Les Djihadistes qui sèment la terreur sur le continent et à travers le monde font peur à toutes les opinions. La Guinée, située en Afrique de l’ouest ne fait pas exception de cette menace. Même si pour l’heure, aucune attaque terroriste n’a été orchestrée sur son sol , les autorités à tous les niveaux s’activent pour prévenir et sécuriser les citoyens. Dans la région de Labé, en Moyenne-Guinée, des dispositions drastiques sont prises par les autorités régionales. Pour en parler, Afrikipresse a interrogé Sadou Kéita, Gouverneur de la région de Labé. Entretien !
AFRIKIPRESSE : Le terrorisme est devenu un phénomène mondial, et la Guinée n’est pas à l’abri de ce danger. Comment vous organisez-vous à Labé pour faire face au djihadisme ?
Sadou Kéita : Le ministre de l’administration nous a envoyé une lettre nous informant que nous sommes sur cette liste rouge des djihadistes, nous avons aussitôt organisé une réunion de sécurité qui a mobilisé l’ensemble des responsables des services de défense et de sécurité. Nous avons analysé la situation de la région et envisagé des dispositions.
À priori, nous avons indexé les prières de vendredi et les lieux de grandes mobilisations où nous avons régulièrement une sécurité présente. Toutes les prières de vendredi à la grande Mosquée de Labé sont fortement sécurisées par des hommes qui sont préparés à l’effet de regarder toutes les personnes susceptibles de porter une arme contre la population.
Pour les grandes mobilisations, nous avons aussi demandé que nous soyons régulièrement informés et qu’il y ait là, toujours une force de sécurité présente. À tous les hôtels aussi, on a demandé à la police de désigner des inspecteurs qui vont contrôler les entrées et les sorties. Nous avons invité les responsables des hôtels de savoir qui est rentré à l’hôtel, quel est l’objectif de son séjour ? Quel est le document qu’il porte ? Quel est le temps de son séjour ? Avec l’inspecteur de police, nous pensons que ce contrôle va être permanent et strict.
Est-ce que ce contrôle a déjà commencé ou bien quand commence-t-il quand ?
En principe , ce contrôle a déjà commencé. Si je prends le cas de l’hôtel Safatou (centre-ville), avant même qu’on se prédispose à le faire, le directeur de cet établissement est venu nous demander à ce qu’on lui désigne deux agents pour l’aider à contrôler les lieux. Le directeur régional de police leur a envoyé celui qui doit être avec eux afin de nous rapporter chaque jour ce qui s’y passe, et faire comprendre au directeur de l’hôtel ce qui se passe pour qu’ensemble on prend des dispositions.
Pour l’instant, je puis vous assurer que nous n’avons pas de souci.
Au niveau du marché aussi, l’Administrateur et tous ceux qui travaillent avec nous sont préparés. À cet effet, nous avons convoqué les conseillers communaux, les chefs des quartiers, les chefs des secteurs, les notabilités locales et les organisations de la société civile pour qu’ensemble on partage les inquiétudes et les dispositions.
À notre niveau, nous avons estimé, celui qui vient, il ne vit pas dans l’air, sur les arbres. Il est certainement dans une maison, dans une case, dans une concession qui abrite une famille, la famille qui est dans un secteur, le secteur est dans un quartier, et le quartier est dans une commune. Donc, les citoyens sont sensibles qu’une attaque djihadiste peut produire des effets nocifs. Ça peut emporter de nombreuses vies humaines. Alors, je voudrai que chacun soit vigilant.
Nous ramenons des dispositions révolutionnaires en ce moment là parce que ce sont des dispositions utiles. Je rappelle qu’avant 1984, tout citoyen qui devait entrer dans un quartier devait se présenter au chef de quartier et celui-ci remontait les informations au niveau des autorités supérieures. Ce qui fait qu’il y avait un contrôle systématique sur les mouvements des personnes dans les villes. Donc ce qui sécurisait le citoyen lui-même. Aujourd’hui nous avons expliqué le même système aux autorités décentralisées et à la société civile pour que nous renforcions ensemble la vigilance. Ce, pour pouvoir maîtriser ceux qui viennent pour faire du mal dans notre région. Nous restons très vigilants et nous contrôlons pour le moment la situation.
Est-ce qu’aujourd’hui vous avez les moyens pour la mise œuvre de votre politique ?
Il ne faut pas attendre les moyens pour la sécurité des populations. On ne peut pas attendre qu’on nous envoie des millions et des millions pour parler de vigilance ou bien pour amener deux ou trois policiers dans un hôtel. Si non, nous risquons d’être pris dans un piège. On ne prendra aucune disposition, et ce moyen va retarder, surtout quand on connaît la situation économique du pays. La situation économique actuelle impose à chacun de nous des sacrifices (…) Il ne faut pas attendre qu’il y ait 10 morts, 20 ou 50 morts pour se dire levons-nous pour aller à l’encontre du terrorisme. Il faut donc inscrire la région dans la prévention. Et je suis certain qu’on va réussir.
Le terrorisme ou la djihadisme est souvent collé à l’islam notamment au wahhabisme. Quelles sont les mesures que vous envisagez par rapport aux femmes qui postent le voile intégrale ?
Dans nos prévention, nous avons pris une disposition qui a été partout commentée comme si nous ne soutenons pas la laïcité de l’État. Non ! Justement, avec les Wahhabistes, nous avons appelé leur coordination, pour leur dire écoutez, on a eu au Tchad des gens qui portent le voile, et en dessous, ils ont des armes. Donc, sous la protection de ce voile, ils vont causer assez de dégâts soit dans des marchés, dans des banques ou en des lieux très fréquentés.
On a dit désormais, on a la malchance que la route internationale Conakry-Labé-Dakar traverse notre camp militaire. Et c’est la force la plus importante, alors toute personne qui traverserait ce camp-là devait se dévoiler ou dévoiler son visage. Ce n’est pas ôter son habit du voile, mais qu’on sache qui passe par le camp. Il ne faudrait pas que les gens utilisent ce voile pour faire du mal.
Et toute fréquentation de ces femmes voilées dans les bureaux administratifs et dans les services de sécurité impose que la personne qui vient, dévoile son visage pour qu’elle puisse fréquenter ces lieux. Cette mesure n’est pas du tout méchante. On n’a pas besoin de savoir comment la personne va marcher après le bureau du Gouverneur, du préfet ou de la police. Ça ne nous intéresse pas, mais on a besoin de savoir avec qui on parle, qui est dans nos locaux. C’est aussi simple que ça. On a pris cette disposition et jusqu’à maintenant, ça marche.
Les services de sécurité que vous avez mis sur les différents lieux sont-ils mieux formés pour faire face aux djihadistes qui, eux sont formés pour tuer et/ou se faire tuer ?
Vous savez, c’est comme Ebola en Guinée. Le virus est rentré, on n’était pas prêt. Nos structures sanitaires étaient faiblement équipées. Ebola est venu ravager. Si on savait qu’Ebola devait venir, on aurait pris ces dispositions. Mais quand Ebola est venu, il ne fallait pas attendre qu’on construise des structures sanitaires bien équipées pour lutter.
Aujourd’hui nous sommes face à une situation qui n’était pas planifiée. On ne savait pas qu’un jour que les djihadistes seraient rentrés. Mais on savait que le pays peut être attaqué par des ennemis de l’extérieur. Donc on renforce les frontières, on envoie beaucoup d’effectifs, on équipe ces effectifs pour que notre territoire soit défendu. Mais les Djihadistes n’étaient inscrits dans ça. Et alors on utilise les moyens de bord pour contrôler la situation: les policiers, les militaires. Parce que là, ce n’est pas un problème de maintien d’ordre pour dire que le militaire ne va pas intervenir. Je suis certain, si on prend quelqu’un dans notre piège, on n’aura pas besoin d’attendre cette formation pour le mettre à la disposition de la hiérarchie afin qu’il soit sanctionné.
Il faut reconnaître qu’on a besoin d’effectifs suffisants, mais il ne faut pas attendre les effectifs pour prendre des dispositions. Nous avons sollicité des moyens, et il faut ensuite former les gens dans le cadre de la lutte contre les terroristes. Toutefois, on est en train d’exercer tout avant cette formation.
Réalisée par Aliou BM Diallo, envoyé spécial à Labé