J’appartiens à cette école de pensée qui préférerait que l’Afrique définisse son propre modèle d’organisation politique. Cela me réconforte à chaque fois que je discute avec la jeunesse de l’élite africaine et que je me rends compte que cette philosophie est partagée largement par cette génération.
Au delà de l’optimisme que ces échanges génèrent en moi, je note que sur le court terme, le modèle politique qui va prévaloir dans nos sociétés, sera un modèle inspiré par les sociétés Occidentales.
C’est dans ce contexte que j’écris cette contribution destinée à l’opposition africaine en général, et dont certaines réactions ont souvent des effets contre productifs qui ne font pas avancer le jeu démocratique.
Lorsqu’en Novembre 2008 Barack Obama est devenu Président des États-Unis d’Amérique, et que les démocrates ont pris le contrôle des deux Chambres du Congrès aux États-Unis, on aurait pu attendre des Républicains qu’ils se découragent.
Ils avaient beaucoup souffert de la guerre en Irak et la crise économique qui venait de démarrer avant l’élection leur était aussi imputée.
Pourtant deux ans plus tard, lors des élections de mid term, quelque chose de spectaculaire s’est passé. L’effet Obama avait certainement commence à s’effriter.
Si on ajoute à cela, ce que certains ont qualifie l’obsession idéologique du projet OBAMACARE, utilisé par les Républicains pour créer de la panique dans la population américaine, on peut comprendre la déculottée que les Démocrates ont vécue.
Depuis lors, ils ont réussi grâce au contrôle retrouvé au sein de la Chambre des représentants à paralyser ou perturber l’administration Obama à plusieurs reprises.
Lorsque viendra le moment d’écrire l’histoire de l’administration Obama, cette reprise de main des Républicains et ses répercussions ne pourront pas être ignorées.
Qui aurait parié qu’en 2012, Nicolas Sarkozy entrerait dans l’histoire de la Vème République comme un président à un seul mandat ?
Certainement pas ceux qui l’avaient observé sur l’échiquier politique pendant ces décennies au cours desquelles son ambition politique s’est affirmée. Et pourtant François Hollande, le politicien qui n’avait jamais occupé de poste ministériel et qui avait été tant critiqué pour sa gestion du parti socialiste pendant les années de l’après défaite humiliante de Lionnel Jospin, a balayé la Sarkozie du revers de la main.
Qui aurait parié que par la suite en 2015, malgré l’affaire Bettencourt et tous les potentiels rivaux au sein de sa famille politique, Sarkozy serait de retour à la tête de la machine des Républicains, aussi puissant que jamais et se préparant pour le match retour contre Hollande qui est maintenant au plus bas des sondages ? S’agit-il d’un miracle eu d’un mirage ?
En Novembre 2014 les indépendantistes écossais vécurent un moment qui aurait dû les clouer politiquement : après des décennies à réclamer un référendum pour prendre leur indépendance de la Grande-Bretagne après 300 ans d’union, ils virent leurs rêves brisés.
Plutôt que de larmoyer, leur leader historique, le formidable Alex Salmond a prononcé un discours que toute personne qui vit un échec devrait écouter. Il y déclarait de façon audacieuse que cette défaite était une victoire et qu’un jour ou l’autre, l’Ecosse serait une nation indépendante.
Dans les semaines qui ont suivi, celle qui avait été pendant longtemps dans son ombre, Nicola Sturgeon, prenait la tête du parti écossais.
Il s’en suivit une campagne pour l’élection générale basée sur le rejet de l’austérité offerte par les Conservateurs et que les Travaillistes étaient accusés de poursuivre s’ils revenaient au pouvoir.
Elle réussit à capter l’imagination de ses compatriotes et même au delà, en apparaissant comme une figure de l’anti-establishment (dont elle est pourtant, bien entendu, un pur produit), et enthousiasma les foules lors de ses meetings.
Résultat des courses : le 8 Mai 2015, six mois après le référendum, les résultats de l’élection générale montrèrent que le lion écossais avait rugi.
Défait dans le référendum, le parti nationaliste, avait complètement éradiqué les travaillistes enracinés en Ecosse du paysage politique local.
Cette nouvelle force sur l’échiquier politique a permis aux nationalistes d’entrer à Westminster avec confiance et de réclamer avec succès plus de pouvoirs dévolus a l’Ecosse, tout en réussissant à remettre la question de l’indépendance sur la table.
Et des Écossais se remettent à rêver en utilisant tous les moyens institutionnels à leur disposition pour créer ce vent d’indépendance qui ne faillira peut être pas à la prochaine tentative.
Les travaillistes pour leur part n’ont pas perdu espoir de se repositionner en Ecosse, et y font des offensives de charme, tout comme les conservateurs qui y sont si peu représentés, mais qui ne désespèrent pas un jour de voir leurs idées embrassée dans le pays d’Adam Smith, le chantre de l’économie de marché.
Que retenir de tout ceci ? Qu’il est bien normal que suite à une défaite électorale ou politique, les émotions fassent un peu s’égarer une opposition dans son langage, et dans ses actions.
Le danger, c’est de rester sur ce sentiment initial de frustration et de ne pas dépasser la torpeur pour se remettre en ordre de bataille.
Au-delà des élections présidentielles, il y’a plusieurs échéances électorales en Afrique et bien souvent, avoir un groupe parlementaire, des maires, des conseillers municipaux et régionaux etc., pouvant défendre un programme et critiquer un bilan, peut être une arme redoutable pour se positionner face à un pouvoir sortant.
Cette arme est plus efficace que la critique facile, le délit de faciès, les insultes gratuites, les accusations de trahison et tout le spectacle désolant que trop souvent les oppositions africaines offrent aux électeurs.
Cette stratégie n’a pour effet que de consolider le statut quo car l’électorat est de plus en plus désabusé et l’abstention aux dernières élections présidentielles ivoiriennes que certains membres de l’opposition revendiquent, devrait être interprétée avec un peu plus d’humilité à l’aune de leur propre capacité à enthousiasmer la population.
Youma Jamila Nana