L’artiste Dékis du groupe zouglou Les Surchocs affirme que les artistes Ivoiriens deviendront des mendiants s’ils ne sont pas soutenus. Il fait son bilan à la tête des artistes ivoiriens de la diaspora en Europe. Il évoque également le nouvel album du groupe et appelle les autorités à investir davantage dans la culture.
Dékis, président du Modaire (Mouvement des artistes Ivoiriens de la Diaspora en Europe) depuis 2006 est aussi le leader emblématique du groupe Zouglou Les Surchoc qui vient de sortir son dernier album de 12 titres après plus d’une décennie d’absence sur la scène. Dans cet entretien, il fait le bilan de de ses 16 années à la tête des artistes de la diaspora en Europe, parle de leur nouvel album et implore les autorités à investir plus dans la culture notamment la musique.
Vous êtes le président du Modaire depuis de longues années. Quel bilan faites-vous ?
Je dirais que le bilan est positif car il n’est pas du tout aisé de promouvoir l’art ivoirien en France et depuis 2006, nous avons réussi à le faire. Nous organisons la fête de la musique à Paris depuis de longues années ce qui, n’était pas le cas auparavant, sans oublier les colloques et les activités scientifiques liées à la culture. Je puis vous dire de façon aisée que le Modaire a donné de la chaleur et de la visibilité à notre culture ici. C’est vous dire que nous valorisons notre culture en France.
Quand un homme de médias ou un artiste arrive ici, nous l’accueillons et il se sent en sécurité. Étant une association à but non lucratif, nous vivons de nos cotisations ce qui n’est pas toujours évident fort heureusement que 10 ans après, les autorités ont commencé à nous soutenir financièrement.
Permettez que je salue mon amie Arlette Badou, le BURIDA de Madame Vieira, Ouattara Karim qui continuent d’apporter leur soutien quand nous en avons besoin. Si nous n’étions pas sérieux toutes ces structures ne nous auraient pas accompagnés.
Les médias au pays, considèrent que la France est le cimetière des artistes car quand ces derniers viennent s’installer, les réalités de la vie font qu’ils sont plutôt préoccupés par le travail que par la musique, du coup ils manquent de temps et cruellement d’inspiration.
(Rires) Ces médias n’ont pas tort quand tu pars de chez toi pour aller à l’étranger, tu affrontes une autre réalité qui n’est pas des fois faciles. Il faut pouvoir s’inscrire dans le climat social. Il faut se battre et avoir un réseau pour pouvoir s’en sortir. Il faut subvenir à ses besoins c’est dire qu’il faut travailler. Les footballeurs peuvent s’en sortir mais pour les artistes, c’est compliqué. Nous sommes des valeurs, c’est parce que nous sommes forts que nous sommes venus en Europe.
La France étant une opportunité pour les artistes Ivoiriens de France, et pourtant force est de constater qu’ils n’arrivent pas à percer le marché international.
Magic System, Alpha Blondy, Tiken Jah ont eu la chance d’avoir des équipes solides et un réseau international c’est essentiel. La France c’est vrai est une opportunité pour les artistes vivant ici pour pouvoir percer sur le plan international. Nos autorités peuvent jouer un rôle en nous accompagnant à un moment donné parce que la Côte d’Ivoire doit peser culturellement sur le plan international, parce qu’elle a les hommes qu’il faut et les moyens.
Nos autorités doivent investir davantage dans la culture c’est primordial. Je le dis haut et fort c’est honteux de voir que le budget du ministère de la culture est seulement de 3% par rapport aux autres budgets ministériels, c’est pitoyable nous tuons nous même. C’est la culture qui a valorisé les États-Unis où il n’y a ni manioc ni cacao.
J’interpelle les autorités ivoiriennes, Je vous prie de donner un budget conséquent pour accompagner la culture car c’est ce qui fait un État. S’il n’y a pas d’accompagnement, nous artistes Ivoiriens deviendront tous des mendiants et c’est inacceptable.
Vous venez de sortir un nouvel album, après plusieurs années d’absence sur l’échiquier musical. Pourquoi votre opus s’intitule « intemporel » ?
L’album a pour titre « Intemporel » parce que notre musique traverse le temps. Nous avons un morceau « Akpata j’irai pointer » qui date de plus de deux décennies et qui continue de faire le buzz sur les réseaux et notamment sur Tik Tok. C’est un plaisir et un honneur énorme.
Nous sommes convaincus que notre nouvel album de 12 titres traversera le temps. Nous restons toujours un groupe zouglou, nous avons apporté une autre touche à notre concept qui est « le Gnakpa piment » qui est une danse de la persévérance, nous disons qu’il ne faut jamais baisser les bras. Nous restons un groupe zouglou qui est la mère des musiques en Côte d’Ivoire. Nous sommes convaincus que notre album va cartonner.
Justement, avec cette nouvelle génération d’artistes, pensez-vous que vous avez toujours votre place dans le paysage musical ivoirien ?
Vous savez, même quand le roi perd sa couronne sa démarche ne change pas, nous sommes des pionniers du zouglou, nous sommes des rois. Nous sommes venus prendre notre place avec un optimisme sans faille. Il y a une diversité musicale en Côte d’Ivoire, c’est très bien chacun à sa place.
La musique ivoirienne aujourd’hui en général est considérée comme médiocre, en quoi la vôtre se distingue ?
Je vous invite vivement à écouter notre œuvre, vous saurez apprécier la bonne sonorité en tant que fin connaisseur de la bonne musique. Tout le monde est en train de se plaindre de la médiocrité de la musique ivoirienne je dirais qu’il ne faut pas seulement se plaindre, il faut la sponsoriser, la soutenir.
Depuis plus de deux décennies nous transmettons des valeurs à la jeune génération qui est en train de se perdre. Ce n’est pas facile d’être à l’étranger mais c’est la musique qui nous a permis de venir ici et nous n’avons pas le droit d’abandonner nos fans raison pour laquelle, nous avons sorti cet album nous avons besoin du soutien de tous les Ivoiriens.
AHMED TOURÉ