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    Chronique du lundi – territoires et mairies en Côte d’Ivoire : le rôle du district autonome de la Comoe dans le cadre de la decentralisation

    Chronique du lundi – territoires et mairies en Côte d’Ivoire : le rôle du district autonome de la Comoe dans le cadre de la decentralisation
    Publié le
    Par
    Christian Gambotti
    Lecture 6 minutes

    Le District Autonome de la Comoé comprend trois régions, l’Indénié-Djuablin, le Moronou et le Sud-Comoé, et il compte au total 1.555.668 Habitants. Selon le ministre-gouverneur du District, Pascal Abinan Kouakou, qui inscrit son action dans le cadre de la décentralisation et le respect des pouvoirs réservés aux Structures décentralisées et déconcentrés de l’Etat : « le District Autonome est un puissant outil de développement qui, dans une synergie d’actions, devrait aboutir à la transformation de notre aire géographique en un dynamique pôle de développement. »

    Trois idées sont à retenir ; la création d’une aire géographique suffisamment importante en regroupant, sous l’autorité du ministre-gouverneur, plusieurs régions ; la création d’ « un puissant outil de développement » ; les synergies, ce qui suppose l’existence d’un schéma directeur destiné à assurer la cohérence des actions conduite sur un vaste territoire. Il s’agit aussi de tenir compte des spécificités du terrain et impliquer davantage les populations.

    Le rôle du District autonome

    L’Etat et le pouvoir central restent pour de nombreux territoires et un grand nombre d’Ivoiriens des entités abstraites, loin des réalités du terrain La création des « districts autonomes » et la nomination des ministres-gouverneurs » visent à consolider le rôle de l’administration territoriale « en vue d’assurer l’encadrement des populations, de pourvoir à leurs besoins, de favoriser le développement économique, social et culturel ainsi que de réaliser l’unité et la cohésion nationales. » Ce rôle est déjà tenu par les pouvoirs locaux, – les Régions, les Départements, les communes (villes et villages) -, dans les limites de leurs compétences. Il faut ajouter, pour les services déconcentrés de l’Etat, les Préfectures et les Sous-Préfectures. La décentralisation entraîne une profonde redistribution entre les autorités locales et le pouvoir central. Se pose alors la question de la complémentarité entre les politiques publiques, définies à l’échelon national par l’Etat, le gouvernement et le législateur, et les politiques territoriales, qui demandent une meilleure prise en compte des facteurs locaux. Pour être efficaces, les politiques publiques, décidées à l’échelon national, doivent avoir, dans tous les domaines, une dimension locale.

    Cette « territorialisation » des politiques publiques se fait à travers un schéma directeur que les ministres-gouverneurs des Districts autonomes doivent faire approuver par le gouvernement. Pour Pascal Abinan Kouakou, « le schéma directeur du District autonome de la Comoé ne peut réussir que si chacun, localement, participe à sa rédaction et se l’approprie. » Le rôle du ministre-gouverneur est alors de veiller à la cohérence du schéma directeur, évaluer la faisabilité des projets et la bonne exécution des programmes en lien avec l’objectif de développement et les attentes des populations. Dans le cadre de la décentralisation, le District Autonome de la Comoé est chargé de « Coordonner, suivre, évaluer la bonne exécution des programmes, des projets et de toute action de développement en matière d’aménagement du territoire, de planification du développement, de transport, de santé, de protection de l’environnement, d’agriculture, de gestion des ressources naturelles, d’enseignement et de formation professionnelle, d’action sociale, culturelle et de promotion humaine, de promotion du développement économique, de promotion du tourisme et d’électrification rurale », tout en veillant « au respect du calendrier et des exigences techniques et financières. »

    La méthode de travail est alors la suivante : le ministre-gouverneur sollicite les organismes publics ainsi que le concours des commissions de développement régional, afin de réaliser des études prospectives devant aboutir à l’établissement d’un schéma directeur pour le développement du District ; il élabore, en lien avec les populations, les élus locaux et les Autorités Préfectorales, un Livre Blanc du District Autonome, en assure le suivi et la mise à jour ; il fait approuver par le Gouvernement le projet de schéma directeur.

    Une synergie d’actions pour dynamiser l’économie et créer des emplois

    Le District autonome de la Comoé, avec trois régions différentes essentiellement agricoles, l’Indénié-Djuablin, le Moronou et le Sud-Comoé, demande, pour créer un pôle de développement dynamique dans une même aire géographique, un schéma directeur cohérent. L’agriculture constitue  la principale richesse de la région de l’Indénié-Djuablin où les taux d’occupation des sols y sont particulièrement élevés.  On trouve dans le District des cultures de rente (café, cacao, palmier à huile, hévéa, ananas, banane), des cultures vivrières (igname, riz, tarot, manioc), des cultures maraichères (tomate, aubergine, gombo, piment). Le cacao et le café, qui sont des cultures pérennes, constituent les principales cultures industrielles de la région et leur commercialisation demeure la première économie. La sécurité et la souveraineté alimentaires, liées au respect des normes environnementales, demandent à ce que soit mis en œuvre des dispositifs de modernisation de l’écosystème agricole. Autres points forts du District : l’élevage et une importante activité de pêche, avec le fleuve Comoé, la lagune et l’océan. Dans le Sud-Comoé, la pêche artisanale est menacée et la filière piscicole connaît d’énormes difficultés (ensablement fréquent de l’estuaire de la Comoé et du réseau lagunaire Ebrié, investissement insuffisant et manque de suivi et d’entretien.). Région la plus peuplée du District avec une population de 800 000 habitants, le Sud-Comoé dispose d’une économie diversifiée (agriculture, industrie, tourisme, hôtellerie, restauration, commerce, transport, logistique). Il existe d’importants complexes agro-industriels (huile de palme, caoutchouc, savonnerie, industries agro-alimentaires) et une zone industrielle de 300 hectares qui assure le prolongement des zones industrielles d’Abidjan. La région est également dotée de ressources minières (manganèse, cuivre, diamant, or, étain, zinc, bitume naturel, pétrole). Le président de la Région, Eugène Aka Aouélé, élu sans discontinuité depuis 2013, a tenu à développer différentes structures éducatives : centre de formation artisanale de vannerie, formation professionnelle dans les secteurs de la santé, l’élevage, l’agriculture et la menuiserie, centre d’animation et de formation pédagogique, Institut industriel de l’Afrique de l’Ouest, école de poterie, Institut de formation et d’éducation féminine, une université internationale (IUGB). Eugène Aka Aouélé veut faire de sa région, à l’horizon 2030, un pôle d’opportunités économiques durables, s’appuyant sur les technologies nouvelles (digitalisation, Intelligence Artificielle) et ouvert à l’international.

    Le District autonome de la Comoé regorge également de richesses naturelles et touristiques, c’est aussi un hub de la tradition, des us et coutumes avec de nombreuses fêtes traditionnelles (la fête traditionnelle de l’Abissa, qui se tient chaque année à la cour royale de Grand-Bassam, est célébrée depuis plus de trois siècles) et des festivals. Les trois régions du District sont elles-mêmes des royaumes. Le rôle du ministre-gouverneur du District autonome de la Comoé est d’assurer la cohérence du développement économique, protéger l’environnement et préserver les coutumes et les traditions en agissant au plus près des populations. Il lui appartient de valoriser l’action territoriale en l’inscrivant dans les grandes orientations des politiques publiques, car il s’agit bien de consolider la cohésion et l’unité nationales dans un pays qui a souvent connu les soubresauts des fractures territoriales et ethniques.

    Christian GAMBOTTI –  Agrégé de l’Université – Président du think tank Afrique & Partage –  Président du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) – Directeur général de l’Université de l’Atlantique (Abidjan) – Chroniqueur, essayiste, politologue. Contact : cg@afriquepartage.org 

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