Le SILA 14 (Salon International du Livre d’Abidjan) bât son plein depuis le mardi 14 mai 2024. La journée 3, celle du jeudi, appelée, journée de la République, a retenu toute l’attention de la République de Côte d’Ivoire. Pour cause : le couple présidentiel (Alassane et Dominique OUATTARA) y a fait un tour.
Tout en sacrifiant à la tradition en faisant le tour de tous les stands et en achetant des livres, l’alibi véritable de cette visite réside en l’hommage consacré à Bechir Ben Yahmed, le défunt fondateur de jeune Afrique; par ailleurs ami personnel du Président Alassane OUATTARA.
Cet hommage goupillé autour des mémoires autobiographiques de Béchir Ben Yahmed : “J’assume” avec la participation active d’éminences grises telles que : l’ancien ministre Ibrahima Sy Savane des anciens de Jeune Afrique, Bombote Diomanci, Dramé, Rachid, des admirateurs de l’homme de presse : Alafe Wakili, Aminata Khan, Assiatou Diallo. Hélas, ces mémoires sont moins connues par le grand public.
Tout en vous invitant à vous approprier “J’assume” de Bechir Ben Yahmed et de le lire avec appétit, CoolBee Ouattara, journaliste et membre du commissariat Général du SILA a décortiqué partiellement et transversalement l’œuvre pour vous.

“J’ASSUME” DE BECHIR BEN YAHMED, LES MEMOIRES DU FONDATEUR DE JEUNE AFRIQUE | BBY L’HOMME AUX DEUX VIES.
Béchir Ben Yahmed aurait pu être épicier comme son père et personne n’aurait rien à dire. Il aurait pu être aussi homme politique, sans plus.
Il a choisi, par souci de liberté et d’indépendance d’être journaliste et éditeur.
Béchir Ben Yahmed à 28 ans était déjà ministre de l’Information du 1er gouvernement de la Tunisie, par la volonté d’un homme : Habib Bourguiba. Le 25 juillet 1957, la 1ère République de la Tunisie est proclamée. C’est tout naturellement, qu’il fut reconduit par son mentor. Il démissionnera en septembre de la même année et s’éloignera définitivement de la politique active.
De par ses Etudes à HEC, son père pensait qu’il deviendrait commerçant ou banquier, que neni. Son destin croisa Habib Bourguiba en 1954 et tout bascula, comme écrit précédemment. Ministre auprès de son mentor de 1956 à 1957, il démissionna sans jamais être aussi loin d’Habib Bourguiba. Ce dernier, à plusieurs reprises l’incita de revenir auprès de lui, pour reprendre son porteuille ministériel. Rien n’y fit. Son chemin était ailleurs et la politique politicienne active n’était plus pour BBY.
Du patron de presse qu’il fut devenu en passant par ses Etudes à HEC, il a fait du chemin. Bien avant Jeune Afrique, il avait créé Afrique Action en 1960 et son dernier né du côté de la presse est “la Revue”. Témoin des Indépendances des pays africains, son bref passage auprès d’Habib Bourguiba en tant que Ministre l’aideront dans sa profession de patron de presse. Ce n’est pas pour autant que ses relations avec les présidents des Républiques furent des fleuves tranquilles. Jeune Afrique, comme l’affirme son créateur se veut indépendant et ne veut point rouler pour une quelconque raison pour un Président. Les tentatives de rachat du titre ont été maintes fois mises sur table. BBY n’a jamais cédé.
Amis de certains Président BBY en a eu des « ennemis ». Il a été persécuté jusqu’à la suppression de son titre dans des pays subsahariens et ceci pendant plusieurs années. Félix Houphouët Boigny fut de ceux-là : « En 1978, le directeur de communication de Félix Houphouët Boigny, Roger Perriard, m’invita à Abidjan pour me présenter au Président Ivoirien. « je sais quelles sont vos réticences réciproques, mais j’aimerais que vous vous connaissez mieux. me dit-il. Félix Houphouët Boigny nous avait trainés en justice, interdits…il était allé jusqu’à demander à tous les pays d’Afrique de l’ouest d’en faire autant, de même il prêta son avion à son ministre Laurent Dona Fologo pour qu’il aille convaincre ses pairs. Poussé par la curiosité, je fini toutefois par céder en me rendant à Abidjan avec ma femme, non sans avoir averti Perriard que je n’accepterai ni cadeaux ni argent de la part du Président ». Page 310-311. Ce passage révèle le tout Béchir Ben Yahmed : Libre et indépendant.
Biens ou mauvaises, il croit en ses convictions et a voulu rester indépendant jusqu’au bout, d’où son célèbre édito : « Ce que je crois ».
Comme toute œuvre humaine, sa carrière a connu des hauts et des bas. S’il ne croyait pas en ses convictions, il aurait vendu le journal ou fermé boutique depuis belle lurette. Les propositions n’ont pas manquées. Entre autres : Bourguiba son mentor, Eyadema, Oumar Bongo pour ne citer que ceux-ci et ceci au plus fort de sa crise financière. Danielle son épouse a été d’un soutien inestimable pour l’aider à conserver son journal. De ses deux vies : politique et patron de presse BBY a été un exemple de loyauté.
Dans ces mémoires-ci, surgissent des portraits de Bourguiba, Foccart, Mitterrand, Bongo Edimba, Lumumba, Che Guevara, Ho chi Minh, Boumediene, Senghor, Felix Houphouët Boigny, Alassane Ouattara et d’autres.
D’Alassane Ouattara, il retient : “Un ami qui ne sait jamais mêlé de ses avis et convictions” bien qu’il eut à aider, à la réapparition du titre en Côte d’Ivoire après une conversation avec son patron d’alors le Président Félix Houphouët Boigny.
Ont fait Jeune Afrique : Danielle, Zyad, Amir, Marwane, Siradou Diallo, Sennen Adriamirado, François Soudan, Jean Lours Gourmand, Sophie Besso, Aldo Silvan, Moulay Hofid Amazirh…
Le destin l’a bien récompensé de sa fidélité à ses idéaux en deux faits.
Il a pu laisser en héritage Jeune Afrique à ses ayants-droits sans céder aux chants des sirènes.
Il a quitté le monde le 3 mai 2021, journée mondiale de la liberté de la presse. Il avait presqu’un siècle : 93 ans. Bel hommage que lui rendent tous les journalistes du monde entier chaque 3 mai.
Un livre à conseiller aux étudiants en journalisme, aux patrons de presse et à tous ceux qui aspirent à savoir, les problèmes auxquels les Etats africains ont été confrontés depuis 1960 jusqu’en 2021.
J’assume de BBY est édité par les éditions « Le Rocher » en 2021.
LU POUR VOUS PAR : Coolbee OUATTARA, journaliste et membre du commissariat Général du SILA.