En Côte d’Ivoire, le SMS ci-dessous qui a circulé ces dernières 48 heures, quelques jours après l’attaque djihadiste survenue à Bassam le dimanche 13 mars 2016, a suscité une réaction musclée des autorités ivoiriennes : « Je viens de le recevoir, donc je te le transmets : on dit que le vendredi qui vient (aujourd’hui, Ndlr) est un vendredi noir. Ils vont tuer beaucoup de personnes, les policiers, les gendarmes, corps habillés. Ils disent de rester chez vous, de fermer vos portes. Ça va être dangereux. Faites passer ce message pour sauver des vies comme je viens de le faire. Merci. Merci mon Seigneur ».
2 mois et demi avant, soit le 26 janvier 2016, le communiqué ci-dessous émanant de l’Ambassade des États-Unis à Abidjan, avait été publié par le quotidien ivoirien l’Intelligent d’Abidjan : ” L’Ambassade des Etats-Unis dément catégoriquement l’information largement diffusée selon laquelle elle aurait adressé un message d’alerte contre le terrorisme à ses ressortissants en Côte d’Ivoire. Aucune alerte de ce genre n’a été envoyée. Cette information est malheureusement basée sur un reportage sans fondement. Ceci est regrettable et nous voulons éviter une psychose inutile aussi bien parmi les Américains que les Ivoiriens.
Au regard de la situation sécuritaire dans la sous-région, nous continuons d’appeler les citoyens américains à rester prudents. S’il s’avérait nécessaire de publier un message sur une alerte spécifique, nous la rendrons public comme il est de coutume par un communiqué officiel sur le site Internet de l’Ambassade, le Smart Traveler Enrollment Program et à travers les réseaux sociaux”.
Suite à la diffusion du message de l’Ambassade américaine à Abidjan , le journal avait publié le commentaire suivant dans lequel il invitait les autorités à ouvrir une enquête parce que ces rumeurs pouvaient être une alerte , un appel à l’action, un code pour des éléments djihadistes : ” Le communiqué de l’Ambassade des Usa à Abidjan est clair et ne souffre d’aucune ambiguïté. Il offre l’occasion de noter que tous les jours des rumeurs et des intoxications sont distillées dans l’esprit des populations, sans que des réactions se fassent.
S’il y’a lieu de saluer la réaction américaine, qui aurait pu se contenter de rassurer diplomatiquement et discrètement les autorités des pays concernés, il faut déplorer les ravages que la diffusion et la propagation de cette rumeur ont eus, sur les foyers, sur la sérénité des services de sécurité, sur les commerces et sur bien d’autres choses. Il est clair qu’il vaut mieux prévenir, que guérir, mais les fausses alertes et le catastrophisme ne sont pas une méthode de lutte contre le terrorisme. C’est de cette même façon que des rumeurs avaient tenté de faire croire que l’épidémie d’Ebola avait bel et bien touché la Côte d’Ivoire, au mépris des codes et des règles stricts de lutte contre cette infection.
L’Intelligent d’Abidjan qui avec quelques rares journaux n’a pas cru un seul instant, à cette alerte bidon, n’a écrit aucune ligne pour la relayer, ou pour l’accréditer. Il est utile devant ce sens de la responsabilité de souligner la vigilance critique, qui a été celle de notre Rédaction dans cette période d’emballement de presque tous. À présent, il revient aux services américains et aux autorités ivoiriennes et sénégalaises de mutualiser les efforts, pour arriver aux origines et aux sources de cette fausse alerte.
Au-delà des réseaux sociaux et des médias qui l’ont abondamment relayée, cette fausse alerte provient bien de quelque part. Il est important de trouver ce “quelque part”, pour savoir si cette rumeur produite ne contenait pas un message codé : tester par la vulnérabilité ou la fragilité- où la réalité – des dispositifs de Dakar, et d’Abidjan contre une éventuelle attaque terroriste, voir comment les gens réagiront ? Ou pire, ne s’agissait-t-il pas de lancer un signal à l’action à des réseaux dormants dans ces pays ? Ne s’agissait-t-il pas de dire qu’Abidjan et Dakar et demain Conakry, Monrovia, Accra et Freetown, les rares capitales de la sous-région à être épargnées, sont bel et bien fragiles et attaquables ? Ce serait trop facile de s’en tenir au simple démenti de l’Ambassade américaine à Abidjan.
Cette rumeur n’est pas anodine. Elle a des commanditaires et des complices, des relais conscients et organisés (puisqu’il semble malgré tout que des parents d’enfants américains auraient reçu des SMS dans ce sens), qu’il convient d’identifier pour mieux cerner la réalité de la menace terroriste. Enfin, un dispositif d’alerte et de réaction plus rapide, doit être mis en place pour éviter (comme c’est le cas) une réaction 72 heures après, ou même plus tard, alors que le mal a été déjà fait”.
Quelques semaines après l’attaque terroriste de Bassam a eu lieu. Les rumeurs se sont poursuivies parlant de couvre feu et autres, affolant la population, notamment le SMS cité plus haut. Ce qui a conduit les autorités ivoiriennes à produire cet autre communiqué ci dessous pour mettre en garde, le Jeudi 17 mars 2016 : ” Des personnes font circuler des SMS de nature à paniquer la population dans cette situation de crise que traverse la Côte d’Ivoire.
Le Ministre d’Etat, Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité rappelle que la propagation de fausses informations est punie par l’article 173 du Code Pénal.
Par conséquent, toutes les personnes qui véhiculeront directement ou indirectement ces fausses informations seront traduites devant les tribunaux afin de subir la rigueur de la Loi.”
Alice Ouédraogo