Les cinq chefs États des pays du G5 Sahel (Mauritanie, Burkina Faso, Niger, Tchad et Mali) se sont réunis ce lundi 13 janvier 2020 à Pau, dans le sud de la France(Pyrénées-Atlantiques) à l’invitation du président Emmanuel Macron à l’effet d’éclairer le cadre d’intervention militaire et d’accompagnement politique de la guerre au Sahel.
« Voulez-vous qu’on y soit ou pas » ?
Voilà la principale interrogation à laquelle devraientrépondre les chefs d’États des pays du G5 Sahel réunis ce lundi à Pau face à une montée du sentiment anti-français au Mali et au Burkina Faso ces derniers mois.
En effet, pour l’opinion africaine, il est inacceptable que, malgré la présence de toute la puissance de feu de la France (4500 soldats de la force Barkhane), de la force onusienne (Minusma), des forces africaines du G5 Sahel, les extrémistes continuent de semer mort et désolation. En un mois ce sont plus de 160 soldats tués au Niger.
Mais face à une absence de solution concertée entre les pays du G5 Sahel avant la tenue de ce sommet, mais aussi entre les pays du G5 sahel et les autres organisations internationales et sous-régionales, il étaitclair que cette revendication ne puisse pas prospérer à Pau.
Au contraire, le sommet de Pau a donné une légitimité à l’opération française au Sahel.
« Nous avons échoué, il faut une réponse claire et rapide à la lutte contre le terrorisme dans le Sahel » a dit Roch Christian Marc Kaboré du Burkina Faso, président en exercice du G5 Sahel. Pour y remédier un schéma nouveau a été défini.
Il s’agira désormais pour les pays du G5 Sahel et de la France de coordonner l’ensemble des opérations des différentes forces sur le terrain avec pour priorité, la lutte contre l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) et Ansarul Islamique dans la région des trois frontières (Mali, Burkina, Niger). L’armée Tchadienne devrait mobiliser davantage de soldats dans cette région. La Mauritanie restera concentrée sur le fuseau ouest, à la frontière mauritano-malienne.
Le deuxième pilier de ce nouveau schéma sera le renforcement des capacités des armées nationales et le partage de renseignement. Le troisième pilier concerne la restauration de l’autorité de l’État avec le retour des populations déplacées, l’ouverture des centres de santé et des écoles ect. Et enfin, le développement avec des projets structurants et une aide conséquente des pays développés.
Emmanuel Macron : « Nous quitterons les pays qui le demandent notre départ »
Répondant à la question « pourquoi la France est au Sahel » Emmanuel Macron a dit: « C’est pour lutter contre le terrorisme. Nous sommes au Sahel en guerre contre les groupes armés terroristes qui frappent les populations. Nous sommes aussi là pour permettre aux États Sahéliens d’assumer leur pleine souveraineté sur leur territoire. Et aujourd’hui à travers la déclaration que nous adoptons, les chefs d’États du G5 Sahel ont exprimé leur souhait de la poursuite de l’engagement militaire de la France à travers Barkhane, des forces européennes et de tous les alliés dans le cadre de cette coalition. Secondo, nous avons clarifié les objectifs qui sont à la fois militaires et politiques. Pour atteindre l’objectif militaire, nous mettrons en place un commandement militaire conjoint entre Barkhane et la force du G5 Sahel qui sera concentré sur la zone centre ».
Il faut savoir qu’en plus de cet état-major conjoint du dispositif Barkhane et du G5 Sahel, qui pourrait être basé à N’Djamena, quartier général de la force Barkhane, la France a proposé un commandement unifié (coalition pour le Sahel) que devrait piloter le nouveau dispositif ‘’Takouba’’, composé des forces spéciales européennes et destinées à la formation et l’appui logistique des unités d’élite sahélienne. Enfin en plus des 4500 soldats français présents dans le cadre de Barkhane, Emmanuel Macron a annoncé l’arrivée de 220 autres militaires français en renfort.
Aux africains qui ne sont pas convaincus de la sincérité de la France au sahel lorsqu’elle parle de lutter contre le terrorisme, Macron a dit : « L’armée française est présente au Mali à la demande de l’État Malien. Malheureusement il est impossible de couvrir toute l’étendue du Sahel. Aussi les drames qu’on a souvent le sont dans les campements loin des théâtres des opérations avec des effets de surprise. Et pour moi, il faut plus de Barkhane pour qu’on ait moins de massacre. Mais aussi, à chaque fois qu’un État demandera à l’armée française de ne plus être là, nous quitterons. J’entends beaucoup de gens et beaucoup de choses sur les réseaux sociaux. Demandez-vous par qui ces gens sont payés et quels intérêts ils servent. Soit, ils servent les groupes terroristes, soit d’autres puissances étrangères qui veulent voir les Européens plus loin, parce qu’ils ont un agenda de mercenaire. Il faut que ces gens-là nous disent qui se fait tuer pour leurs enfants. Pour la sécurité des maliens, des nigériens, des burkinabè, des soldats français sont morts. Et je le fais en conscience quand je décide de les envoyer là-bas »a réagi Macron qui a qualifié d’indigne les discours de haine et autres anti-français sur le continent africain.
Sur les promesses des partenaires européens pour le financement de la lutte contre le terrorisme, Roch Christian Kaboré a dit : « Nous avons des chiffres contradictoires au niveau des promesses et leurs décaissements. Une prochaine rencontre nous dira qu’est-ce que nous avons reçu concernant le matériel et le coût. Il faut savoir que l’union européenne a déjà contribué pour 420 millions d’euros, l’union africaine pour 2,5 millions de dollars et les Emirats arabes-Unis ont déjà décaissé une partie des 4 millions d’euros promis. Reste l’Arabie Saoudite qui avait promis à hauteur de 100 millions d’euros », a fait savoir Roch Christian Kaboré.
Lire aussi >> Sommet du G5 Sahel à Pau : voici l’intégralité de la déclaration conjointe
Le sommet était prévu le 16 décembre 2019, peu avant le déplacement de Macron à Abidjan. Il avait été reporté après l’attaque du 11 décembre des terroristes faisant 71 morts au Niger dans le camp d’Inatès.
Rappelons que ce lundi 13 janvier à 15h (heure de Paris) les chefs d’États ont pris part à une cérémonie d’hommage avec le dépôt de gerbe de fleur commun sur la tombe des 7 soldats français issus du 5eme régiment d’hélicoptère de combat (RHC) de Pau, parmi les 13 militaires français de la force Barkhane tués le 26 novembre 2016 au Mali.
Un huis clos entre Emmanuel Macron et les cinq chefs États du G5Sahel a eu lieu avant d’être élargi aux chefs- États-Majors des différents pays et forces militaires présentes au sahel, mais également au secrétaire général de l’ONU, Antonio Guteres, au président de la commission de l’union africaine, à l’OIF et l’UE. Après la déclaration conjointe à la presse, un dîner a été offert par le président français à ses hôtes.
Philippe Kouhon