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    EBOLA : Est-il opportun de rouvrir les frontières ?

    EBOLA : Est-il opportun de rouvrir les frontières ?
    Publié le
    Par
    Charles Kouassi
    Lecture 10 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    La libre opinion d’un journaliste consultant ivoirien qui répond aux critiques des pays voisins contre Ouattara 

    Lorsque le président Ouattara déclare :’’Dès la semaine prochaine (la semaine du lundi 05  au dimanche 12 octobre), nous reprenons le trafic aérien avec nos voisins’’, le président du Conseil des Guinéens de Côte d’Ivoire (El Hadj Sekou Kaba) réagit :’’Nous souhaitons une ouverture totale des frontières’’. On comprend, par langage diplomatique (‘’nous souhaitons’’), le représentant guinéen exprime son insatisfaction à propos de la décision du président ivoirien.

    Mais il n’est pas seul : il y autres d’autres critiques qui sont formulées avec moins de diplomatie. En effet, avant le président des Guinéens de Côte d’Ivoire,le ministre sierra-léonais de la Défense (Brownie Samukai) et le président Alpha Condé lui-même (Guinée) avaient formulé des ‘’critiques’’ contre les ‘’pays voisins’’ (dont la Côte d’Ivoire et le Sénégal) qui ont ‘’fermé leurs frontières’’, leur imposant ainsi un  ‘’isolement forcé’’.

    Et ce n’est pas tout : avant le président des Guinéens de Côte d’Ivoire, le président Alpha Condé et l’UA et le ministre sierra-léonais de la Défense, il y avait déjà la communauté internationale (ONU, UA , CEDEAO, OMS) qui avaient recommandé ‘’la réouverture des frontières’’, et même après El Hadj Sekou Kaba, un Conseiller de la Présidence du Libéria (Abdulaye Dukure) vient de critiquer, en des termes très sévères, le pays d’Alassane Ouattara :’’Malgré les assurances des uns et des autres, la Côte d’Ivoire refuse toujours de décider de la réouverture de ses frontières et a choisi de prendre des mesures draconiennes, disproportionnées, allant interdire l’entrée de son territoire à toute personne ayant transité par la Guinée, la Sierra Leone et le Libéria’’. Ajoutant que ‘’le pays d’Houphouët-Boigny se place ainsi à la tête des pays les moins solidaires de la sous-région’’.

    L’ingratitude des Ivoiriens ?

    Et le conseiller de la Présidence libérienne ne s’est pas arrêté là, il enfonce le clou, accusant la Côte d’Ivoire d’ingratitude :’’Pourtant, il y a trois ans, la rébellion utilisait le territoire ivoirien pour lancer des attaques contre la Côte d’Ivoire, le Libéria n’avait pas hésité à fermer ses frontières et a élaboré un dispositif de surveillance militaire qui a permis d’arrêter les chefs de guerre qui commanditaient les attaques. Nous les avons remis à la Côte d’Ivoire (…). Aujourd’hui, dans un geste de panique touchant à l’hystérie, les Ivoiriens ont été les premiers à tourner le dos à leurs frères libériens. Ce n’est pas honteux, c’est tout simplement inhumain’’ (voir Jeune Afrique du 28 Septembre 2014).

    Nous comprenons ces sentiments de colère et de haine de ce conseiller de la Présidence libérienne, sentiments qui, sans doute, sont ceux de la majorité de la population de ces pays frères. En effet, nous avons déjà dit : ces fermetures ont des conséquences énormes sur ces pays dont ‘’l’isolement physique et psychologue’’ qui se pose en terme de ‘’non assistance à peuples en danger’’. Sur le plan économique, ces pays vivent une sorte de ‘’blocus’’ qui est à tous points de vue plus mortel que le virus lui-même ! Car les échanges sont interrompus, ce qui cause une crise économique grave. Et sur le plan psychologique et médical, les malades, se sentant abandonnés, meurent de leur isolement – ou de l’absence de médicaments du fait du blocus – plus que du virus Ebola !

    Mesures préventives

    Mais Abdulaye Dukure (comme les autres) doit se calmer pour mieux juger les mesures ivoiriennes. Celles-ci sont certes ‘’dures’’ et douloureuses, mais elles s’expliquent aisément. En gros, ces ‘’mesures d’urgence’’ de la Côte d’Ivoire ont pour but d’empêcher que le virus Ebola, comparé à ‘’un feu de brousse qui ravage tout sur son passage’’, n’arrive en Côte d’Ivoire et, au-delà, se propager pour dévaster l’Afrique de l’Ouest, voire toute l’Afrique ! On n’a qu’à voir comment cette épidémie s’est propagée dans les trois pays de l’Afrique de l’Ouest (Guinée, Liberia, Sierra Leone).

    En effet, selon une étude, la fièvre à virus Ebola a fait son apparition d’abord en Sierra Leone, dans un petit village nommé Méliandu (près de la frontière guinéenne) où un petit garçon de 12 ans a été touché. Ensuite, presque tout le village a été infecté. Et les malades, traversant la frontière pour aller se faire soigner (chez un guérisseur dans le village de Sokoma), ont répandu la fièvre hémorragique en Guinée…

    On le voit, la transmission de cette maladie dangereuse est si facile ! Et comme pour le moment il n’y a pas de médicament, on met l’accent sur les ‘’mesures préventives’’, parmi lesquelles les ‘’fermetures des frontières’’. Certes, ces mesures, pour les pays concernés, sont douloureuses à tous points de vue : économique, humain, etc., mais peut-on faire autrement ? Comme dit Bruno Koné, porte-parole du gouvernement ivoirien, ‘’C’est un choix douloureux (…),mais entre l’ouverture des frontières et avoir un cas d’Ebola, et la fermeture des frontières pour ne pas avoir de cas d’Ebola en Côte d’Ivoire, nous préférons le dernier choix. Mais nous faisons tout pour ne pas isoler complètement ces pays’’. D’où ‘’l’ouverture des ‘’couloirs humanitaires’’ et ‘’le rétablissement du trafic aérien’’ avec ces pays !

    ‘’Précautions internes’’

    En tout cas, en attendant des solutions plus idoines (la découverte des vaccins ou autres médicaments), ces mesures provisoires, sans être des solutions idéales, sont loin d’être ‘’honteuses et inhumaines’’ (n’en déplaise à Abdulaye Dukure).Des mesures provisoires pour stopper, en l’absence de médicament, et dans un premier temps, l’avancée de l’ouragan dévastateur !

    D’ailleurs, à l’intérieur même des pays touchés (Guinée, Sierra Leone, Liberia), des ‘’mesures d’isolement’’ ont  été prises pour éviter la propagation du virus dans tout le pays : fermeture des écoles, état d’urgence, mise en quarantaine des villages et des quartiers, et même fermeture des frontières, etc. pour, dit-on,‘’réduire les risques de propagation et contenir l’épidémie sur leur territoire’’.Il y a même en Sierra Leone, la vice-ministre de la Santé qui vient de prendre la décision de ‘’se  mettre en quarantaine’’ (elle et ses collaborateurs), après la mort d’Ebola de l’un d’eux. Alors ?  

    Les réactions de Abdulaye Dukure et autres nous rappellent cette ‘’philosophie africaine’’ fondée sur le ‘’nivellement par le bas’’. Comme me disait un jour un ami, en Afrique, s’il y a une grande inondation, et qu’un homme réussit à monter sur un arbre, l’autre qui ne peut pas monter, s’il il y a une scie à portée de la main, il sciera l’arbre afin que tous deux soient dans l’eau ! Ainsi, pendant longtemps dans certaines traditions, lorsqu’un roi vient à passer de vie à trépas, on tue souvent sa ‘’plus jeune épouse’’ – et aussi des esclaves – pour ‘’l’accompagner’’ ! Souvent, il est vrai, avec le ‘’consentement’’ de la victime : c’est un ‘’honneur de ‘’porter les bagages du roi pour le voyage de l’au-delà !’’. Encore que certaines ‘’épouses rebelles’’ qui ont compris l’esprit d’aberration de cette tradition, enfreignent la loi en prenant la poudre d’escampette lorsqu’elles sentent l’irréparable pointer à l’horizon. Mais plus écœurant est l’assassinat des ‘’innocents’’ pour jouer le même rôle : ‘’accompagner le roi défunt’’ !

    Les assurances de Johnson-Sirleaf

    Ainsi, demander ici et maintenant la ‘’réouverture totale’’ des frontières avec les pays atteints d’Ebola, c’est vouloir ‘’partager le virus mortel avec ses voisins’’. Pourquoi mourraient-ils seuls ? Selon les nouvelles qui nous parviennent, lasituation dans ces pays est toujours ‘’hors contrôle’’, malgré les assurances que tente de donner la présidente du Liberia, Ellen Johnson-Sirleaf :’’Même si la capitale Monrovia est particulièrement touchée par le virus, nous constatons une légère baisse du nombre de personnes qui se rendent dans des centres de traitement’’, a-t-elle déclaré le mercredi 1er Octobre à France 24, avant d’indiquer que ‘’le pays est en bonne voie d’éradiquer l’épidémie’’. Mais en attendant, que doivent faire les pays voisins ?

    Nous croyons que ce qu’il convient de faire dans l’état actuel de l’épidémie, c’est d’abord ce que fait la Côte d’Ivoire : ‘’Ouverture des couloirs humanitaires’’ et ‘’rétablissement des trafics aériens’’ dans le but de‘’manifester notre amour pour nos frères en détresse’’, notre solidarité avec les pays affectés. Le gouvernement, par la voix de son porte-parole, explique :’’Le 28 août dernier à Accra, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a demandé l’ouverture des frontières. Mais, en lieu et place de cette recommandation, la Côte d’Ivoire a opté pour la mise en place de ‘’couloirs humanitaires’’. C’est un choix qui est un peu douloureux, parce que nous gênons certaines personnes au regard du principe de la ‘’libre circulation des personnes et des biens ‘’. Mais, entre l’ouverture des frontières et avoir un cas d’Ebola, nous préférons cette chaîne dont l’objectif est d’éviter le premier cas d’Ebola en Côte d’Ivoire, d’une part, et de ne pas isoler complètement ces pays, d’autre part’’, a expliqué Bruno Koné qui a ajouté que ‘’l’objectif des couloirs humanitaires est de permettre la circulation pour des raisons médicales et (même) commerciales’’.

    Preuve de solidarité

    Enfin, Ebola tue et la fermeture des frontières est l’une des mesures dont disposent pour l’heure les pays limitrophes pour se protéger. Il ne faudrait pas que, sous prétexte ‘’d’humanisme africain’’, tous les Africains soient exposés pour s’offrir tous en holocaustes ! Voilà pourquoi les mesures de la fermeture des frontières par certains voisins des pays touchés par la fièvre hémorragique à virus Ebola sont bien appréciées par les populations nationales.

    Ce qui est cependant possible, c’est que la fièvre Ebola qui a été déclarée une ‘’urgence mondiale’’ par l’ONU et l’OMS, doit être une occasion pour les Africains de manifester un peu plus, envers les pays atteints, cette ‘’solidarité africaine’’ dont on nous a trop souvent rebattu les oreilles : à défaut de leur apporter des ‘’vaccins anti-Ebola’’ (mais comment pouvons-nous apporter des vaccins si les Occidentaux n’ont rien encore trouvé ?), nous pouvons mener des‘’actions humanitaires’’ : faire des ‘’dons’’ (vivres et non vivres) en direction de ces pays atteints. Le mal n’arrive pas qu’aux autres. Quand on voit des ‘’villages ou quartiers mis en quarantaine’’ en Sierra-Leone ou au Liberia, il y a de quoi avoir des frissons. Ayons de la compassion de ceux qui souffrent (Job 6 : 14). Et sur ce point, je suis fier du président Ouattara qui a révélé l’autre jour que la contribution de la Côte d’Ivoire au ‘’Fonds de soutien’’ de la CEDEAO s’élève déjà à un (1) million de dollars (faites le calcul).

    Enfin, la question : Faut-il rouvrir les frontières maintenant ? Répondre par ‘’oui’’, c’est, à notre avis, être irresponsable. Voilà un virus à ‘’100% mortel’’qui se transmet par ‘’contact’. Ouvrir donc les frontières, c’est favoriser l’entrée du virus d’Ebola sur le territoire, et donc créer les conditions de la contamination. Mais pour l’heure, ayons de la compassion envers nos frères atteints. La fièvre Ebola, ce n’est pas que pour les autres. A bon entendeur…salut.

    Par K.K. MAN JUSU, Journaliste-Consultant

    kkmanjusu@yahoo.fr / kinimojacques50@gmail.comn

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