Fonctionnaire à la retraite, depuis 2022, K.A réagit à une des sorties de l’Abbé Norbert Abekan en rappelant, après des contre-vérités, que toutes les populations de la Côte d’Ivoire ont fait leur part dans la construction de la Nation.
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Dans le débat – pour ou contre – la démolition des sites précaires, dangereux, légaux ou illégaux entreprise par l’État de Côte d’Ivoire, la position de l’Abbé Norbert Abekan a particulièrement retenu mon attention, parce qu’il est homme de Dieu et a dit des choses pas très catholiques voire des contre-vérités qu’il ne devrait pas dire.
En effet, dans sa réaction à cette démolition, le prêtre a accusé l’État de vouloir démolir son village Anono (ce qui est faux), détruire et effacer les traces de ses ancêtres (c’est inexact), et il a laissé entendre que ses parents Ébrié ou Atchan (parents aussi de tous les ivoiriens) ont été victimes du développement rapide et tentaculaire de la ville d’Abidjan, sans compensation réel ou suffisant.
Victimes de l’urbanisation d’Abidjan, oui ! mais sans compensation, c’est inexact.
Laisser entendre ou croire qu’un groupe ethnique en Côte d’Ivoire est brimé, est dangereux pour la cohésion sociale et joue contre la construction de la nation ivoirienne telle que le président Houphouët-Boigny (qui a été le président de tous les ivoiriens) l’a conçue : un prêtre, donc homme de Dieu, ne devrait pas dire ça.
Je me permets, en tant que citoyen ivoirien, non membre de parti politique et ancien haut fonctionnaire (1982-2022), de rétablir ici, la vérité que les habitants des sites touchés, ont été informés suffisamment à l’avance de la date de démolition, perçu les dédommagements appropriés (pour ceux qui en avaient droit), et ont été souventes fois relogés (cas des gens de Boribana et ancien « Washington » en contrebas du lycée technique d’Abidjan, autrefois) ; les propriétaires terriens des sites détruits par les tracés des premier (pont Houphouët-Boigny) , deuxième (pont Général de Gaulle), troisième (pont HKB) et quatrième ponts, du métro d’Abidjan et d’autres infrastructures économiques, ont été dédommagés en bonne et due forme.
C’est, à la fois, un devoir et une obligation (de par la loi) de l’État ivoirien de le faire. Pour arrêter les nombreuses morts (particulièrement en saison de pluie), l’État a aussi le devoir de déguerpir les populations des sites dangereux (versants abrupts de colline sans aménagements, installations sous les câbles électriques de haute tension, bas-fonds insalubres), et des occupations illégales d’espaces publics.
Partant, je trouve déplorable la propension de certains citoyens ivoiriens qui, pour des raisons politiques ou idéologiques, se mettent du côté des faussaires qui ne respectent pas les principes et lois de la République en s’installant de façon anarchique ou illégale et qui crient au loup et à la trahison quand l’État les rappelle à l’ordre.
Le développement d’un pays entraîne l’urbanisation qui engendre des coûts, pour les populations qui sont propriétaires de terres. Dans le processus d’urbanisation rapide dans le district d’Abidjan, les 60 villages Ébrié ont perdu des centaines de milliers d’hectares de terre. Depuis toujours, l’État s’est évertué à les dédommager autant que possible : dans les lotissements des différents quartiers d’Abidjan, des parcelles sont toujours concédées aux ressortissants des villages qui les morcellent et les vendent pour leur propre compte.
En plus de ces terrains concédés, ils ont souvent perçu des fonds versés par l’État ; c’est ce que les spécialistes du foncier appellent « les purges » pour les droits coutumiers des villageois, propriétaires terriens. Ce type de compensations spécifiques, pour nos frères Ébrié, n’a jamais eu lieu, dans l’urbanisation d’autres grandes villes du pays, sauf erreur de ma part. Pour le cas de la ville de Bouaké que je connais le mieux, nos parents du canton Fahafouêt, propriétaires terriens du site de la ville de Bouaké, n’ont jamais été dédommagés ni en numéraire ni en parcelles de compensation dans les lotissements.
Plus que partout à l’intérieur du pays, nos parents Ébrié ont davantage bénéficié du développement en termes d’amélioration de l’environnement, d’infrastructures économiques et socio-économiques, de la qualité de vie, de commodités en tout genre. Mais, le prix à payer, en contrepartie du développement d’Abidjan et de la Côte d’Ivoire et de l’amélioration relative de leur bien-être, c’est bel et bien la perte partielle de leur terre.
Mais, d’autres peuples de Côte d’Ivoire ont fait des sacrifices tout aussi grands pour le développement économique et l’amélioration du bien-être collectif que ceux de nos frères Ébrié: les populations de Kossou, de Béoumi, de Buyo etc., ont vu des centaines de milliers d’hectares de leurs terres avalées, les sites de leurs anciens villages engloutis sous l’eau et leurs cimetières et lieux sacrés effacés, par la construction des barrages hydroélectriques, pour donner de l’électricité à tous les ivoiriens ; ils ont fait ainsi leur part de sacrifice pour le développement de la Côte d’Ivoire, sans récriminer contre l’État ivoirien ni se plaindre ; de l’époque coloniale jusque dans les années 1970, les planteurs de café et de cacao ont fait le plus grand sacrifice ; c’est le prix surtaxé du café et du cacao, initialement plantés dans les régions d’Aboisso, Abengourou,Agnibilékro, Daoukro, Ouellé, Bocanda, Bongouanou, M’Bahiakro Prikro (zone appelée boucle du cacao à l’époque) qui a alimenté le budget de l’État qui a construit des écoles, des dispensaires et hôpitaux, des routes et des ponts etc., financé des bourses d’études pour que tous les enfants aillent à l’écoles, partout en Côte d’Ivoire.
Aujourd’hui encore, ces produits sont très largement cultivés à l’Ouest du pays et contribuent, très largement, aux ressources publiques, au bénéfice de tous. C’est cela une Nation. Alors, que l’Abbé Abékan accepte, sans récrimination, les parts de sacrifice de nos parents Ébrié. La Côte d’Ivoire de Houphouët-Boigny doit être une et indivisible avec des devoirs (sacrifices) et droits partagés !L’homme de Dieu qu’il est, doit avoir le sens de la recherche de la vérité, de la mesure et de l’impartialité. C’est à cette seule condition qu’il servirait mieux Dieu, la nation ivoirienne et ses frères ivoiriens !
K.A , ex-haut fonctionnaire