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    Entre les Émirats et l’Arabie, un « je t’aime moi non plus » économique et diplomatique

    Entre les Émirats et l’Arabie, un « je t’aime moi non plus » économique et diplomatique
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    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    Officiellement, tout va bien entre Riyadh et Abu Dhabi. Officiellement. Car en coulisses, le royaume et l’émirat se livrent à une concurrence sans merci dans de nombreux domaines, chacun avec ses forces et ses failles.  

    Leur rivalité remonte à l’époque des pères fondateurs, le roi Fayçal et le sheikh Khalifa bin Zayed. L’Arabie saoudite et les Émirats Arabes Unis, tous deux issus de l’empire britannique, ont d’abord eu du mal à reconnaître l’existence l’un de l’autre. Aujourd’hui, ils ont du mal à accorder leurs violons dans une région – la péninsule arabique – qui a pourtant besoin de stabilité et de cohérence. Les deux pays rêvent de prendre le leadership de la région. À tous les niveaux, tant sécuritaire, économique que diplomatique.  

    Un statu quo précaire  

    Un article récent du journal américain The Wall Street Journal dresse un tableau exhaustif des sources de tension entre l’Arabie Saoudite du prince Mohammed Ben Salman – connu sous le diminutif de MBS – et son petit voisin émirati, présidé par Mohammed Ben Zayed  – alias MBZ. Les deux hommes, tout puissants sur la destinée de leur État, doivent aujourd’hui s’accommoder de la présence de l’autre. Ces dernières années, les tensions étaient multiples et dépassaient même leur voisinage direct. La guerre au Yémen a laissé des traces : pendant huit ans, ce pays a vécu au rythme d’une guerre civile qui a fait 400000 morts selon l’ONU, les forces loyalistes étant soutenues par une coalition menée par l’Arabie et soutenue par les Émirats, devenus très impatients de se sortir du bourbier saoudien. En avril dernier, MBS a finalement mis un terme au conflit et a pu en sortir grandi. Une victoire diplomatique pour le jeune prince aux dents longues qui cherchait également à faire oublier la sordide affaire Jamal Khashoggi, journaliste assassiné et débité en morceaux à l’ambassade saoudienne à Istanbul, en octobre 2018.  

    En réalité, entre Riyadh et Abu Dhabi, les liens sont complexes. Alliés face au Qatar lors du blocus imposé par l’Arabie Saoudite contre Doha – blocus qui a duré plus de trois ans –, les deux pays ont toujours du mal à accorder leur partition. En coulisses, les petites phrases fusent régulièrement et se retrouvent dans les colonnes des journaux locaux et occidentaux : tantôt alliés, tantôt rivaux, les deux acteurs tentent de profiter des ouvertures qui se proposent à eux. Côté alliance, Riyadh et Abu Dhabi font front commun face à l’Iran chiite. Côté désamour, nous avons pu voir un bel exemple sur la scène diplomatique lors du retour en grâce du dictateur syrien Bachar el-Assad à la Ligue Arabe, aux bons soins des Émirats Arabes Unis. L’Arabie, elle, avait préféré bouder la réunion des dirigeants arabes consacrée à la Syrie en janvier dernier.  

    Depuis, un autre conflit est venu de se rajouter sur la liste : celui du Soudan, où l’Arabie soutient les loyalistes du Conseil de souveraineté de transition et où les Émirats soutiennent Forces de soutien rapide du général renégat Mohamed Hamdan Dogolo, aux côtés du groupe paramilitaire russe Wagner. Sans compter sur d’autres dossiers comme le grand-écart de politique au niveau de l’OPEP et de la production de barils de pétrole, ou les choix stratégiques divergents concernant le rapprochement avec la Chine ou la Russie. Bref, les motifs de tensions sont nombreux.  

    Reste l’allié commun, les États-Unis qui semblent en net recul sur le front diplomatique moyen-oriental depuis la conclusion – sous l’ère Trump – des accords d’Abraham destinés à normaliser les relations entre les pays arabes et Israël. Dans la région, les Émirats Arabes Unis ont répondu présents en premier. Le dossier est actuellement sur le bureau de MBS qui devrait bientôt suivre la tendance. « MBS et MBZ sont deux personnes très ambitieuses qui veulent être des acteurs incontournables de la région et des acteurs, avance un responsable de l’Administration Biden dans le Wall Street JournalÀ un certain niveau, ils collaborent toujours. Maintenant, aucun des deux ne semble à l’aise avec le fait que l’autre soit sur le même piédestal. Dans l’ensemble, cela ne nous aide pas qu’ils soient à la gorge l’un de l’autre. » Bref, rien n’est joué et tout pourrait à nouveau basculer dans la guerre d’égo des deux dirigeants.  

    Offensive de charme saoudienne vs. Dérives émiraties

    Longtemps, l’Arabie Saoudite a regardé avec envie son petit voisin, capable de diversifier son économie en développant, entre autres, son industrie touristique. Depuis l’avènement de MBS, l’Arabie a sorti l’artillerie lourde pour atténuer, à terme, sa dépendance au pétrole. Partant de loin sur ce terrain, elle s’est lancée corps et âme dans une grande opération séduction vis-à-vis de l’Occident. D’abord par le sport. En 2021, l’Arabie a racheté le club historique britannique de Newcastle, avant que les clubs saoudiens ne se lancent ces derniers mois dans une incroyable campagne d’achat de stars de football avec Ronaldo, Karim Benzema, Ngolo Kanté… Mais cette stratégie n’est que la partie émergée de l’iceberg du soft power saoudien actuellement à l’œuvre. La visite récente du prince héritier, fin juin sur le tapis rouge de l’Élysée, en est une bonne illustration.  

    C’est un fait : malgré ses casseroles et ses extravagances, MBS est en train de faire parler de son pays. En bien. Capable de financer ses grands projets en fonds propres, il attire également de nombreux investissements. Son projet-phare – appelé Vision 2030, avec entre autres la cité futuriste de Neom – va demander à la fois des expertises que les Saoudiens n’ont pas, mais aussi des fonds provenant du monde entier. « D’ici la fin de la décennie, des besoins d’investissements de plus de 3000 milliards d’euros auront été créés dans le royaume », a annoncé le ministre des Investissements Khaled al-Faleh en marge du sommet franco-saoudien à Paris en juin. La France et ses entreprises auront leur part à jouer.  

    À Abu Dhabi et Dubaï – les deux cœurs battants des Émirats –, la grimace est amère face à l’offensive de charme du voisin saoudien. D’autant que l’émirat de Dubaï est touché depuis plusieurs mois par des scandales financiers, entre autres liés au trafic de drogue et au blanchiment de l’argent investi dans l’immobilier par les oligarques russes touchés par les sanctions occidentales. Entre les Pandora Papers en 2021 qui ont révélé le « paradis du blanchiment » que représente Dubaï, les saisies records de cocaïne en 2022 et le dossier Dubai Uncovered en 2023 sur les investissements des mafieux russes, les années se suivent et se ressemblent : on ne parle plus des Émirats que dans la rubrique faits divers ou pour les dernières frasques des stars de télé-réalité expatriés sous le soleil bling-bling émirati.  

    Si l’Arabie et les Émirats continuent de se partager les investissements étrangers dans la région et de faire cavalier seul sur différents dossier diplomatico-économique, la bataille de l’image est elle aussi essentielle pour les deux États. Et à ce petit jeu, les Émirats sont en train de perdre gros à cause d’une réputation sulfureuse de Dubaï de plus en plus difficile à cacher.  

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