Un diagnostic sur la sécurité en Guinée, réalisé en 2014 fait un état des lieux des perceptions des résidents et de leurs attentes sur les prestations policières à Conakry.
L’étude a pu être menée par le gouvernement guinéen avec l’appui de CIVIPOL, de l’Union européenne et du PNUD-Guinée. Ce diagnostic local de sécurité couvre trois communes de Conakry (Matam, Ratoma et Matoto) ainsi que la ville de N’Zérékoré.
Il a été réalisé à partir de plus de 5 000 entretiens à l’aide d’une application “KoBo” sur des smartphones , d’entretiens avec les chefs de quartier des zones étudiées ainsi que des éléments statistiques mis à disposition par la police nationale et la gendarmerie.
Le rapport consulté par Afrikipresse s’articule autour de six principaux thèmes: “-des analyses de l’urbanisation et la criminalité, -la prévalence de la victimisation, les quartiers sensibles et hot spots, les profils des victimes et les périodes de crime, -les perceptions et attentes de la population, -le genre et la sécurité, -les jeunes et la sécurité et -le rôle des chefs de quartier dans la gestion de la sécurité”.
Sur la question de l’enregistrement des plaintes et l’accueil des victimes, le rapport de 278 pages révèle que le dépôt de plainte ne va pas de soi en Guinée. Des faits délictuels graves, vols à main armée et même surtout de simples cambriolages , ne font pas ou peu l’objet de plaintes dans les commissariats.
“Seuls 14.2 % des cambriolages et 23.2 % des agressions sont dénoncés à la police ou à la gendarmerie. Ne sont portés à connaissance de la police nationale, selon le sondage, que 8 % des cambriolages et 8.9 % des agressions. En comparaison, les chefs de quartiers ont connaissance de 11.8 % des cambriolages et de 9.1 % des agressions. Bien souvent, les délits ne sont tout simplement jamais dénoncés (environ 50 % des cas) : 60 % des cambriolages et des violences sexuelles et 50 % des agressions ne font l’objet d’aucune dénonciation. Ce sont surtout les plus nantis qui s’adressent aux forces de sécurité publique (police ou gendarmerie) pour dénoncer un délit. Ainsi, lorsqu’ils dénoncent un cambriolage ou une agression, 52.3 % des foyers aisés le dénoncent à la police alors que seulement 27 % des foyers les plus pauvres le font”, développe le document.
Mais si d’aventure une plainte est déposée à la police, encore faut-il que cette dernière l’enregistre. Il s’avère que dans la pratique la police n’enregistre que très rarement les plaintes contre X. Si l’auteur n’est pas identifié au démarrage de l’enquête par la victime ou des témoins, il y a peu de chances que la plainte soit dûment enregistrée et se retrouve, par la suite, dans d’éventuelles statistiques criminelles. Si donc 8 % environ des cambriolages sont dénoncés par les victimes à la police, cela ne signifie pas que les registres des plaintes en portent la trace. Il faut pour cela un auteur identifié. Cette situation engendre des frustrations auprès du public et explique en partie le très faible pourcentage de plaignants satisfaits du traitement de leur plainte : 73.2 % des victimes ayant déposé plainte pour cambriolage auprès de la police se déclarent insatisfaites du traitement donné à leur plainte et 61.8 % se déclarent insatisfaits du traitement par la police de leur plainte pour agression. La raison principale évoquée par les insatisfaits du traitement d’une plainte pour cambriolage , est que la police n’a pas arrêté ou retrouvé les voleurs (33.9 %).
La Police: une institution au service de la population
La police est au service de la population. Elle est confrontée au quotidien à des situations variées dont les protagonistes ne sont pas toujours bien disposés. La question de l’égalité de traitement par la police demeure une attente forte de la part de la population. “C’est même le principal ressort de l’image de la police”, note le rapport.
L’image de la police est un phénomène complexe qui résulte de situations, d’attentes, d’expériences ou encore d’opinions, ajoute-t-on.
L’opinion selon laquelle la police n’est pas impartiale est l’un des deux facteurs qui expliquent le mieux l’image médiocre dont elle bénéficie .
“Ceux qui pensent que la police n’est pas impartiale sont 28.4 % à avoir une mauvaise image de la police ; ceux, en revanche, qui jugent que la police est impartiale sont 51.5 % à avoir une bonne image de la police. Pratiquement 60 % des Guinéens interrogés estiment que la police n’est pas impartiale et plus de la moitié d’entre eux avancent pour motif une police qui privilégie les nantis. On sait également que les plus pauvres, qui redoutent justement que la police et le système judiciaire ne leur sera pas favorable, dénoncent moins à la police et s’adressent plutôt aux chefs de quartier pour dénoncer un délit”, lit-on dans le document.
L’étude a été publiée par COGINTA, une organisation non gouvernementale basée à Genève, Suisse, qui fournit une assistance technique en matière de gouvernance du secteur de la sécurité, de réformes policières et de sécurité communautaire dans les pays en situation de fragilité et/ou de sortie de crise.
Synthèse de Aliou BM Diallo