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    Entreprenariat en Afrique : 2 exemples et 1 concept pour tout comprendre*

    Entreprenariat en Afrique : 2 exemples et 1 concept pour tout comprendre*
    Publié le
    Par
    Charles Kouassi
    Lecture 4 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    Le discours sur l’Afrique est aujourd’hui construit à travers le prisme de l’économie. Deux exemples et un concept montrent à quel point ce discours tend à s’affranchir des réalités politiques africaines, afin de bâtir le mythe de l’Eldorado africain.

    Premier exemple : le livre Entreprenante Afrique, co-écrit par Jean-Michel Severino et Jérémy Hajdenberg et publié chez Odile Jacob. Ce livre témoigne de l’élan entrepreneurial qui gagne l’Afrique Sub-saharienne à travers l’exemple de femmes et d’hommes qui, à la tête de PME, sont en train d’écrire l’histoire économique et sociale d’une nouvelle Afrique. Il s’agit bien, dans ce livre, de PME. L’approche est particulièrement intéressante, car on parle toujours des grandes entreprises internationales et des énormes contratsdans des secteurs comme l’eau, l’énergie, le traitement des déchets, le bâtiment ou les infrastructures économiques. Or, l’Afrique a besoin aussi de créer un réseau dense de PME qui permettront au plus grand nombre, en particulier les femmes et les jeunes, de sortir de l’économie informelle. N’oublions pas que 450 millions de jeunes vont accéder au marché du travail durant les trente prochaines années.

    Deuxième exemple : les Choiseul Africa Summits. L’Institut Choiseul est un think tank indépendant dédié, entre autre, à l’analyse de la gouvernance économique mondiale. La notoriété de l’Institut Choiseul lui permet de publier, chaque année, un classement qui fait autorité des acteurs de l’économie africaine qui ont moins de moins de 40 ans : le Choiseul 100 Africa, devenu un véritable identificateur de talents. L’Afrique évolue, son économie change sous l’impulsion des nouvelles générations reconnues au plan international, comme en témoignent les Choiseul AfricaSummits organisés chaque année (Paris, Marrakech, Le Caire). Le 15 mai 2017, le Vè Choiseul Africa Summit réunira à Alger plus de 350 acteurs de l’économie africaine. Tous s’attachent à bâtir l’Afrique d’aujourd’hui et à imaginer celle de demain, une Afrique débarrassée des pesanteurs du monde ancien.

    Un concept : l’émergence. L’Afrique s’inscrit dans ce vaste mouvement d’émergence qui caractérise une partie du monde aujourd’hui. Le mot « émergence » est devenu une espèce de « mot-totem » qu’il suffirait de prononcer pour que s’éclaire de façon radieuse l’avenir de l’Afrique et des populations africaines. Une conférence internationale vient de se tenir à Abidjan sur le thème de l’émergence en Afrique avec une réflexion sur les plans de mise en œuvre de l’émergence. Pour Alassane Ouattara, la question de l’émergence ne s’arrête pas à l’objectif d’atteindre une croissance forte et durable. Depuis 10 ans, la Côte d’Ivoire connaît une croissance forte. Tous les voyants de l’économie, avant la crise du cacao, étaient au vert. Mais, 1 Ivoirien sur 2 continue de vivre en dessous du seuil de pauvreté. L’émergence suppose donc une transformation radicale des économies africaines, afin d’aller vers : a) vers la création d’emplois dans l’économie formelle b) une croissance plus inclusive. Cela suppose une industrie de transformation des matières premières, ce que peu de pays africains peuvent prétendre atteindre. La Côte d’Ivoire commence à transformer son cacao sur place. L’Ethiopie, dans le domaine du textile, est en passe de devenir l’atelier industriel du monde. .

    La volonté politique au service du développement de l’économie : l’économie peut-elle se développer sans une volonté politique forte ? Evidemment, non. Tout est une question de volonté politique. Après une décennie de crises graves (2000-2010), la Côte d’Ivoire, sous l’impulsion du Président Ouattara, connaît une décennie « glorieuse » (2010-2020) qui en fait le fer de lance de l’économie de l’Afrique de l’Ouest. En Ethiopie, l’actuel Premier ministre Haile Mariam Dessalegn poursuit une politique très volontariste. Cette politique permet à l’Ethiopie de connaître un des plus forts taux de croissance d’Afrique et du monde, à raison de 10,6% de moyenne annuelle entre 2004 et 2011. L’Ethiopie, qui fait désormais partie de la poignée de pays régulièrement cités parmi les grands émergents, s’est inspirée du modèle du capitalisme d’Etat interventionniste et développementaliste, un modèle classique qui a permis la réussite des « Tigres » d’Asie, en particulier la Corée du Sud. En revanche, les exemples d’Etats africains faillis (Gabon, RDC, Congo-Brazzaville, etc.) nous montrent que l’économie ne peut pas se développer sans une transformation radicale de la sphère politique et l’abandon du vieux capitalisme d’Etat, autoritaire et bureaucratique, longtemps porté par des grandes entreprises publiques devenues un frein à l’innovation. .

    L’émergence économique est d’abord une question de volonté politique

    Constater que le marché intérieur grandit du fait de l’accroissement de la population et de l’émergence d’une classe moyenne, constater l’amélioration du climat des affairesqui permet aux entreprises de mieux se développer, constater l’évolution du commerce extérieur facilitant les échangesentre pays africains, constater l’intérêt grandissant des entreprises étrangères pour investir en Afrique et s’y délocaliser, n’est pas suffisant. Le futur de l’Afrique, qui n’est pas encore écrit, passe par la stabilité politique et la volonté du pouvoir d’accompagner la dynamique entrepreneuriale. L’émergence économique est d’abord une question de volonté politique.

    Christian Gambotti
    Directeur général de l’Institut Choiseul (Paris, Abidjan)
    Prochain livre à paraître : L’Afrique aujourd’hui – Au-delà des clichés (juin 2017).

    *Ce texte paraît simultanément sur les sites AFRIKI PRESSE et POLITIK AFRIQUE.INFO.

     

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