd’hui. Sans compter la centaine d’enfants qui vont à l’école. Nous avons appelé le DG de la SICOGI, Monsieur Bouaké pour lui dire qu’il y a des vieilles personnes parmi nous donc, qu’il mette balle à terre, mais il n’a jamais voulu entendre raison. Il n’a pas voulu trouver de solution. Même hier (lundi 7 mai 2018 : Ndlr) j’étais au siège de la SICOGI pour encore leur parler, surtout du cas des enfants et des vieillards. Ce, d’autant plus qu’il est bien mentionné dans l’accord qui nous lie, que si la SICOGI veut récupérer le site sur lequel nous sommes depuis près de 60 ans, elle doit nous reloger, ce qu’elle n’a pas respecté. La SICOGI ne nous a jamais relogés et ses responsables font croire le contraire. Nous nous sommes évertués à expliquer cela à la Justice qui a pourtant donné raison à la SICOGI. La justice en Côte d’Ivoire n’existe pas. C’est une Justice qui n’existe que pour le gouvernement qui est en place, parce que tout ce qui est l’État gagne toujours. Il faut dire la vérité, nous n’avons pas de justice ici ».
[ Les explications de la SICOGI ]
Fofana Bouaké, Directeur Général de l’entreprise mise en cause, réplique : « Lorsque nous avons rencontré les 77 locataires, parmi lesquels 33 sont allés au tribunal, nous avons proposé des mesures d’accompagnement en nous appuyant sur les coûts de loyer à 60 mille francs Cfa . Car, il est clair que pour se loger à Abidjan, il n’y a plus de loyer à 2000 Frs, 5000 Fr, voire 10 mille francs ; non ça n’existe plus ! Nous avons donc retenu 60mille francs, et c’est sur cette base que nous avons défini les mesures d’accompagnement. Nous avons estimé, de Cocody Danga, jusqu’à leur nouveau site, le coût du transport pour le déménagement à 100 mille francs. Sur la base d’un loyer de 60 mille francs, nous avons estimé qu’ils devraient s’abonner à la CIE et la SODECI, et nous avons prévu un coût pour cela. Nous avons également estimé qu’ils allaient payer une caution de 3 mois et nous les avons accompagnés pour 6 mois de loyer. Tout cela faisait exactement 960 mille francs Cfa que nous avons décidé d’arrondir à 1 million de nos francs. Et parmi les 77 locataires, il y en a 44 qui ont approuvé cet accord. On payait 560 mille francs dès qu’ils signaient le protocole, et dès qu’ils venaient pour nous remettre les clés pour nous dire que « nous sommes partis du site », on payait le complément qui est de 440 mille frs CFA. Ceux qui ont signé ont reçu les avances, et ceux qui ont remis les clés ont reçu la totalité de la somme qui est d’un million. Les 33 autres locataires naturellement n’ont pas reçu de mesure d’accompagnement. Ils sont allés au Tribunal, et ont épuisé toutes les voies de recours judiciaires, ce qui nous a coûté d’énormes frais. Ceux-là n’ont donc pas eu de mesure d’accompagnement. Ce matin ( 8 mai 2018, Ndlr ), le déguerpissement est en cours ».
S’appuyant sur l’article 1er de l’arrêté interministériel n° 27 MCU/ MEFP du 16 janvier 1995, définissant les modalités pratiques de gestion du patrimoine immobilier locatif de la SICOGI, qui stipule : ‘’Les logements de la Société Ivoirienne de Construction et de Gestion Immobilière en location simple, à l’exception de ceux situés dans les quartiers à rénover, sont cédés à leurs locataires’’, le patron de la SICOGI a affirmé avoir fait les choses dans les normes. Bouaké Fofana a poursuivi en disant que lorsque l’État a décidé de vendre le patrimoine locatif, il a exclu certains sites qui devaient faire l’objet de rénovation, et que Cocody-Danga fait partie des sites à rénover.
« On voulait récupérer ces terrains depuis longtemps, mais nos partenaires disaient que s’il est occupé, ce n’est pas la peine ; cette fois-ci chose faite. Nous avons respecté toutes les procédures. Les choses se sont faites dans les normes », a assuré Fofana Bouaké .
Claude Dassé