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    Déguerpissement zone aéroportuaire : Les habitants déménagent avant l’arrivée des machines (Côte d’Ivoire)

    Déguerpissement zone aéroportuaire : Les habitants déménagent avant l’arrivée des machines (Côte d’Ivoire)
    Publié le
    Par
    Charles Kouassi
    Lecture 6 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    Suite à la découverte, le 8 janvier 2020, du corps sans vie du jeune ivoirien, Ani Guibahi Laurent Barthélémy dans le puits du train d’atterrissage du vol AF 703, en provenance d’Abidjan pour Paris, le Ministre des Transports a annoncé une série de mesures visant à garantir la sécurité et la sureté de l’aéroport d’Abidjan, notamment, celle relative à la libération des emprises de la zone aéroportuaire.

    C’est dans ce cadre qu’une équipe du ministère de la construction et de l’intérieur s’est rendue le lundi 13 janvier 2020 sur les lieux à déguerpir. Aux habitants, un ultimatum de 24h, puis de 48h leur a été lancé.

    Mais à la suite de plusieurs négociations entre la mairie, les populations et le gouvernement, le délai sera revu.

    « La première phase de l’opération de déguerpissement débute le lundi 20 janvier 2020. Elle concerne la couronne Nord de l’aéroport d’Abidjan, une emprise de 50 mètres comportant des fermes et des habitations mitoyennes à la clôture de l’aéroport. Cette phase vise la partie la moins peuplée.

    La seconde phase se fera en début mars. Elle porte sur une zone plus vulnérable (avec des habitations, ndlr). Elle s’étend sur 200 mètres de largeur à l’Est de la piste d’atterrissage. Ce nouveau délai d’environs 45 jours, à partir de la phase 1, devra permettre aux populations installées dans la zone de prendre les dispositions utiles pour libérer les lieux bien avant.
    Pour les écoles installées sur le site, le délai s’étend jusqu’à la période des vacances scolaires, afin de permettre aux élèves d’achever l’année » a annoncé un communiqué du ministère des Transports en date du vendredi 17 janvier 2020.

    Les habitants du quartier Adjouffou vident leurs maisons avant qu’elles ne soient rasées.

    Abidjan, mercredi 22 janvier 2020. Il est 11h lorsque notre équipe de reportage arrive dans la zone aéroportuaire Nord. Annoncées pour être déguerpies le lundi 20 janvier, les entreprises et habitations mitoyennes à la clôture de l’aéroport sont encore présentes. Nous allongeons la clôture de la zone aéroportuaire en direction de Grand Bassam. Au carrefour qui sépare la zone Fret-Aérogare Sud et le quartier Adjouffou, nous marquons un pas.

    Alors que les habitants de cette zone ont jusqu’à mars 2020 pour libérer les lieux, beaucoup avaient quitté le quartier depuis le 14 janvier 2020. Derrière eux, des maisons vidées et décoiffées. Seuls quelques-uns ont encore des effets avec deux ou trois maisons encore avec des toits.

    Une habitante nous conduit chez elle. Elle nous présente sa cour où elle continue de dormir avec sa petite fille de 7 ans et son jeune frère. Par terre un matelas de fortune. « C’est ici que nous dormons. A la belle étoile. Nous avons cassé le petit hangar sous lequel ma maman vendait. Nous avons tout ramassé pour les sécuriser ailleurs, mais ne sachant pas où dormir nous sommes obligés de rester ici ».

    Le bloc de maisons jouxtant la clôture Sud de l’aéroport a vu toutes ses maisons décoiffées.

    « Beaucoup sont partis depuis la semaine dernière. Ils ne dorment plus ici. Mais certains reviennent en journée comme ils savent que les journalistes viendront pour exposer leurs problèmes. Ils sont aussi là à cause de liste pour les indemnisations » nous dit Pierre Nguessan, un gérant de cabine téléphonique que nous avons rencontré de l’autre côté du bloc ; non, concerné par l’opération.

    « C’est le lundi 13 janvier que les agents du ministère de la construction et forces de l’ordre sont venus ici. Ils ont marqué sur les murs ‘’AD’’, à démolir. Ils nous ont donné un délai de 24h et le jour suivant un autre de 48h. C’est après qu’on a appris que c’est finalement le lundi 20 janvier que nous devions partir. Pris de panique et de peur certains ont dû décoiffer leurs maisons dès le départ des policiers » nous explique Fofana, un jeune mécanicien résident à Gonzague ville et travaillant à Adjouffou.

    Dicko Abdoulaye, réside quant à lui dans le quartier. Propriétaire de plusieurs maisons de location, il ne semble pas être ébranlé.

    « Tous mes locataires sont partis. Mais moi, ne sachant pas où aller avec tout ce que je viens de perdre avec leur départ, je suis obligé de rester encore ici. Car finalement, nous ne savons pas exactement quand partir. On nous parle de 24h, de 48h, de lundi 20 et aux dernières nouvelles, d’une date ultérieure. Il faut que les gens nous disent clairement quand est-ce qu’on part, et nous partirons » lance-t-il.

    Ensuite il nous conduit à son domicile. Le toit y est encore. Mais sur le reste des maisons de la cour, une dizaine, plus rien. A l’intérieur de sa chambre, ses effets sont intacts. Son compteur d’électricité bien protégé continue de l’alimenter.

    « La SODECI est venue prendre ses compteurs sans nous prévenir comme si nous étions des animaux. Merci à la CIE qui continue de nous fournir le courant même si les compteurs de beaucoup de voisins sont volés chaque nuit » a-t-il fait savoir.

    Niamké Kouamé est un ancien du quartier. Il y réside depuis 40 ans.

    « On nous dit que les écoles ne sont pas concernées jusqu’aux vacances prochaines. Mais où vont rester les enfants si les parents sont déguerpis. Au moins que le gouvernement nous permette de continuer de suivre l’éducation de nos enfants et préparer notre déménagement ensemble pendant les vacances. L’autre chose, c’est le recensement des habitants. Alors que le gouvernement parle d’un périmètre de 200 mètres à partir de la clôture de l’aéroport, d’autres personnes nous parlent de 150 mètres de rajout dans un délai de 45 jours, soit 350mètres. Ainsi des gens qui n’étaient pas concernés par l’opération profitent pour venir s’inscrire sur la liste d’indemnisation, alors que nous devons être les seuls bénéficiaires »
    s’écrit-il.

    Face à la polémique de l’opportunité de cette opération de déguerpissement, conséquence de la découverte le 8 janvier 2020 du corps du jeune Ani Guibahi Laurent Barthélémy dans le puits du train d’atterrissage du vol AF703 à Roissy en provenance d’Abidjan, Niamke Kouamé reconnait :

    « Depuis tout petit, sous le régime d’Houphouêt-Boigny, on nous a dit que cette zone est aéroportuaire. Mais que nous pouvions rester de façon temporaire en attendant qu’on nous trouve un autre site. Malheureusement les gouvernements successifs n’ont rien fait pour nous. Et ce n’est qu’avant-hier qu’on nous demande de quitter un lieu qu’on habite depuis des années. Le gouvernement ne doit pas nous abandonner dans la rue. Nous sommes aussi des Ivoiriens, avec des enfants qui sont encours de scolarité ».

    Philippe Kouhon

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