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    Côte d’Ivoire : pourquoi une académie de lutte contre le terrorisme (Hamed Bakayoko)

    Côte d’Ivoire : pourquoi une académie de lutte contre le terrorisme (Hamed Bakayoko)
    Publié le
    Par
    Charles Kouassi
    Lecture 9 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME
    Samedi 21 décembre 2019, au Palais présidentiel à Abidjan Plateau, dans le cadre de la visite du Président de la République française en Côte d’Ivoire , Emmanuel Macron, Hamed Bakayoko, ministre d’État ivoirien en charge de la défense 
    a présenté les enjeux de la création de l’Académie internationale de lutte contre le terrorisme. Ci-dessous l’intégralité de son message.
    Excellence Monsieur le Président de la République de Côte d’Ivoire,
    – Excellence Monsieur le Président de la République Française,
    – Mesdames et Messieurs,
    – Honorables et distinguées personnalités,
    Sur instruction de Son Excellence Monsieur Alassane OUATTARA, Président de la République de Côte d’Ivoire, j’ai l’honneur de vous présenter le Projet de l’Académie Internationale de Lutte Contre le Terrorisme.
    Ce projet est le symbole de l’excellent partenariat qui existe entre la Côte d’Ivoire et la France. C’est un partenariat, historique,
    intelligent et gagnant-gagnant, sans complexe, et
    assumé.
    Excellences Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs,
    Il y a quelque mois, Mon Directeur de Cabinet adjoint, Un jeune officier formé à la prestigieuse Ecole militaire Saint-Cyr de Coëtquidan et breveté de l’Ecole de Guerre de Paris, me confiait que les modules de formation dans la plupart des écoles militaires sont en général axés sur la théorie et les règles qui régissent les guerres opposant les armées de deux ou plusieurs Etats.
    Cet enseignement s’appuie sur la stratégie militaire née depuis l’expérience des guerres napoléoniennes et les écrits de certains génies militaires tels que Sun Tzu et Clausewitz.
    Cependant, ces savants de la stratégie militaire n’auraient jamais imaginé que le monde serait confronté à des conflits d’un type nouveau qui remet en cause bien souvent, ces principes de base de la guerre.
    Nos armées dites conventionnelles sont de plus en plus engagées dans des combats contre une seule ou quelques personnes, difficilement identifiables car utilisant des moyens ou des modes d’action atypiques.
    Le 13 novembre 2015, trois (03) terroristes ont par leur acte au Bataclan, mobilisé des forces régulières estimées à plus de 400 hommes. On a dénombré plus de 138 morts.
    La neutralisation des deux (02) frères Kouachi, auteurs de l’attentat contre le journal Charlie Hebdo le 9 janvier 2015, ayant causé la mort de 12 personnes, a nécessité l’intervention de 250 hommes dotés de moyens considérables.
    Ici en Côte d’Ivoire, le 13 mars 2016, l’attaque de Grand Bassam, qui a fait 19 morts, a vu l’intervention de près de 500 militaires, paramilitaires et forces de sécurité pour neutraliser les 03 terroristes et gérer cette crise sans précèdent, dans l’histoire de la Côte d’Ivoire.
    Au Mali, au Burkina Faso et au Niger, nous assistons quotidiennement à ce même type de confrontations asymétriques entre ces bandes criminelles et les éléments des Forces de Défense et de Sécurité.
    Beaucoup de ces éléments sacrifient leurs vies, en protégeant celles de nos populations.
    Il y a quelques jours 71 soldats du Niger ont ainsi péri. C’est le lieu pour moi de saluer la mémoire des victimes civiles ainsi que celle de nos hommes qui sont tombés au combat et le courage de leurs camarades qui, poursuivent cette lutte, au péril de leurs vies.
    Les ennemis, organisés en bandes armées ou opérant souvent de façon isolée ont pour seul but de désorganiser les institutions de nos États et l’ordre social.
    Les conséquences de leurs actes ne peuvent que perturber le fonctionnement normal de nos Etats et exposer davantage nos braves populations à une grande pauvreté et une immigration massive.
    C’est donc une guerre internationale que nous devons mener face à une menace globale.
    La survenue d’un attentat peut être perçue comme un échec pour nous, car il faut souvent à ces terroristes, au moins six mois de planification des attaques et d’activation de leurs cellules dormantes.
    Dans leurs activités criminelles, les terroristes ont une longueur d’avance sur nous.
    Nous nous devons donc maitriser la complexité de leur environnement pour inverser la tendance.
    Excellences Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs,
    Il n’existe pas de solutions miracles à cette guerre qui s’impose à nous.
    À mon avis, la principale réponse à ce défi est l’anticipation. Notre action sera efficace si nous sommes capables d’anticiper par :
    • L’entrainement de nos hommes ;
    • La formation de nos cadres ;
    • La coordination de nos actions ;
    • L’adaptation et le renforcement de nos
    systèmes de renseignement.
    C’est tout l’enjeu de l’Académie Internationale de Lutte Contre le Terrorisme qui sera un maillon essentiel de notre stratégie globale contre le terrorisme à travers la formation de tous les acteurs (militaires, forces spéciales, enquêteurs, magistrats…)
    Ses objectifs spécifiques sont clairs : ➢Renforcer les capacités opérationnelles des
    unités engagées dans la lutte antiterroriste ➢Améliorer la coordination interministérielle
    de tous les acteurs impliqués ;
    ➢Créer une communauté régionale de partage
    d’expériences sur les problématiques liées à ce fléau.
    L’AILCT est structurée en six (06) domaines de formations qui reposent sur trois (03) piliers (Centre d’entrainement, Ecole des cadres et Institut de recherche stratégique). L’ensemble s’articule à travers une approche
    interministérielle, pluridisciplinaire adaptée.
    Notre volonté politique commune d’endiguer le terrorisme est claire et se décline à travers plusieurs initiatives : la MINUSMA (16 500 hommes) la Force Barkane (4500 hommes), la Force du G5 Sahel (5000 hommes) la Force en Attente de la CEDEAO (3000 hommes) et Force du Bassin du lac Tchad (10000 hommes).
    Nous sommes souvent confrontés à des difficultés d’action ou de coordination dans la mise en œuvre de ces initiatives politiques ; ce qui offre des délais supplémentaires aux terroristes pour faire plus de victimes. Les trois piliers de l’Académie permettront de traiter ces insuffisances.
    En attendant son installation effective sur son site de Jacqueville, l’académie a déjà accueilli 165 stagiaires venus de 9 pays africains (Côte d’Ivoire, Bénin, Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Togo, Tchad, Sénégal). Cette académie nous permettra d’avoir des experts capables de comprendre le fonctionnement des organisations terroristes, leur mode d’action et la typologie de leur financement.
    Excellences Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs,
    L’AILCT est un projet ambitieux, porté par la Côte d’Ivoire et la France, à dimension internationale, pour la sauvegarde de la paix dans la région ouest-africaine mais aussi dans le monde entier.
    L’Académie s’installe sur un espace de 1100 ha, à Jacqueville située à 30 km à l’ouest d’Abidjan. L’Académie comprend :
    – Une zone cadre de 6 ha pour 11 bâtiments académiques ;
    – Une zone vie (hébergement des stagiaires et encadreurs) ;
    – Une zone d’entrainement (champ de tir, espace héliporté et espace maritime).
    Les travaux ont déjà démarré par le terrassement et s’achèveront au mois septembre 2020.
    Le coût global de ce projet est de 60 millions d’euros dont 21 millions déjà mobilisés.
    Je remercie Madame la Ministre des Armées de la République française et Son Excellence
    Monsieur l’Ambassadeur de France en Côte d’Ivoire pour leur engagement et leur implication personnelle dans ce projet.
    Je félicite tous les collaborateurs techniques des deux parties, qui, en parfaite synergie, ne ménagent aucun effort pour faire avancer ce projet.
    Excellences Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs,
    Toutes ces actions militaires que nous menons permettent de contenir et de réduire ce fléau afin de protéger nos populations et d’éviter l’effondrement de nos États.
    En plus des réponses tactiques apportées par l’AILCT, une partie de la réponse mondiale au terrorisme, résidera dans un meilleur équilibre économique international et une plus grande justice sociale. Réduire la pauvreté, lutter contre l’immigration clandestine et assurer une meilleure répartition des richesses, aideraient nos États  à lutter efficacement contre ce phénomène.
    Et c’est dans cette approche globale que vous vous êtes inscrit, Excellence Monsieur le Président Emmanuel Macron, lorsqu’au cours d’une interview au journal Le Point en date du 31 août 2017, vous avez affirmé et je cite « Notre réponse au terrorisme ne peut être que multiple, afin d’y inclure toutes ces dimensions. Elle doit être à la fois sécuritaire, économique, culturelle et éducative.». C’est une vision que nous partageons entièrement.
    Monsieur le Président de la République Française,
    Monsieur le Président de la République de Côte d’Ivoire,
    A ce stade de mon intervention, je voudrais saluer votre leadership dans la lutte contre le terrorisme.
    L’action de la France dans le monde, aux côtés des alliés internationaux, a contribué à combattre efficacement et à cerner les contours de la lutte contre le terrorisme. Votre contribution à la formation des forces de sécurité africaines d’une façon générale et des forces ivoiriennes d’une façon particulière, a été déterminante. Des défis nouveaux se dressent encore devant nous dans
    cette lutte dont les dynamiques ne cessent de muter.
    Sous le leadership du Président Alassane Ouattara, la Côte d’Ivoire a adopté les législations et règlements nécessaires.
    La formation de nos hommes ainsi que leurs équipements ont fait l’objet de deux Lois sans précédent dans l’Histoire de la Côte d’Ivoire : la Loi de Programmation Militaire 2016-2020 et la Loi de Programmation des Forces de Sécurité Intérieure 2016-2020.
    Ce sont ainsi environ 04 milliards d’euros qui ont été planifiés sur 05 ans pour la construction d’une Armée et d’un système de Sécurité à la hauteur des ambitions de notre pays qui est un pilier majeur de la stabilité de notre région.
    Le choix de la Côte d’Ivoire pour abriter l’AILCT n’est donc pas fortuite mais est le fruit d’un partenariat qui marche bien et qui veut répondre à un besoin fondamental de formation et de renforcement de capacités opérationnelles contre le terrorisme.
    Excellences Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs,
    Je voudrais terminer mon propos en citant le Président Alassane OUATTARA qui dans sa déclaration ce matin à la conférence des chefs d’état de la CEDEAO à Abuja a déclaré et je cite «2 168 incidents sécuritaires liés au terrorisme ont été enregistrés en Afrique de l’Ouest au cours des 4 dernières années. Ces incidents ont entraîné plus de 11 500 morts et de nombreux blessés »
    Avant d’ajouter, je cite « Le terrorisme trouve un terreau favorable dans des environnements où persistent des conflits intercommunautaires mal gérés, des inégalités au sein de la société, la pauvreté et le chômage notamment le chômage des jeunes. Ainsi, pour lutter efficacement contre ce fléau, convient-il de maintenir et renforcer la présence et l’autorité de l’Etat et de lutter contre la pauvreté et l’exclusion ».
    C’est sur ces mots forts que je voudrais conclure en vous assurant, encore une fois, de notre engagement à travailler, ensemble, main dans la main et à assurer le rayonnement de l’Académie.
    Je vous remercie.
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