Maurice Sawadogo est exploitant agricole et leader dans le milieu associatif du secteur en Cote d’Ivoire. Il plaide pour une modernisation de l’agriculture ivoirienne.
Monsieur , le prix du cacao vient d’être fixé à 850 f, quel commentaire ?
C’est une satisfaction. Nous sommes très heureux car depuis que le président Ouattara est au pouvoir, le prix du cacao ne fait qu’augmenter. La première année, c’était à 725, puis 750 et aujourd’hui 850 FCFA. C’est la preuve que le gouvernement pense à nous.
Depuis combien d’années n’avez-vous pas bénéficiez d’un tel prix ?
Pendant la crise poste électorale, on n’avait ces prix mais ce n’était pas appliqué sur le terrain. Avant on avait des prix indicatifs. Le prix pouvait être fixé à 1000f, mais sur le terrain, on vendait le produit à 750F ou 800F puisque c’était les acheteurs et les pisteurs qui faisaient la loi. Au temps du président Félix Houphouët Boigny on avait 400f, avec le président Bédié 500f, avec le président Gbagbo on était à 700f et aujourd’hui on a le montant de 850 qui est appliqué effectivement sur le terrain. Cela est à encourager.
Vous disiez que le prix du cacao connaît une hausse à chaque campagne avec l’actuel régime, est-ce- à-dire pour vous que l’émergence se dessine dans le monde agricole ?
Bien sur. Le prix est acceptable mais d’autres facteurs concourent au bien être des producteurs. Dans l’Indenié-Djuablin, il y a le reprofilage de 60% des pistes qui a été entamé. Il y a de plus en plus de l’hydraulique dans les villages et dans les sous-préfectures. C’est l’ensemble de tous ces facteurs qui nous emmènent à dire que nous allons vers l’émergence. Mais il y a encore des efforts à faire. Lorsque vous allez dans le nord d’Abengourou, les pistes sont reprofilées, mais lorsque vous vous rendez dans la partie sud c’est-à-dire Zaranou, Ebilassokro, Bettié, il y a encore du boulot à faire. C’est pour cela que nous interpellons les uns et les autres pour qu’on ne laisse personne de côté, au sujet de l’émergence de la Côte d’Ivoire.
2015 est une année électorale, ne craignez vous pas qu’elle puisse influencer le bon déroulement de la campagne cacaoyère ?
Nous producteurs n’avons pas de problème. Nous n’allons pas nous substituer aux hommes politiques. Chacun à son travail. Donc je ne crois pas que l’année électorale puisse influencer la campagne du cacao. Les politiciens nous ont conduits à nous entretuer, nous ne voulons plus de cela. Mais puisque nous sommes des citoyens du pays, si le président Alassane Dramane Ouattara veut un second mandat, ce que nous producteurs avons à faire, c’est de faire notre bilan. Il s’agira par exemple de savoir si le président a tenu ses promesses de campagne en matière agricole. Si nous jugeons ce bilan positif, nous allons le soutenir. Dans le cas contraire, nous lui tournerons le dos. Ceci dit, je crois qu’il est sur la bonne voie.
Il y a trois ans de cela que la réforme est en marche, quelle regard ?
Si on devrait noter Toure Massandje Liste, directrice générale du conseil café cacao, je lui donnerai 15 sur 20. Depuis la réforme, il y a une lisibilité dans l’activité café cacao en général à commencer par le bord champ jusqu’au port. Lorsque vous prenez une coopérative quelconque, vous constatez une traçabilité, avec ses producteurs qui sont clairement identifiés. Par le passé, on avait de nombreuses coopératives fictives dont certains présidents faisaient la pluie et le beau temps alors qu’ils ne livraient même pas 1 seul Kg de cacao en fin de campagne. Cependant, ce que nous souhaitons vivement et qui fait grandement défaut dance la réforme, c’est le manque de renforcement de capacités des acteurs. La filière est en pleine mutation et il est indispensable que les acteurs à la base soient suffisamment outillés afin de faire face aux défis qui les attendent. Le renforcement des capacités a été l’un des points forts avec les dirigeants de la libéralisation puisque le contexte était nouveau. Et ces formations ont donné de bons fruits. Le contexte est nouveau dans la réforme, la formation s’impose à nous. Autre chose que nous demandons, c’est de dire au ministère de l’agriculture de ne plus faire l’agriculture des années 1960. Nous sommes un pays qui évoluons vers l’émergence, il faut par conséquent la mécanisation de son agriculture. De plus en plus, nous avons des bacheliers, des universitaires qui retournent à la terre. La force physique n’a plu sa place. La main d’œuvre agricole devient rare puisque les bailleurs de fonds investissent dans tous les pays du monde. Le Burkina Faso, le Togo et les autres pays qui nous apportaient la main d’œuvre ne nous ravitaillent plus, surtout que l’utilisation des enfants dans la cacaoculture est formellement interdite. Désormais, nous sommes livrés à nous-mêmes. Il n’y plus de main d‘œuvre dans les plantations. Ceux qui restent sont vieillissants. Le verger aussi est vieillissant. C’est vrai que le CNRA nous a donné des semences mais demain il va falloir récolter mais avec quelle main d’œuvre ?
Vous soulevez le problème de la mécanisation de l’agriculture, si cette mécanisation tarde, à quoi s’expose-t-on ?
La réponse est évidente, on s’expose à une baisse considérable de la production de notre cacao un peu comme c’est le café. Regardez le café, c’est une culture qui donne mais on n’arrive pas à récolter parce qu’il n’y a pas de main d’œuvre. Actuellement, le cacao produit mais de quelle main d’œuvre disposerons nous à la récolte surtout avec les nouvelles variétés qui donnent 1 tonne voire 1,5 tonne et demi à l’hectare. C’est vous dire que si nous n’allons pas vers une mécanisation avec des machines pour récolter et cabosser comme dans la culture du riz, il est évident que la Côte d’Ivoire perdra sa première place de premier producteur mondial du cacao. L’exemple du café est un témoignage édifiant.
Ernest Famin, Abengourou, Côte d’Ivoire