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    Contribution : la Côte d’Ivoire, 1er pays africain au sous-sol pauvre à dépasser en richesse un pays d’Amérique hispanique

    Contribution : la Côte d’Ivoire, 1er pays africain au sous-sol pauvre à dépasser en richesse un pays d’Amérique hispanique
    Publié le
    Par
    Charles Kouassi
    Lecture 7 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    Après avoir réussi l’exploit de dépasser le Ghana et le Nigeria, deux pays regorgeant de richesses naturelles, la Côte-d’Ivoire, pays francophone d’Afrique de l’Ouest, vient de dépasser le Nicaragua pour devenir le premier pays africain au sous-sol pauvre de l’histoire à devancer un pays d’Amérique hispanique.

    Selon les statistiques récemment publiées par la Banque mondiale, le PIB par habitant de la Côte d’Ivoire s’établissait à 2 286 dollars fin 2019, soit un niveau désormais supérieur à celui du Nicaragua (1 913 dollars). Ce dernier avait, en fait, déjà été dépassé au cours de l’année 2018, mais ce n’est qu’après la récente mise à jour de la base de calcul du PIB de la Côte d’Ivoire (comme, avant elle, pour le Ghana et le Nigeria) que cette évolution a pu être mise en évidence.

    Un évènement historique, dû à une croissance record

    La Côte d’Ivoire est donc aujourd’hui le seul pays africain au sous-sol pauvre à devancer en richesse un pays d’Amérique hispanique (hors très petits pays de taille négligeable et de moins de 1,5 million d’habitants, majoritairement insulaires et ne pouvant être pris en compte pour de pertinentes comparaisons). Ce pays de six millions d’habitants, situé en Amérique centrale et faisant partie des 18 pays du continent à avoir l’espagnol pour langue officielle, a par ailleurs une population aux deux tiers exclusivement ou majoritairement d’ascendance européenne. Ce qui fait de cette origine la principale des origines présentes dans le pays, loin devant les racines amérindienne et africaine.

    L’importante progression de la Côte d’Ivoire résulte de la très forte croissance que connaît le pays depuis plusieurs années. Sur la période de huit années allant de 2012 à 2019 (et hors micro-États, et plus précisément Nauru, pays insulaire du Pacifique sud ne comptant que 11 mille habitants et pour un territoire de seulement 21 km2), la Côte d’Ivoire a réalisé la plus forte croissance au monde dans la catégorie des pays ayant un PIB par habitant supérieur ou égal à 1 000 dollars, avec une croissance annuelle de 8,2 % en moyenne (6,9 % en 2019). Plus impressionnant encore, elle se classe deuxième toutes catégories confondues, pays très pauvres inclus, faisant ainsi mieux que 30 des 31 pays au monde qui avaient un PIB par habitant inférieur à 1 000 dollars début 2012. La Côte d’Ivoire n’est alors dépassée que par l’Éthiopie, qui a connu une croissance annuelle de 9,2 % en moyenne (8,3 % en 2018). Une performance qui résulte essentiellement du très faible niveau de développement de ce pays d’Afrique de l’Est, qui était le deuxième pays le plus pauvre au monde début 2012 et qui en demeure un des plus pauvres avec un PIB par habitant de seulement 857 dollars, fin 2019 (soit près de 2,7 fois moins que la Côte d’Ivoire). Sur cette même période de huit années, le Nicaragua a enregistré une croissance annuelle de 2,7 % en moyenne.

    Ce grand dynamisme avait d’ailleurs permis à la Côte d’Ivoire de dépasser auparavant le Kenya (1 816 dollars par habitant fin 2019), avant de réussir l’exploit de devancer deux pays voisins regorgeant de matières premières que sont le Ghana et le Nigeria (respectivement 2 202 dollars et 2 230 dollars par habitant). En effet, le Ghana est devenu le premier producteur d’or du continent, avec une production plus de quatre fois supérieure à celle de la Côte d’Ivoire (142,4 tonnes en 2019, contre seulement 32,5 tonnes, soit + 338 %). De plus, le pays fait désormais partie des pays pétroliers du continent, se classant aujourd’hui à la quatrième position en Afrique subsaharienne, devant le Gabon (avec une production d’environ 200 000 barils par jour, contre moins de 40 000 pour le pays d’Houphouët-Boigny, soit cinq fois plus). Et ce, dans un domaine qui continue à être largement dominé par le Nigeria, premier producteur d’or noir du continent, avec une production annuelle qui se situe, en moyenne, à environ deux millions de barils par jour. Sur la période 2012-2019, le Ghana et le Nigeria ont enregistré, respectivement, une croissance annuelle de 5,7 % et de 2,9 % en moyenne.

    La Côte d’Ivoire, qui, rappelons-le, est un tiers plus vaste que le Royaume-Uni (et non deux ou trois plus petite, comme l’indique la majorité des cartes géographiques en circulation…), devrait continuer à connaître une croissance robuste dans les prochaines années. Le pays fait d’ailleurs partie de l’espace UEMOA, qui n’est autre que la plus vaste zone de forte croissance du continent, avec une hausse annuelle du PIB de 6,4 % en moyenne sur la période de huit années allant de 2012 à 2019 (et dont plus aucun pays ne fait partie des 10 pays les plus pauvres du continent, dans lequel le Soudan du Sud arrive en dernière position).

    Le Honduras, l’Angola et la Tunisie en voie d’être dépassés

    Selon les prévisions économiques internationales, et grâce à sa forte croissance, la Côte d’Ivoire devrait très rapidement dépasser à son tour un deuxième pays d’Amérique hispanique, à savoir le Honduras. Pays également situé en Amérique centrale, et comptant une population de 10 millions d’habitants, le Honduras affichait un PIB par habitant de 2 575 dollars à la fin de l’année 2019, et devrait continuer à connaître prochainement une croissance économique assez faible (2,7 % en 2019).

    La Côte d’Ivoire devrait ensuite réussir l’exploit de devancer un troisième pays très riche en matières premières, à savoir l’Angola. Ancienne colonie portugaise, ce pays de 32 millions d’habitants est en effet le deuxième producteur africain de pétrole, après le Nigeria, et disposait d’une richesse par habitant de 2 974 dollars fin 2019. Mais à l’instar du Nigeria, ce pays connait un déclin économique depuis plusieurs années, avec en moyenne une croissance annuelle négative de -1,0 % sur la période de cinq années allant de 2015 à 2019 (et seulement 1,2 % pour le Nigeria), soit un taux largement inférieur au taux de croissance démographique du pays (3,3 % en moyenne sur la même période). Une évolution qui s’est notamment traduite par un baisse de 85 % de la valeur de la monnaie nationale par rapport au dollar depuis 2014 (près de 60% pour le Nigeria) et qui devrait se poursuivre pendant les quelques prochaines années, au moins, selon les prévisions en la matière et comme pour le Nigeria. En effet, l’Angola et le Nigeria connaissent une tendance à la baisse de leur production pétrolière, et ne sont pas parvenus à diversifier leur économie et leurs exportations, qui reposent toujours presque uniquement sur les hydrocarbures (environ 94 % pour le Nigeria et 98 % pour l’Angola).

    Après le Honduras et l’Angola, entre autres, la Côte d’Ivoire, qui, au passage, devance déjà non moins de 12 pays asiatiques (comme la Birmanie, le Cambodge, le Pakistan ou encore l’Ouzbékistan), devrait dépasser à moyen terme la Tunisie, et devenir ainsi le premier pays d’Afrique noire au sous-sol pauvre à dépasser dans l’histoire un pays d’Afrique du Nord. Après avoir été longtemps un modèle de réussite économique et de développement pour l’ensemble du continent, la Tunisie, peuplée de 12 millions d’habitants, connait hélas une très faible croissance depuis sa révolution de janvier 2011, et qui a même été la plus faible de toute l’Afrique du Nord sur la période 2012-2019 (seulement 2,2 % en moyenne annuelle). Avec une richesse par habitant s’établissant à 3 317 dollars fin 2019, le pays devrait d’ailleurs devenir assez rapidement le pays le plus pauvre de cette partie du continent, se faisant d’abord devancer par le Maroc (3 204 dollars fin 2019), puis par l’Égypte (3 020 dollars).

    Même faiblement pourvus en richesses naturelles, les pays d’Afrique noire sont donc parfaitement capables de dépasser en prospérité des pays ayant une population majoritairement d’origine européenne ou nord-africaine. Et le peuple ivoirien peut donc être considéré comme le premier à en avoir fait l’éclatante démonstration.

    Ilyes Zouari
    Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le Monde francophone)
    Spécialiste du Monde francophone, Conférencier.
    www.cermf.org
    info@cermf.org

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