La disparition d’un journaliste reporter d’images (JRI) à Espace TV préoccupe la corporation, sa famille et son équipe. Chérif Diallo, âgé d’une trentaine d’années a disparu depuis plus d’une semaine. Des enquêtes sont ouvertes, mais pour l’heure, aucune nouvelle de sa part. Afrikipresse.fr a tendu son micro au directeur général d’Espace TV, Moussa Moïse Sylla. Entretien !
Afrikipresse : Quand avez-vous perdu de vue Chérif Diallo et dans quel état ?
Chérif Diallo est journaliste reporter d’images à Espace TV. Il fait partie des jeunes assez engagés dans le travail. Pendant cette période des vacances, il a décidé de ne pas rester à la maison, alors qu’il avait droit à quelques jours de repos. Le jeudi 23 juillet dernier, Chérif est venu à la maison de la presse couvrir une conférence. Il est rentré à Espace TV. Il a monté et rendu son élément aux alentours de 19 heures en confiant à ses amis qu’il doit rompre le jeune à la maison.
C’est ce qu’il avait fait, parce qu’il avait été vu par certains des membres de sa famille à Kipé (banlieue de Conakry). Et de là, il s’est rendu à l’Université Réné Levesque où il donnait des cours. La fondatrice de cette Université est sa tante. Là-bas, il avait rendez-vous avec 4 amis avec lesquels il travaillait sur un projet d’impression d’affiches publicitaires au compte de la fondatrice de l’Université.
Lui et ses amis ne se seraient pas entendus autour du pourcentage. Donc, à l’issue d’une vive altercation, le matériel informatique avec lequel le travail aurait dû être fait a été embarqué en partie par ses amis qui sont allés. Quelques minutes après, Chérif les a suivis sur sa moto. Et depuis, nous n’avons aucune nouvelle. Tout ça s’est déroulé entre 20 H et 22 heures, le jeudi 23 juillet 2015.
Comment vous avez été informé de cette disparition et comment avez-vous accueilli la nouvelle?
Nous avons été appelés par la famille de Chérif, mais nous n’avions pas eu beaucoup d’inquiétude cette nuit -là. Nous avons estimé que c’était une petite fugue et que le lendemain il reviendrait à la maison si tout se passait bien. Mais ça n’a pas été le cas, et le lendemain c’était un vendredi, jour de l’enterrement de Michel Tolno, Caméraman d’Espace TV. Au cimetière, nous étions partagés entre deux angoisses : un collègue très proche que nous enterrions et un autre qui disparaissait sans donner des nouvelles.
Avez-vous alerté les services de sécurité ?
Le même vendredi soir, je me suis rendu à la brigade de Kipé, j’ai expliqué le déroulement des faits au Commandant. Ils ont tout de suite pris les contacts des amis que j’avais, notamment sa tante la fondatrice de l’Université, puis nous avons saisi la police nationale. Des enquêtes ont été menées, nous sommes allés sur plusieurs pistes. (…) nous sommes allés à l’aéroport pour voir s’il n’a pas quillé le pays. Le répertoire nous a été montré et Chérif n’a pas quitté le pays. Nous avons demandé à la famille s’il ne souhaitait pas voyager. Mais vraisemblablement, il n’a pas voyagé et il est à l’intérieur du pays parce que ses affaires se trouvent encore à la maison. Quand on organise un voyage, on ne peut pas laisser son passeport et d’autres affaires à la maison.
Comment qualifiez-vous le silence de notre confrère ?
Il s’agit bel et bien d’une disparition. Aujourd’hui, ce que nous vivons est assez grave. Lorsqu’un corps est découvert à Ratoma, on nous appelle pour une vérification parce que Chérif habite dans la commune de Ratoma. On ne nous a pas donné une raison valable pour au moins expliquer sa disparition.
Comment est-ce que les autorités ont réagi face à cette disparition ?
Nous déplorons aujourd’hui le mutisme des autorités de la Guinée. Ils y a des associations qui s’occupent des Droits des journalistes, elles sont restées muettes, nous ne savons pas pourquoi. C’est Charlie et Charlotte qui ont bien battu le pavé lorsque des confrères se sont faits tués à des milliers de kilomètres. La disparition d’un confrère à quelques mètres d’eux, les aurait au moins émus. Je pense que nous devons tous nous poser cette question : à qui le tour ? Parce que si dans notre pays un journaliste peut disparaître comme ça par enchantement, je pense qu’il ne faut pas rester bras croisés.
Nous ne lançons aucun défi à qui que ce soit, mais nous disons que nous sommes quand même que nous sommes assez touchés par ce mutisme.
Selon vous, si Chérif a été victime d’un enlèvement, que peut-on lui reprocher ?
Il faut tout juste rappeler que Chérif n’était pas animateur de l’émission ‘’Les Grandes Gueules’’. On aurait pu directement lier cela à un dossier sensible qu’il aurait pu développer dans l’émission parce que l’émission est jugée un peu caustique au regard de certaines personnes. Avant sa disparition, il est important de souligner qu’il a fait un bref passage dans l’émission pour expliquer un braquage des coupeurs de route, dont il a été témoin à deux reprises, en revenant à l’intérieur du pays. Est-ce que sa disparition est liée à cela ? Est-ce que c’est lié au projet au sujet duquel un s’est disputé avec des amis , et dont la valeur réelle tourne autour de 2 millions de francs guinéens (250 euros) ?
Nous nous posons énormément des questions, nous partons d’hypothèse en hypothèse pour parvenir à avoir une explication. Nous n’avons aucune réponse. Nous ne pouvons pas quand même baisser les bras. Nous continuons de lancer cet appel aux personnes de bonnes volontés qui détiennent des informations sur Chérif Diallo de bien vouloir nous aider. Penser à sa corporation, au groupe Hadafo médias et sa famille, notamment sa mère qui est à Labé. Je ne peux pas vous expliquer son état de tristesse. C’est vraiment difficile qu’une personne disparaisse de cette façon.
Par Aliou BM Diallo, à Conakry