L’heure de vérité approche. Après la victoire éclatante du “non” au référendum du dimanche 5 Juin 2015, la Grèce est en proie à l’asphyxie financière, faute de liquidité. Honneur au Président de la République Française, François Hollande qui pense que la place de la Grèce est dans la zone euro, le pays doit 44 milliards d’euros à la France.
Pour le Président français, la crise de la dette grecque est une question de prise de décision, de responsabilité et de calendrier pour faire preuve de solidarité et de projet européen. Honneur à la Chancelière Angela Merkel qui affronte l’opinion allemande agacée par le Premier Ministre grec Alexis Tsipras parce que l’Allemagne a accordé 56 milliards d’euros à la Grèce et ne veut plus la financer à perte. Fille de l’Allemagne de l’Est habituée à la discipline et à la rigueur, elle est accusée par le journal britannique (The Guardian) d’avoir crée de toute pièce Alexis Tsipras et facilité son arrivée au pouvoir avec sa doctrine eurocommuniste antilibérale, en raison des mesures d’austérité imposées par l’Allemagne pendant cinq (5) qui ont conduit à la récession, au déficit et à la dette en Grèce. Pour la majorité des allemands, si la Grèce sort de la zone euro ce ne sera pas un bouleversement dramatique.
La crise de la dette grecque est à la fois une bataille idéologique entre le neomarxisme et le libéralisme, un combat politique entre la gauche antilibérale et la droite conservatrice, une bataille de chiffres pour Alexis Tsipras arrivé au pouvoir en janvier 2015, héritier de la gabegie économique et de la cavalerie financière de ses prédécesseurs de la nouvelle droite, par voie d’augmentation du nombre de fonctionnaires, des salaires et des retraites ainsi que du trucage massif sur les comptes publics en 2004, créant un déficit de 5,9 du PIB contre 1,4% du PIB en 2001, année du miracle économique grec qui a facilité l’entrée de la Grèce dans l’UE en 2002. En 2010 le pays a bénéficié de 80 milliards d’euros dans le cadre du premier plan d’aide européen, suite à un déficit de 13% du PIB.
D’un côté, l’Allemagne n’a pas tort parce qu’elle a connu la croissance économique à travers l’austérité avec des syndicats dociles. Alexis Tsipras a raison, pendant cinq ans la Grèce a été le champ d’expérimentation de l’austérité qui a échoué. Le FMI et la BCE ont également raison, un pays s’endette pour se développer non gaspiller, la dette (l’argent des créanciers et des contribuables européens) doit être remboursée. De ce point de vue, la première proposition du Premier Ministre grec est inacceptable et contraire aux valeurs européennes du libéralisme, notamment la décote de 30% sur la dette et une période de grace de 20 ans, lui qui a opté pour l’augmentation des cotisations plutôt que la coupe des retraites. De l’autre, la BCE, le FMI, les créanciers et la Grèce ont tous tort de n’avoir pas combiné les dimensions politique, géopolitique et technique de la crise et de n’avoir pas privilégié le compris, l’idéal politique européen, la solidarité et la vision à long terme pour une Europe actuellement confrontée au chômage de longue durée, à la croissance fragile, au terrorisme, aux trafics d’armes, de drogue, d’êtres humains et d’organes, à l’immigration clandestine et déferlante, à la résurgence de la guerre froide depuis l’Est de l’Ukraine. Ils ont trop surfer sur leurs différences d’approche, d’organisation, de méthode et de système en oubliant la nécessité de la convergence des décisions qui doit faire du maintien de la Grèce dans la zone euro un préalable incontournable. Si en 2002 les technocrates européens de Bruxelles ont accepté l’entrée de la Grèce dans l’Union Européenne, par complaisance, par laxisme et par solidarité en fermant les yeux sur les lacunes, les insuffisances, les écarts de résultats, ils doivent assumer leurs actions et ne pas regretter en 2015. A la vérité, la sortie de la Grèce contribuera à la débâcle financière généralisée au travers de la spéculation sur les marchés financiers des maillons faibles (Espagne, Italie et Portugal) où la gauche radicale et antilibérale prend de la voie, de la contenance et de l’envergure pour accéder au pouvoir et le garder longtemps.
La vision technocratique peut être défaillante et se tromper sur la crise de la dette grecque mais l’Europe ne doit pas se faire piéger en oubliant que la Chine et la Russie ont également des intérêts financiers colossaux à protéger en Grèce et l’avenir du pays est géopolitique, du fait de sa proximité dans la région des Balkans (Serbie, Slovénie, Macédoine, Bosnie Herzégovine, Croatie, Albanie, Bulgarie, Roumanie). La Grèce constitue la frontière orientale de l’Europe et une composante essentielle du dispositif européen de lutte contre la surchauffe et la flambée de l’immigration. La sortie de la Grèce de la zone euro signifie la misère, le travail au noir, l’effondrement de la frontière poreuse de l’UE, le chômage et beaucoup de jeunes grecs qui se tournent vers les mouvements islamiques radicaux et le djihad. Il n’y’a pas de problème sans solution. Celle de la crise grecque ne se trouve pas dans le commentaire des causes et conséquences de la crise mais dans la recherche des solutions telles que
1. l’effacement d’une partie de la dette évoquée par Monsieur Wolfgang Schauble, le Ministre des Finances de l’Allemagne;
2. l’aménagement du remboursement de la dette;
3. le rééchelonnement sur 40 ans, selon le FMI;
4. l’allongement de la maturité;
5. la restructuration de la dette proposée par la Grèce à laquelle s’oppose catégoriquement la Chancelière Angela Merkel;
6. le réexamen du délai de paiement des intérêts;
Les discussions ont débuté entre la Grèce, le FMI, la BCE et les créanciers depuis le 8 Juillet 2015. Alexis Tsipras a accepté la démission de son ministre des finances, Yanis Varoufakis, comme prélude à son opération de charme envers la zone euro et l’UE, un signal fort d’apaisement et de désescalade car il est conscient de la force herculéenne du rouleau compresseur que constituent les 18 nations européennes membres de la zone euro, prêtes à en découdre avec lui, après le camouflet infligé par la démocratie à l’austérité par voie référendaire le 5 Juillet 2015. Le doigté diplomatique du Premier Ministre grec qui a maintenant le dos au mur peut payer et un accord est possible avec l’UE s’il impose à son peuple les reformes d’assainissement du cadre macroéconomique et du climat des affaires, les reformes structurelles, sectorielles et institutionnelles concrètes, sérieuses, vivaces et rapides. Il est obligé de se soumettre non au diktat mais à la saine appréciation de la réalité de l’état dans lequel son pays se trouve actuellement. La patience d’un peuple qui a dit “non ” à l’austérité a des limites objectives à ne pas dépasser face à la pauvreté rampante et galopante, à la fermeture pénible et longue des banques. “Quand il n’y’a pas de monnaie, c’est le sang de l’économie qui est asséché ” dit Monsieur Jean Dominique Giuliani, Président de la Fondation Robert Schuman. Il faut assainir l’environnement dans lequel se crée la croissance économique variée, vigoureuse et durable qui rembourse la dette d’un pays. Dans cette perspective, Tsipras a habilement mis le lien entre la dimension politique et technique. ” Un problème européen ne trouve qu’une solution européenne ” a t’il dit. Ce rapprochement dans la sémantique et dans la rhétorique digne de la civilisation hellénique a été applaudi longuement par les parlementaires grecs.
Pour concevoir, formuler, évaluer la solution européenne à la crise et sous la pression des créanciers, la Grèce a moins de cinq jours pour parvenir à un accord et moins de 48 heures pour présenter un nouveau plan de reformes qui sera examiné le samedi 11 Juillet 2015, à l’effet de rester dans la zone euro ou d’en sortir (Grecexit). Si le référendum a été un succès personnel d’Alexis Tsipras, il joue gros à ce stade de l’heure de vérité en s’imposant comme un leader national qui a refusé de se soumettre au chantage de I’UE qui lui impose des reformes de sauvetage d’urgence. Alexis Tsipras a déposé ses propositions dans le délai, le jeudi 9 Juillet 2015 avant minuit. Il était disposé le mercredi 8 Juillet 2015 comme un leader national pragmatique et soucieux de la misère de son pays à lutter contre la corruption, la fraude, l’évasion fiscale, à remanier le système de retraite qui correspond actuellement en Grèce à 17,5% du PIB, à augmenter la TVA de 9% à 23%, à faire payer les impôts aux armateurs, aux évêques et à l’église orthodoxe, à s’attaquer au monopole et aux oligarchies, à mettre en oeuvre le programme de privatisation. Il veut restructurer la dette mais la Chancelière Angela Merkel s’y oppose. Des voix s’élèvent en Europe contre cette position allemande conservatrice et dénoncent l’intransigeance qui fait de l’Europe l’esclave de l’Allemagne. Sans tacler Angela Merkel, la Directrice Générale du FMI, Madame Chrstine Lagarde joue au pompier et se distance de l’austérité en déclarant recevables la consolidation fiscale et la restructuration de la dette grecque si la Grèce en fait la demande. La dimension politique du dossier a sans doute pris du poils de la bête ou a peut être prévalu sur la technicité pure et dure du FMI, des créanciers et de la BCE.
Entre l’idéal politique de l’Europe et les chiffres, un homme a imposé sa marque, sa vision, ses conseils, ses solutions, son courage pour le débat et la confrontation des idées, son expertise avérée et pointue d’économiste financier via internet, le 27 Juin 2015, en appelant l’attention du monde entier, n’en déplaise à ses détracteurs, sur les erreurs commises par le FMI, la BCE et les créanciers dans le traitement de la crise grecque. Il s’agit de Dominique Strauss-Kahn (DSK), ancien Ministre français de l’Economie et des Finances et ancien Directeur Général du FMI. A mon sens, il est l’expert économique et financier de haut niveau capable de trouver, d’orienter et d’accompagner la solution techniquement et politiquement viable, soutenable et durable de toute crise de la dette, pour les raisons suivantes :
1. DSK est parmi les meilleurs économistes que la France ait connus tels que Raymond Barre, ancien Premier Ministre, Valery Giscard d’Estaing, ancien Président de la République, Michel Camdessus, ancien Directeur Général du FMI;
2. DSK est social-libéral. Le social-libéralisme dont il était la proue du navire est aujourd’hui incarné en Europe par bien des premiers ministres et ministres de l’économie;
3. DSK est expert senior et conseiller en restructuration de la dette;
4. DSK assure les fonctions de conseil en restructuration de la dette auprès de la Serbie qu’il a aidée à restructurer sa dette. Depuis 2012, il anime des conférences en Ukraine et au Kazakhstan;
5. Son article sur ” apprendre de ses erreurs ” du 27 Juin 2015, très apprécié pour le style d’écriture en anglais par un français, est à la fois un outil de pédagogie, un appel à l’humilité, à la lucidité, au pragmatisme et à la responsabilité pour que les technocrates du monde entier sachent qu’ils doivent apprendre de leur passé de donneurs de leçons aux économies nationales pour enfin comprendre qu’à une monnaie commune doivent correspondre des institutions politiques intégrées, des politiques économiques et fiscales communes;
6. DSK a les qualifications, l’expertise, l’expérience professionnelle, le cercle et le capital relationnels, la maîtrise des langues étrangères au niveau de la conversation, de la rédaction et de la traduction pour faire coïncider le respect des règles européennes de la zone euro, des valeurs fondamentales de l’UE avec le choix du peuple grec d’avoir dit non à l’austérité par référendum.
Qui sait s’il n’est pas déjà sous contrat de service de conseiller de longue durée avec Alexis Tsipras avant les négociations avec le FMI, la BCE et les créanciers ?
Laurent Maurice Kouakou
Chroniqueur expert consultant